Astronomie populaire (Arago)/XIV/09

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 111-115).

CHAPITRE IX

historique de la découverte du mouvement de rotation
du soleil


Le premier qui ait soupçonné le mouvement de rotation du Soleil, paraît être Jordan Bruno, savant napolitain., auteur d’un traité sur l’univers publié en 1591. Sur ce point, le génie de Kepler devança aussi l’observation. La science, enfin, s’enrichit définitivement de ce nouveau fait, par le Mémoire que Jean Fabricius publia en juin 1611. Si, à toute rigueur, un débat peut s’élever sur la question de savoir à qui revient l’honneur de la découverte des taches solaires, il n’en saurait être de même de la conséquence importante à laquelle cette découverte conduisit. La constatation du mouvement de rotation du Soleil appartient, sans aucun doute, à l’astronome hollandais. Il y a ici antériorité évidente en sa faveur, non seulement par la date de la publication, mais encore par celle de la conception. L’ouvrage de Fabricius renferme ce passage : « Nous imaginâmes de recevoir les rayons du Soleil par un petit trou, dans une chambre obscure, et sur un papier blanc, et nous y vîmes très-bien cette tache (la tache que Fabricius avait aperçue en visant directement au Soleil) en forme de nuage allongé. Le mauvais temps nous empêcha de continuer ces observations pendant trois jours. Au bout de ce temps-là nous vîmes la tache qui s’était avancée obliquement vers l’occident. Nous en aperçûmes une autre plus petite vers le bord du Soleil qui, dans l’espace de peu de jours, parvint jusqu’au milieu ; enfin il en survint une troisième ; la première disparut d’abord, et les autres quelques jours après. Je flottais entre l’espérance et la crainte de ne pas les revoir ; mais dix jours après, la première reparut à l’orient. Je compris alors qu’elle faisait une révolution ; et depuis le commencement de l’année je me suis confirmé dans cette idée, et j’ai fait voir ces taches à d’autres, qui en sont persuadés comme moi. Cependant, j’avais un doute qui m’empêcha d’abord d’écrire à ce sujet, et qui me faisait même repentir du temps que j’avais employé à ces observations. Je voyais que ces taches ne conservaient pas entre elles les mêmes distances ; qu’elles changeaient de forme et de vitesse ; mais j’eus d’autant plus de plaisir lorsque j’en eus senti la raison. Comme il est vraisemblable, par ces observations, que ces taches sont sur le corps même du Soleil, qui est sphérique et solide, elles doivent devenir plus petites et ralentir leur mouvement lorsqu’elles arrivent sur les bords du Soleil. » (Traduction de Lalande.)

Il serait impossible de rien trouver, même dans les déclarations tardives des amis, des admirateurs les plus passionnés de Galilée, qui, en présence de ce qu’on vient de dire, pût constituer à ce savant illustre une apparence de droit à la découverte du mouvement de rotation du Soleil.

L’observation des taches a conduit à la connaissance du mouvement de rotation du Soleil. C’est la découverte de Fabricius. Il restait à déterminer, avec exactitude, la durée de cette rotation et la position de l’axe autour duquel elle s’opère. Ces deux problèmes, ce n’est pas Galilée qui les a résolus. Galilée n’a jamais assigné la durée apparente ou réelle de la rotation du Soleil que d’une manière vague. La durée apparente, il la fixait à près d’un mois (nello spazio quasi d’un mese. Dialogues). Elle est de 27 jours 1/2. L’axe de rotation, Galilée le supposa longtemps perpendiculaire au plan de l’écliptique. C’est seulement dans les dialogues qu’il parla de l’inclinaison, mais sans en indiquer même approximativement la valeur. Il ne dit rien, absolument rien, de la direction de la trace de l’équateur du Soleil sur le plan de l’écliptique, de la position des nœuds, c’est-à-dire des points de rencontre de la circonférence de l’équateur solaire avec l’écliptique. D’ailleurs, les Dialogues ne parurent qu’en 1632, deux ans après la publication de l’ouvrage de Scheiner, de cette volumineuse Rosa ursina (juin 1630), où le temps de la rotation apparente est indiqué entre 26 et 27 jours (les astronomes modernes ont trouvé 27j,5) ; où le pôle de rotation du Soleil est placé à environ 7° du pôle de l’écliptique (on adopte aujourd’hui 7° 9′) ; où l’indication de l’époque de l’année dans laquelle les pôles de rotation sont sur les bords du disque, conduit à la position des nœuds de l’équateur solaire.

Il n’est presque pas d’astronome qui, une fois au moins dans sa vie, n’ait cherché par des observations directes à déterminer les éléments de la rotation du Soleil. Je pourrais donc consigner ici un grand nombre de résultats touchant le temps de la rotation de l’astre prodigieux qui maîtrise toutes les planètes de notre système, et la position de l’axe autour duquel cette révolution s’opère. Mais je me contenterai de donner ceux des résultats qu’a obtenus M. Laugier, dans un travail très-élaboré, présenté à l’Académie des sciences. M. Laugier a établi, par des observations qui me paraissent à l’abri de toutes objections sérieuses, que les taches solaires éprouvent chacune un déplacement particulier, outre le mouvement général qui les entraîne autour de l’astre. De là il résulte que les temps de la rotation réelle déterminés par l’observation de diverses taches doivent être dissemblables.

La moindre valeur déduite par M. Laugier de l’observation de vingt-neuf taches distinctes, est de 24j,28. Le maximum obtenu dans les mêmes circonstances s’élève à 26j,23. L’ensemble des observations donne pour la rotation du Soleil, 25j,34.

Ce n’est pas seulement par les dissemblances sur le temps de la révolution du Soleil que M. Laugier a établi le déplacement propre des taches, il a déterminé l’arc de distance de diverses taches évaluées en degrés d’un grand cercle du Soleil, et a trouvé cet arc de distance très variable. Ainsi, le 24 mai 1840, deux taches se trouvaient à 78° 30′ de distance angulaire ; le 27, cette distance n’était plus que de 73° 20′. En attribuant ce changement de 5° 10′ au déplacement d’une seule des deux taches, l’auteur trouve que la vitesse propre de cette tache était de 111 mètres par seconde.

Il résulte aussi de l’excellent travail de M. Laugier, cette circonstance singulière que l’ensemble dès taches situées dans un même hémisphère éprouve sur la surface du Soleil des changements dans le même sens, alors même que ces variations s’opérent en sens contraire dans l’hémisphère opposé.

D’après les observations de M. Laugier, l’inclinaison moyenne de l’équateur solaire par rapport au plan de l’écliptique est de 7° 9′.

D’après le même astronome, l’angle formé, en 1840, par la trace de l’équateur solaire dans le plan de l’écliptique avec la ligne des équinoxes, était de 75° 8′.

M. Schwabe, celui des astronomes modernes qui s’est occupé avec le plus de suite et de constance de l’observation des taches solaires, a trouvé, pour le temps de la révolution de l’astre, les limites extrêmes suivantes : 25j,07 et 25j,75.