Astronomie populaire (Arago)/VII/04

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 256-265).

CHAPITRE IV

détermination de la position de la courbe le long de laquelle s’effectue le mouvement propre annuel du soleil. — solstices, équinoxes, longueur de l’année, ou jours sidéraux. — cercle mural. — lunette méridienne.


Étudions maintenant le mouvement propre du soleil en employant ces trois instruments, la lunette méridienne, le cercle mural et la pendule sidérale. Nous avons dit tout à l’heure ce que l’on devait entendre par pendule sidérale.

Par des observations antérieures (livre vi, chap. vi) nous avons déterminé à quelle division d’un cercle vertical situé dans le plan méridien du lieu de l’observation la lunette correspond, quand elle est dirigée vers le pôle, et conséquemment dans quelle position elle doit s’arrêter pour être située dans le plan de l’équateur, cette position étant à 90° de la première.

On appelle cercle mural[1] un cercle gradué (fig. 93 et 94), fixé à un axe horizontal tournant sur deux coussinets placés dans l’intérieur d’un mur ou pilier. Ce cercle doit être exactement dans le méridien du lieu, et par conséquent son axe est orienté dans le sens est-ouest. Une lunette est mobile parallèlement à ce cercle, et par conséquent exactement dans le méridien ; elle peut être fixée sur les divers points de la graduation. Ce cercle sert à la mesure de la déclinaison des astres, c’est-à-dire de leur distance à l’équateur du monde.

Fig. 93. — Cercle mural
de l’Observatoire de Paris
(vue de face).
Fig. 94. — Cercle mural
de l’Observatoire de Paris
(vue de profil).

Supposons la lunette du cercle mural fixée dans le plan de l’équateur ; le soleil sera austral lorsqu’il passera au méridien au-dessous de la direction de la lunette ; il sera boréal lorsqu’il passera au-dessus.

On reconnaîtra ainsi, sans faire aucune mesure, que le soleil est pendant six mois au midi de l’équateur, et pendant six mois au nord de ce plan.

Si chaque jour de l’année on vise au centre du soleil, au moment où cet astre arrive au méridien, on aura sa déclinaison, c’est-à-dire la position du cercle parallèle à l’équateur qu’il occupe, en comparant le degré où la lunette s’est arrêtée à celui qui correspond à l’équateur ; on trouvera ainsi que c’est dans une zone comprise entre 23° 27′ 1/2 de déclinaison australe et 23° 27′ 1/2 de déclinaison boréale qu’est contenue tout entière la courbe décrite par le soleil en vertu de son mouvement propre apparent. Les 365 observations au cercle mural faites dans les 365 jours de l’année, comparées à la position invariable de l’équateur, nous font connaître les 365 parallèles sur lesquels le soleil s’est successivement transporté. À ces 365 résultats, ajoutons les 365 positions des cercles horaires du soleil que nous obtiendrons en comparant chaque jour le moment du passage de l’étoile Sirius par le méridien, au moment du passage du centre du soleil par le même plan. Les intersections de ces cercles horaires avec les parallèles correspondants aux mêmes jours donneront les 365 places que le soleil occupe dans l’année. Nous pourrons donc, sur la sphère qui renfermera une représentation du ciel étoilé, dessiner exactement les positions du soleil.

Ces positions jouissent d’une propriété extrêmement remarquable : elles ne sont situées ni sur un petit cercle, ni sur une ligne sinueuse comme cela aurait pu arriver ; elles correspondent toutes au contour d’une courbe continue, sans zigzag d’aucune sorte. Cette courbe est un grand cercle de la sphère, dont une moitié est située au nord de l’équateur et l’autre au midi.

Le plan ABCD (fig. 95) dans lequel est contenue la courbe que le soleil semble parcourir s’appelle, par des raisons que nous verrons plus tard, le plan de l’écliptique. Pour le moment, il suffit de dire que c’est la position du soleil et de la lune, relativement à ce plan, qui détermine quand il y aura éclipse de soleil ou de lune ; de là le nom d’écliptique donné à ce plan.

L’inclinaison du plan de l’écliptique sur le plan de l’équateur AECF prend le nom d’obliquité de l’écliptique. L’angle qui mesure cette inclinaison est maintenant de 23° 27′ 30″. Cette obliquité n’est pas constante comme on doit le soupçonner d’après le mot maintenant dont nous venons de nous servir en faisant connaître sa valeur actuelle. Sa variation est de moins d’une demi-seconde par an. Nous aurons l’occasion de revenir ailleurs sur cet objet important.

Fig. 95. — Obliquité de l’écliptique.

Il y a, dans la courbe qui résulte de l’intersection de la sphère étoilée et de l’écliptique, de cette courbe plane suivant laquelle le soleil se déplace, quatre points remarquables qu’il importe de considérer à part. Deux de ces points sont ceux de l’équateur par lesquels le soleil passe quand il va du midi au nord et quand il revient du nord au midi. Les deux autres points sont ceux qui déterminent les limites de l’excursion boréale et de l’excursion australe, les points dans lesquels le soleil étant parvenu à ses plus grandes déclinaisons commence, soit par un mouvement dirigé du nord au midi, soit par un mouvement contraire, à se rapprocher de l’équateur. Ces deux derniers points s’appellent les solstices, les deux autres portent le nom d’équinoxes. L’équinoxe de printemps est le point A de l’équateur que le soleil rencontre quand il va du midi au nord ; l’équinoxe d’automne est le point diamétralement opposé C par lequel passe ce même astre quand il va du nord au midi en vertu de son mouvement propre. Le milieu B du demi-cercle ABC de l’écliptique est le solstice d’été ; le milieu D de l’autre demi-cercle CDA de l’écliptique est le solstice d’hiver.

La position des points équinoxiaux est fixée par l’intersection de la courbe équatoriale avec la courbe écliptique que nous avons tracée graphiquement sur la sphère à l’aide des éléments empruntés aux observations ; on sera peut-être bien aise de voir comment on peut substituer le calcul à une construction graphique.

Supposons que le 20 mars, à midi, on ait trouvé, par l’observation faite au cercle mural, que le centre du soleil était au sud de l’équateur de 5′ ; que le 21, des observations analogues nous aient appris que le soleil, parvenu au nord de l’équateur, en était éloigné de 15′ et qu’il se soit écoulé 24 heures 4 minutes sur la pendule sidérale entre ces deux observations. Le mouvement en déclinaison se faisant à peu près uniformément, nous pourrons établir la proportion suivante : Si 20′ (15′ + 5′) ont exigé 24 heures 4 minutes pour être parcourues par le soleil, en combien de temps seront parcourues les 5′, distance de cet astre à l’équateur le 20 ? Le quatrième terme de cette proportion ou règle de trois fera connaître le nombre d’heures, de minutes, de secondes qu’il faudra ajouter à l’heure sidérale du midi le 20 mars pour avoir l’instant intermédiaire entre le 20 et le 21 qui a correspondu au passage du soleil par le plan de l’équateur, en d’autres termes qui a correspondu à l’équinoxe. On ferait un calcul analogue s’il fallait fixer à quel instant le soleil, allant du nord au midi, a rencontré le plan de l’équateur.

Quand l’instant où l’équinoxe arrive est trouvé, on peut déterminer sa place ou la position du cercle horaire qui lui correspond à l’aide d’une partie proportionnelle. Supposons en effet que par le calcul précédent on ait trouvé que le soleil a passé par le point équinoxial à six heures après le midi du 20 mars, et que l’intervalle compris sur l’équateur entre les intersections des cercles horaires du soleil le 20 et le 21 soit de  ; dans l’hypothèse parfaitement légitime du mouvement uniforme du soleil pendant un jour on fera la proportion suivante : Si 24 heures 4 minutes ont correspondu à une différence du cercle horaire du soleil de , quel sera le déplacement qui correspondra à 6 heures, intervalle compris entre le midi du 20 mars et l’équinoxe ; le quatrième terme de cette proportion fera connaître le nombre de minutes et de secondes de degré qu’il faudra ajouter à la position du cercle horaire du 20 mars pour avoir celle qui correspond à l’équinoxe. Ces calculs, répétés pendant plusieurs années sur des éléments numériques différents, nous apprendront que la position de l’équinoxe n’est pas fixe sur le plan de l’équateur, qu’elle n’est pas toujours à la même distance angulaire du cercle horaire de Sirius, qu’elle s’avance tous les ans de l’orient à l’occident d’environ 50″,3. Ce phénomène serait également indiqué par des calculs appliqués aux observations faites dans le voisinage de l’équinoxe d’automne. Ainsi le plan de l’orbite solaire coupe l’équateur suivant une ligne droite qui ne reste pas fixe dans la sphère étoilée, qui change tous les ans de 50″,3 par un mouvement dirigé de l’orient à l’occident, et qu’on appelle la précession des équinoxes. En vertu de la précession, l’équinoxe a lieu successivement dans tous les points de l’équateur en vingt-cinq à vingt-six mille ans.

Les calculs que nous venons d’indiquer, lorsqu’ils sont effectués pour les équinoxes de même nom, correspondant à deux années consécutives, nous conduisent à la détermination d’un élément très-important dans la théorie du soleil, à la fixation du temps que cet astre emploie à revenir au même équinoxe en vertu de son mouvement apparent, pour tout dire en un mot à la connaissance de la longueur de l’année. Cette longueur, exprimée en jours sidéraux ou égaux à la révolution du ciel, est de 366j,2396.

Si l’on craignait que deux équinoxes consécutifs ne fissent pas connaître la longueur de l’année avec une précision suffisante, on prendrait deux équinoxes embrassant 10 ou 20 années, et l’on diviserait par 10 ou par 20 l’intervalle fourni par le calcul.

La lunette méridienne sert à déterminer l’instant du passage des astres par le plan du méridien. Cet instrument (fig. 96) consiste en une lunette dont l’axe horizontal repose sur deux coussinets portés par deux piliers verticaux. La lunette est placée de façon que son axe optique puisse prendre toutes les directions possibles dans le plan méridien du lieu où elle est installée.

Fig. 96. — Lunette méridienne[2].

Hors-Texte : Fig. 96 bis. — Lunette méridienne de l’Observatoire de Paris.

Pour les usages astronomiques, il est indifférent que le jour sidéral commence lorsque telle ou telle étoile passe au méridien ; aussi, prévoyant sans doute l’impossibilité de s’entendre sur le choix de l’étoile dont le passage au méridien coïnciderait avec 0 heure 0 minute 0 seconde de la pendule sidérale, a-t-on choisi pour origine de ce jour, pour cercle horaire initial, le cercle qui correspond à un point de l’équateur déterminé par un phénomène astronomique saillant, le cercle horaire aboutissant au point de l’équateur que le soleil a rencontré en passant du midi au nord de ce plan, c’est-à-dire l’équinoxe du printemps.

En combinant l’observation de la pendule sidérale et celle de la lunette méridienne, on détermine la distance au cercle horaire initial du cercle horaire d’un astre, c’est-à-dire du cercle du passage de cet astre au méridien du lieu. Cette distance est l’ascension droite de l’astre.

  1. O est l’oculaire et L l’objectif de la lunette qui tourne avec le cercle mural dont elle est un des diamètres. On obtient la rotation du cercle autour de son centre par un mouvement rapide en appuyant, à l’aide de poignées b garnies de velours, sur les divers rayons que montre le dessin, et ensuite par de petits mouvements lents produits par des vis de rappel c. Le cercle est gradué sur sa tranche, et six microscopes a permettent de faire la lecture des angles dont on le fait tourner. Pour faciliter le mouvement du cercle et pour soulager les coussinets, on a disposé des galets qui sont suspendus à des tringles d, tirées de bas en haut par des contrepoids, et qui supportent une partie du poids du cercle et de la lunette.
  2. Cette figure représente la vue perspective d’une lunette méridienne annexée à un cercle méridien, construite par M. Brunner sur les indications de M. Laugier. On voit à droite un chronomètre pouvant remplacer la pendule sidérale dans les observations des instants des passages ; à gauche se trouve la lampe nécessaire pour éclairer, pendant la nuit, les fils du réticule et les divisions du cercle méridien. Ce cercle, destiné à fournir les déclinaisons des astres, n’accompagne pas les lunettes méridiennes ordinaires. Cet instrument portatif donne des résultats qui ont presque la précision de ceux fournis par les instruments méridiens fixes des grands observatoires.