Astronomie populaire (Arago)/XX/26

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 3p. 351-353).

CHAPITRE XXVI

la vitesse de rotation de la terre a-t-elle changé ?


Nous avons vu que la Terre tourne sur elle-même, en 24 heures, de l’occident à l’orient ; que l’axe de rotation s’appelle l’axe du monde ; que ses extrémités sont les pôles ; que le cercle également éloigné des deux pôles est l’équateur. Le contour de l’équateur est d’un peu plus de 10 000 lieues, exactement 10 664 lieues.

Dix mille lieues sont, par conséquent, le chemin que chaque point de la région équatoriale, solide ou liquide, parcourt toutes les 24 heures, en vertu du mouvement de rotation du globe. Un observateur situé dans l’espace, hors de la Terre et de son atmosphère, et qui ne serait pas entraîné par ce mouvement, verrait toutes les parties de l’équateur passer sous ses yeux avec une vitesse de sept lieues par minute. Aux pôles, ce genre de mouvement est nul. Sous le parallèle de Brest, il n’est que de 4 lieues et 7 dixièmes.

Les eaux de l’Océan, quoiqu’elles participent à ce mouvement rapide, n’envahissent pas les terres environnantes. Mais c’est que dans chaque climat, le rivage a précisément la même vitesse que l’eau ; c’est que sous toutes les latitudes, les continents et les mers qui les baignent sont dans un repos relatif. Si cet état de choses s’altérait ; si les flots, sur quelque point donné, conservant leur vitesse primitive, celle des terres voisines venait à diminuer brusquement, l’Océan aussitôt sortirait de ses limites.

Concevons, pour fixer les idées, que le choc oblique d’une comète fasse en un instant tourner l’ensemble des parties solides dont la Terre est composée, autour de celui de ses diamètres qui passe par Brest. Cette ville étant devenue le pôle, toute la presqu’île de la Bretagne se trouverait dans un repos presque absolu. L’Océan qui la baigne à l’ouest ne serait pas dans le même cas, parce qu’il se trouve seulement posé sur la charpente solide dont son lit est formé. Les eaux se précipiteraient donc en masse sur un rivage qui désormais ne fuirait plus devant elles, et cela avec l’ancienne vitesse du parallèle actuel de Brest, avec une vitesse de près de 5 lieues par minute.

Voilà donc, par une influence cométaire, de vastes parties du continent inondées, de hautes régions ensevelies sous les flots ; mais est-ce bien ainsi qu’ont été amenés sur les montagnes les dépôts marins qu’on y a découverts ? nullement. Ces dépôts sont fréquemment horizontaux, très-étendus, très-épais, très-réguliers. Les coquilles variées et souvent fort petites qui les composent, ont conservé leurs crêtes, leurs pointes les plus délicates, leurs parties les plus fragiles. Tout éloigne donc l’idée d’un transport violent ; tout démontre que le dépôt s’est formé sur place. Que reste-t-il maintenant à ajouter pour compléter l’explication sans avoir recours à une irruption de l’Océan ? Il faut admettre, comme nous l’avons démontré précédemment (chap. ix) que les montagnes et les terrains plus ou moins accidentés qui leur servent de base ont poussé, de bas en haut, comme des champignons ; qu’ils sont sortis du sein des eaux par voie de soulèvement. En 1694, Halley regardait déjà les soulèvements comme une explication possible de la présence des productions marines sur les flancs et au sommet des plus hautes montagnes. Cette explication était la véritable : aujourd’hui elle est admise presque généralement.