Astronomie populaire (Arago)/I/07

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 19-23).


CHAPITRE VII

notions et définitions concernant les angles rectilignes


Deux lignes droites qui se rencontrent forment un angle. Le point de réunion des deux lignes s’appelle le sommet ; les deux droites sont les côtés de l’angle. L’angle reste évidemment le même, quelle que soit la longueur que l’on donne à ses côtés.

Un angle étant susceptible d’augmentation et de diminution, doit pouvoir être mesuré. Voici comment on s’y prend pour effectuer cette opération.

Une circonférence de cercle étant divisée en 360 degrés, et chaque degré portant, s’il y a lieu, une division en 60 minutes, on place le sommet de l’angle qu’on veut mesurer au centre de la circonférence, et l’on applique l’un des côtés sur le rayon du cercle qui aboutit à la division zéro, ou, ce qui est la même chose, à la division 360. On cherche ensuite à quel point de ce cercle divisé l’autre côté de l’angle prolongé, si c’est nécessaire, va correspondre ; si ce dernier côté rencontre la division 1 du cercle, le premier côté, coïncidant avec 0, l’angle est de . Si, tout restant dans le même état, le second côté correspond à la division 2, 3, 20, 40…, l’angle est de , , 20°, 40°, et ainsi de suite. Si le second côté ne correspond pas exactement à l’une des grandes divisions du cercle, l’angle se composera d’un nombre rond de degrés et de minutes indiquées par la subdivision du degré en 60 parties, auquel le second côté aboutira. Ainsi on aura, par exemple, pour la valeur de l’angle, 2° 20′, 2° 25′, 2° 30′ ou 2° 31′, suivant les cas.

Il est évident que les angles ainsi mesurés seront les mêmes, quel que soit le rayon de la circonférence du cercle divisé à laquelle on les compare ; s’il n’en était pas ainsi, ce moyen de mesure serait illogique et ne pourrait être accepté ; mais nous avons vu précédemment que les nombres de degrés restent les mêmes, et que les grandeurs des arcs occupés par chaque degré changent seuls avec les rayons des cercles sur lesquels on les mesure.

Tous les angles dont la mesure est comprise entre 0 et 90° s’appellent des angles aigus ; à 90°, on dit que l’angle est droit ; passé ce terme et jusqu’à 180°, limite où les deux côtés, étant sur le prolongement l’un de l’autre, ne forment véritablement pas d’angle, les angles se nomment des angles obtus.

Les deux côtés d’un angle droit ou égal à 90° sont dits perpendiculaires l’un sur l’autre ; quand l’angle est aigu ou obtus, les deux droites qui en constituent les côtés sont dites obliques l’une par rapport à l’autre.

L’angle formé par les deux lignes visuelles, partant d’un point déterminé et aboutissant aux deux bords opposés d’un objet, s’appelle l’angle sous-tendu par l’objet. Cette expression sera d’un fréquent usage dans nos recherches astronomiques ; il est donc bien nécessaire de ne pas oublier sa véritable signification.

Nous avons vu précédemment que la longueur développée d’un degré étant connue sur un cercle d’un rayon égal à 1, est double sur un cercle de rayon doublé, triple sur un cercle de rayon triple, décuple sur un cercle de rayon décuple, et ainsi de suite.

La longueur qui occupait un degré sur un cercle d’un rayon 1 n’embrassera qu’un demi-degré appliquée sur un cercle de rayon 2, un tiers de degré sur le cercle de rayon 3, et un dixième de degré sur un cercle de rayon 10.

Un arc de 1 degré est assez peu courbe pour que nous puissions étendre la proposition à des lignes qui n’auraient aucune courbure sensible, et dire d’une droite vue perpendiculairement que si elle sous-tend un angle de à une distance 1, elle sous-tendra un angle de degré à la distance 2, un angle de de degré à la distance 3, un angle de de degré à la distance 10, etc.

Cette remarque est le principe fondamental d’une méthode dont on fait le plus grand usage en astronomie, puisqu’elle donne le moyen de décider si l’on s’est rapproché ou éloigné d’un objet de dimensions invariables, et de dire dans quel rapport, avec la distance primitive de cet objet, les changements de distance se sont opérés.

Menons, par exemple, deux lignes visuelles tangentes aux bords du soleil, l’une à la partie supérieure et l’autre à la partie la plus basse, nous trouverons ainsi que l’angle sous-tendu par ce grand astre est d’environ degré. Mais cet angle sous-tendu ne sera pas le même à toutes les époques de l’année : il atteindra son maximum de grandeur en hiver et son minimum en été ; d’où il suit que le soleil est plus près de la terre à la première de ces époques qu’à la seconde. Nous expliquerons, en son lieu et place, comment un pareil résultat peut se concilier avec la température plus élevée que nous éprouvons dans les saisons estivales.

J’ai tellement le désir que le lecteur conserve un souvenir exact des angles sous-tendus et de leurs variations, que je ne résisterai pas à la tentation de montrer qu’on trouve dans la considération de ces angles un moyen simple et exact de déterminer la distance d’un objet inaccessible. Mesurer la distance d’un objet inaccessible semble au premier abord un problème du domaine de la sorcellerie. Rien de plus facile cependant.

Fig. 3. — Mesure de la largeur d’une rivière.

Un observateur est placé sur l’une des rives d’un fleuve non guéable dont il s’agit de déterminer la largeur (fig. 3). Il vise sur la rive opposée un objet A, un tronc d’arbre si l’on veut, dont le diamètre transversal sous-tende en B un angle de . Il s’éloigne ensuite de sa première station, en ne quittant pas le prolongement de la ligne qui la joignait à son point de mire jusqu’au moment (en B′) où l’angle sous-tendu par le tronc d’arbre se trouve réduit de moitié ou n’est plus que d’un demi degré. Dans cette seconde station, la distance au tronc d’arbre se trouve double de ce qu’elle était dans la première, conséquemment il y a de la première à la seconde station le même nombre de mètres que de la première station au tronc d’arbre, point de visée inaccessible. Donc, si l’on mesure sur la rive où l’observateur est placé, et où il est entièrement maître de ses opérations, la distance des deux stations où il a déterminé l’angle sous-tendu par le tronc d’arbre, il aura obtenu exactement la largeur du fleuve sans avoir eu besoin de le traverser.

Si l’observateur s’éloigne de la rive du fleuve jusqu’à la distance où le tronc d’arbre ne sous-tend plus que d’un tiers de degré, la distance de cette troisième station au point visé sera trois fois plus grande que la distance qui le séparait de ce même point quand il était sur la rive du fleuve. En appelant D la largeur du fleuve, la distance de la rive à la troisième station est 2D, de sorte qu’en divisant cette dernière distance, que l’observateur peut toujours obtenir, par 2, il trouvera la distance D cherchée.

Je n’en dirai pas davantage ici sur cette méthode, ce qui précède n’ayant d’autre but que d’inculquer dans l’esprit du lecteur la possibilité d’obtenir par de simples mesures, combinées avec la théorie des angles sous-tendus, la distance exacte d’objets inaccessibles, et sans avoir besoin de connaître en mètres les diamètres réels de ces objets.