Astronomie populaire (Arago)/IX/28

La bibliothèque libre.
GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 411-413).

CHAPITRE XXVIII

étoile nouvelle de 1572


Tycho s’exprime en ces termes ; je les emprunte au Cosmos, t. iii :

« Lorsque je quittai l’Allemagne pour retourner dans les îles Danoises, je m’arrêtai dans l’ancien cloître admirablement situé d’Herritzwaldt, appartenant à mon oncle Sténon Bille, et j’y pris l’habitude de rester dans mon laboratoire de chimie jusqu’à la nuit tombante. Un soir que je considérais, comme à l’ordinaire, la voûte céleste dont l’aspect m’est si familier, je vis avec un étonnement indicible, près du zénith, dans Cassiopée, une étoile radieuse d’une grandeur extraordinaire. Frappé de surprise, je ne savais si j’en devais croire mes yeux. Pour me convaincre qu’il n’y avait point d’illusion, et pour recueillir le témoignage d’autres personnes, je fis sortir les ouvriers occupés dans mon laboratoire, et je leur demandai, ainsi qu’à tous les passants, s’ils voyaient comme moi l’étoile qui venait d’apparaître tout à coup. J’appris plus tard qu’en Allemagne, des voituriers et d’autres gens du peuple avaient prévenu les astronomes d’une grande apparition dans le ciel, ce qui a fourni l’occasion de renouveler les railleries accoutumées contre les hommes de science.

« L’étoile nouvelle était dépourvue de queue ; aucune nébulosité ne l’entourait ; elle ressemblait de tous points aux autres étoiles ; seulement elle scintillait encore plus que les étoiles de première grandeur. Son éclat surpassait celui de Sirius, de la Lyre et de Jupiter. On ne pouvait le comparer qu’à celui de Vénus quand elle est le plus près possible de la terre. (Alors un quart de sa surface est éclairé pour nous.) Des personnes pourvues d’une bonne vue pouvaient distinguer cette étoile pendant le jour, même en plein midi, quand le ciel était pur. La nuit, par un ciel couvert, lorsque toutes les autres étoiles étaient voilées, l’étoile nouvelle resta plusieurs fois visible à travers des nuages assez épais. Les distances de cette étoile à d’autres étoiles de Cassiopée, que je mesurai l’année suivante avec le plus grand soin, m’ont convaincu de sa complète immobilité. À partir du mois de décembre 1572, son éclat commença à diminuer ; elle était alors égale à Jupiter. En janvier 1573, elle devint moins brillante que Jupiter. Voici le résultat de mes comparaisons photométriques : en février et mars, égalité des étoiles du premier ordre ; en avril et mai, éclat des étoiles de deuxième grandeur ; en juillet et août, de troisième ; en octobre et novembre, de quatrième grandeur. Vers le mois de novembre, l’étoile nouvelle ne surpassait pas la onzième étoile située dans le bas du dossier du trône de Cassiopée. Le passage de la cinquième à la sixième grandeur eut lieu de décembre 1573 à février 1574. Le mois suivant, l’étoile nouvelle disparut sans laisser de trace visible à la simple vue, après avoir brillé dix-sept mois. »

Dans les premiers temps de l’apparition de cette étoile, lorsqu’elle égalait en éclat Vénus et Jupiter, elle resta blanche pendant deux mois ; elle passa ensuite au jaune, puis au rouge. Pendant l’hiver de 1573, Tycho la compare à Mars, puis il la trouve presque semblable à l’étoile de l’épaule droite d’Orion (Béteigeuze ou α d’Orion). Il lui trouvait surtout de l’analogie avec la couleur rouge d’Aldebaran. Au printemps de 1573, principalement vers le mois de mai, la couleur blanchâtre reparut, elle resta ainsi en janvier 1574, de cinquième grandeur et blanche, mais d’une blancheur moins pure ; elle scintillait avec une vivacité extraordinaire pour sa grandeur ; enfin elle conserva les mêmes apparences jusqu’à sa disparition totale en mars 1574.