Astronomie populaire (Arago)/XX/25

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 3p. 348-350).

CHAPITRE XXV

effets du déplacement de l’axe de rotation de la terre


Nous avons vu dans le chapitre xxiii qu’il résulte de l’observation que la masse des eaux dont se compose l’Océan, présente à peu près la forme du corps qui serait engendré par le mouvement d’une ellipse tournant autour de son petit axe et qu’on appelle un ellipsoïde ; que ce petit axe coïncide avec la ligne des pôles ; que le grand axe est le diamètre de l’équateur ; que ce grand axe enfin surpasse l’autre d’environ 1/300me de sa longueur totale. La 300me partie du rayon de la Terre ou de 1594 lieues, est égale à 5 lieues un tiers. C’est là l’excès du rayon de l’équateur sur celui des pôles.

Ceux à qui la forme de l’ellipsoïde n’est pas familière, pourront s’en faire une idée assez exacte en concevant une sphère d’un diamètre égal à la ligne qui joint les deux pôles à la Terre, et en la supposant recouverte d’un ménisque dont l’épaisseur, nulle à ces deux mêmes pôles, irait graduellement en augmentant à mesure qu’on se rapprocherait des régions équinoxiales. Le long de la circonférence de l’équateur, le ménisque aurait 5 lieues un tiers de saillie sur la sphère.

Si, entre les tropiques, cette énorme protubérance liquide ne s’épanche pas sur les continents et sur les îles voisines, c’est que ces continents et ces îles ont aussi une élévation de 5 lieues un tiers au-dessus du niveau de la surface sphérique dont la ligne des pôles serait un diamètre.

L’axe de rotation de la Terre ne saurait changer de situation sans que le ménisque liquide éprouvât aussitôt un mouvement correspondant. Si les deux pôles allaient occuper deux points opposés de l’équateur, le ménisque équatorial se transporterait sans relard dans les mers du Spitzberg et de la Laponie ; il s’y placerait sur la surface de l’ancienne sphère des deux pôles ; il y formerait une intumescence de 5 lieues un tiers d’élévation ; il inonderait toutes les terres environnantes, puisque ces terres sont à peu de hauteur au-dessus de la mer qui les baigne actuellement ; il irait recouvrir entièrement des montagnes quatre fois et demie aussi élevées que le Mont-Blanc, si de telles montagnes existaient dans le Groenland, au Spitzberg, au Cap-Nord, etc.

Réciproquement, en abandonnant les régions équatoriales, le ménisque liquide y ramènerait le niveau de la mer à celui de l’ancienne sphère des pôles. Il y aurait donc un abaissement des eaux de 5 lieues un tiers. Les plages que les flots inondent aujourd’hui dans ces contrées, à marée montante, les bancs de sable, toutes ces rades où les navires trouvent à peine quelques brasses de profondeur, deviendraient alors des plateaux près de trois fois plus élevés au-dessus de l’Océan que les sommités neigeuses de l’Himalaya.

On ne pourrait donc supposer que, par un déplacement subit, les pôles terrestres se sont transportés des régions équatoriales actuelles où ils se seraient trouvés primitivement placés, vers le Spitzberg, sans admettre en même temps qu’avant cette catastrophe, l’Islande, la Suède, la Norvége, etc., étaient au fond des eaux, sous une couche de 5 lieues un tiers d’épaisseur, tandis que les steppes de l’Orénoque, de l’Amazone, de l’Afrique centrale, formaient d’immenses plateaux élevés de ces mêmes 5 lieues un tiers au-dessus du niveau de la mer !

Après ce que je viens de dire, on trouvera sans difficulté ce qui arriverait si les pôles terrestres, au lieu de parcourir un angle droit tout entier, se déplaçaient seulement d’un petit nombre de degrés.