Astronomie populaire (Arago)/III/10

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 107-110).

CHAPITRE X

aberration de réfrangibilité


Supposons qu’on fasse tomber sur un prisme un pinceau de rayons parallèles. Ainsi que nous l’avons vu, ce pinceau, au lieu de continuer sa route en ligne droite et sur le prolongement du faisceau incident, se sera infléchi vers la base du prisme. Il est une circonstance de cette réfraction dont je n’ai pas parlé d’abord, et sur laquelle je dois appeler maintenant l’attention du lecteur.

Le faisceau incident composé de rayons parallèles, au lieu de sortir du prisme après s’être infléchi en rayons également parallèles, au lieu d’émerger de la seconde surface du prisme sous la forme d’un faisceau délié, s’offre sous l’apparence d’un faisceau divergent épanoui comme un éventail. Tous les rayons sans exception dont ce faisceau émergent se compose ont été déviés vers la base du prisme, seulement leurs déviations ne sont pas égales.

Ces rayons, dans lesquels le faisceau émergent se partage, ne possèdent pas tous la même couleur. Celui qui a éprouvé la plus grande déviation est violet, le moins dévié est rouge. Les rayons intermédiaires entre ces deux rayons extrêmes sont, à partir du rouge et dans l’ordre de leur déviation, l’orangé, le jaune, le vert, le bleu et l’indigo (fig. 66).

Il résulte de cette expérience célèbre qu’un faisceau blanc est composé de rayons de différentes couleurs, jouissant de la propriété d’être inégalement réfrangibles, ou inégalement déviables par l’action d’un prisme. Ce phénomène constitue ce qu’on appelle la dispersion.

Rappelons-nous maintenant qu’une lentille est un composé de prismes dans lesquels les petites facettes d’entrée et de sortie des rayons font entre elles des angles de plus en plus grands, à mesure qu’on marche du centre de la lentille vers ses bords.

Fig. 66. — Dispersion de la lumière.

Ce que nous avons dit précédemment de la formation du foyer, en supposant que toutes les parties constituantes d’un faisceau blanc de rayons parallèles se réfractaient en un faisceau également blanc et aussi délié que le faisceau incident, pourra être appliqué à chacun des rayons inégalement réfrangibles dont nous venons de découvrir que la lumière blanche se compose. Nous aurons donc ainsi autant de foyers différents que nous avons trouvé de couleurs dans le faisceau émergent. Le premier de ces foyers, le plus voisin de la surface de la lentille, sera formé par les rayons violets, ceux qui, en traversant les prismes, se dévient le plus. Le foyer le plus éloigné de la surface de la lentille sera formé par la réunion des rayons rouges, c’est-à-dire par les rayons qui se réfractent le moins. Entre ces deux foyers violets et rouges se trouveront placés sur une même ligne, c’est-à-dire en divers points de l’axe de la lentille, les foyers orangé, jaune, vert, bleu et indigo.

L’objet NZ (fig. 67), d’où les rayons émanent, et que nous avions d’abord supposés blancs, fournira donc, au lieu d’une seule image blanche aussi, sept images distinctes à diverses distances de la lentille N1Z1 (rouge), N2Z2 (orange) N7Z7 (violette).

Fig. 67. — Images focales diversement colorées.

Or, personne n’ignore qu’un objet ne se voit nettement avec une lentille oculaire que lorsque cette lentille est à une distance déterminée de l’objet ; que si cette distance augmente ou diminue, l’objet devient diffus. Une semblable lentille ne pouvant être placée à la même distance des images violettes, vertes et rouges, puisqu’elles sont inégalement éloignées de la lentille objective, ne donnera une peinture distincte que d’une seule de ces images, et cette netteté sera troublée par le mélange de l’image nette avec les images confuses fournies par les autres rayons.

L’aberration qui résulte de la formation d’images distinctes et diversement colorées, placées à différentes distances de l’objectif est ce qu’on a appelé, depuis Newton, l’aberration de réfrangibilité.

Cette aberration nuit à l’observation des objets, faite à l’aide d’une lentille objective et d’une lentille oculaire, beaucoup plus que l’aberration de sphéricité dont nous avons parlé précédemment.