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Astronomie populaire (Arago)/III/18

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 132-137).

CHAPITRE XVIII

micromètre


Le micromètre, comme son nom l’indique, est destiné à la mesure des petits angles, c’est-à-dire des objets compris dans le champ d’une lunette.

Je vais essayer de donner une idée claire et précise de la construction et des propriétés des micromètres à fils.

L’oculaire d’une lunette sert, comme nous avons vu, à amplifier la peinture aérienne qui se forme au foyer de l’objectif. Un objet matériel placé dans le lieu même qu’occupe cette peinture aérienne se verra nettement en même temps que la peinture elle-même ; c’est sur ce fait capital de théorie et d’expérience que repose essentiellement la construction des micromètres.

Supposons qu’à une grande distance du lieu où l’observateur est placé, on ait tracé sur un tableau noir un petit cercle dont tous les diamètres sous-tendent un angle d’une minute, par exemple, ce cercle vient se peindre au foyer aérien de la lunette. Placez à ce foyer deux fils très-déliés qui, vus avec l’oculaire, soient tangents à l’image circulaire aux deux extrémités de son diamètre horizontal, on aura déterminé ainsi l’intervalle qui, dans le champ de la lunette, correspond à une minute, quel que soit l’objet vers lequel la lunette soit dirigé.

Il est évident, en effet, qu’en passant de la direction horizontale à une direction inclinée quelconque, voire même à une direction verticale, l’écartement des deux fils qui correspond à une minute dans la première position, doit toujours rester le même.

Un troisième fil, éloigné du second comme celui-ci était éloigné du premier, donnera un second intervalle d’une minute, il en sera de même d’un quatrième fil comparé au troisième, pourvu que les distances restent toujours égales, et ainsi de suite des quarante fils, par exemple, qu’on peut placer dans le champ parallèlement les uns aux autres.

Si l’on craignait de ne pouvoir placer mécaniquement les fils voisins à des distances exactement égales à la distance qui sépare les deux premiers, on procéderait ainsi expérimentalement. À l’observation d’un objet circulaire sous-tendant un angle d’une minute, on ferait succéder l’observation d’un objet où l’angle sous-tendu serait de deux minutes ; si le diamètre horizontal de ce second objet était exactement compris entre le premier fil et le troisième, ce serait une preuve que ce troisième fil serait écarté du second d’une quantité égale à une minute.

Un quatrième fil serait placé dans la position convenable relativement au troisième, en se réglant sur le diamètre horizontal d’une mire circulaire qui sous-tendrait un angle de trois minutes, et ainsi de suite.

Les repères, ainsi placés au foyer de la lunette et invariablement fixés au tuyau, serviraient à évaluer les diamètres angulaires horizontaux de tous les objets terrestres ou célestes vers lesquels la lunette pourrait être dirigée.

On aurait opéré de même s’il s’était agi de se procurer des repères propres à la mesure des diamètres verticaux. L’ensemble de ces fils horizontaux et verticaux formerait dans le champ de la vision un treillis composé de carrés juxtaposés, dont les deux dimensions, dans les deux sens, auraient été chacune de 60 secondes.

Un pareil système pourrait servir à déterminer en minutes ou en soixantaines de secondes les diamètres horizontaux et verticaux du soleil, de la lune et ceux des planètes. S’agit-il, en effet, du diamètre vertical, en faisant bouger la lunette on met le bord inférieur du disque de l’astre tangentiellement à l’un des fils horizontaux, et l’on cherche à la vue quel est le fil parallèle à ce premier qui affleure le bord supérieur.

Le diamètre vertical renferme autant de minutes qu’il embrasse d’intervalles, seulement s’il ne se trouve aucun fil affleurant exactement le bord supérieur du disque, si ce bord vient se terminer entre deux des fils du treillis, il y aura une appréciation à faire. Le diamètre se composera du nombre de minutes égal au nombre d’intervalles entiers que le diamètre comprend, plus une fraction de minute qui sera un demi, un tiers, un quart, suivant l’évaluation arbitraire de l’astronome.

Quand on veut mesurer l’étendue angulaire du diamètre horizontal d’un astre, on procède de même. Seulement, les repères sont dans ce cas-ci des fils verticaux dont l’un est maintenu tangentiellement à l’un des bords de l’astre, tandis que l’œil cherche à saisir celui qui est tangent au bord opposé.

La nécessité d’évaluer les fractions de minutes lorsque le diamètre à mesurer n’est pas exactement compris entre deux des fils du treillis, jointe à l’inconvénient qui résultait de cette multitude de fils se projetant simultanément sur l’astre, conduisit les astronomes à modifier le procédé précédent mais sans en changer le principe.

Cette modification consiste à placer au foyer commun de l’objectif et de l’oculaire un fil fixe et un fil mobile qui peut être placé à volonté à toutes les distances possibles du premier. Ce fil mobile est attaché à une plaque qu’entraîne une vis. Si la vis est bien régulière, si ses filets sont également espacés, à chaque tour de vis, le fil mobile, que la plaque entraîne avec elle, s’éloignera du fil fixe de la même quantité ; il ne restera plus qu’à déterminer expérimentalement, à l’aide de mires suffisamment éloignées, la valeur angulaire de l’espace dont le fil se déplace parallèlement au fil fixe à chaque tour de la vis qui l’entraîne.

Si cet espace est d’une minute, par exemple, et si l’on a à mesurer un diamètre d’environ trente minutes, on fera faire trente tours à la vis, comptés à partir du point où le fil mobile coïncidait avec le fil fixe.

Si le diamètre est de trente minutes et une fraction, l’observation des deux tangences aura exigé qu’on ait fait tourner la vis du micromètre de trente tours entiers et d’une fraction de tour dont la valeur pourra être obtenue par une partie proportionnelle en fraction de minute ou de seconde. On voit que par ce procédé on substitue une mesure à une évaluation, laquelle, par sa nature, devait toujours laisser quelques doutes dans l’esprit de l’observateur.

Ce micromètre exige que, par un mouvement convenable de la lunette, on puisse maintenir l’un des bords de l’astre qu’on veut mesurer, tangentiellement au fil fixe, pendant qu’on amène le fil mobile à être tangent au bord opposé. Cette condition est quelquefois difficile à remplir, mais ce n’est pas ici le lieu d’indiquer comment on a vaincu cette difficulté.

Ce qui précède donne du micromètre une idée suffisante pour que je puisse, dans tout ce qui va suivre, supposer qu’on s’est servi de cet instrument dans la mesure des petits angles.

J’ai insisté, comme on a pu le remarquer, sur la nécessité de placer à une grande distance les mires terrestres qui servent à régler les intervalles constants des fils dans le micromètre à treillis, ou les distances variables du fil mobile au fil fixe dans les micromètres qui sont devenus d’un usage habituel.

Cette circonstance est commandée par la nécessité d’avoir, dans les épreuves préparatoires, la même distance focale de la lunette que lorsqu’on observe les objets célestes.

Il est clair, en effet, qu’une minute doit sur le plan focal embrasser un espace d’autant plus étendu que la distance focale de la lunette est plus grande. Quant à la lentille oculaire, on peut la changer à volonté sans altérer la valeur angulaire des tours de la vis micrométrique. Supposons qu’avec un grossissement donné, deux fils soient tangents aux deux bords d’une image, la tangence subsistera quel que soit le grossissement, lors même que, par un changement dans la lunette, on doublerait ou triplerait le grossissement primitif, puisqu’on augmentera alors également la dimension de la peinture aérienne de l’objet auquel on vise, et l’intervalle compris entre les deux fils qu’on a pris pour repère.