Astronomie populaire (Arago)/XXI/01

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 3p. 375-381).

CHAPITRE PREMIER

mouvement de la lune


La Lune circule perpétuellement dans une courbe rentrante, à l’intérieur de laquelle la Terre est située.

La Lune ne quittant jamais notre globe, on l’a appelée son satellite.

Il suffit de jeter les yeux sur le ciel, à deux instants séparés l’un de l’autre par quelques minutes de temps, pour reconnaître que la Lune est douée d’un mouvement propre. Si l’on compare cet astre à une étoile située dans une position plus orientale que lui, on trouve que la distance qui les sépare va rapidement en diminuant, et conséquemment que la Lune se meut de l’occident à l’orient.

Le temps que la Lune emploie à revenir à la même étoile est ce qu’on appelle la durée de la révolution sidérale. Ce temps était, au commencement de ce siècle, de 27,32 jours solaires. Ce temps n’est pas le même dans tous les siècles ; depuis les plus anciennes observations jusqu’à nous, la révolution sidérale est devenue de plus en plus courte. Cette accélération continuera-t-elle toujours ? c’est ce que les observations ne permettaient pas de décider. Mais la théorie ayant fait connaître la cause de l’accélération dans le mouvement de la Lune, on peut affirmer que la durée de la révolution restera renfermée entre des limites assez rapprochées, et qu’à l’accélération actuelle succédera un retardement.

Le temps que la Lune met à revenir au cercle horaire mobile du Soleil, ou la durée de la révolution synodique[1], est naturellement plus long que le temps de la révolution sidérale ; sa valeur est aujourd’hui de 29j,53. On voit pourquoi nous disons aujourd’hui, car il est évident que la durée de la révolution synodique doit être variable comme celle de la révolution sidérale.

Nous aurons à distinguer dans la courbe le long de laquelle la Lune se déplace, le point qu’elle occupe lorsqu’elle passe au méridien, vers midi ou à peu près au même instant que le Soleil, le point dans lequel elle a la même longitude que le Soleil, le point dans lequel les deux astres sont en conjonction.

Comme deux astres doués de la même longitude n’ont pas exactement la même ascension droite, et que c’est par l’ascension droite que se règlent les passages des astres au méridien, on conçoit que la Lune et le Soleil en conjonction ne passent pas toujours au méridien au même instant. Remarquons toutefois que la différence n’est pas considérable.

La Lune sera dite en opposition lorsque sa longitude différera de celle du Soleil de 180°.

Lorsqu’on a à parler à la fois de la conjonction et de l’opposition, ces deux points prennent le nom de syzygies.

Nous aurons aussi à considérer les points situés à 90° de distance du Soleil à l’orient ou à l’occident ; à ces époques, la Lune passe au méridien à peu près à six heures du matin et à six heures du soir, et on dit qu’elle est dans ses quadratures.

Les quatre points situés à 45° de distance de la conjonction et des quadratures, des quadratures et de l’opposition, sont appelés les octants.

Le temps dont la Lune a besoin pour prendre successivement toutes ces positions, se nomme une lunaison.

Déterminons chaque jour au moment du passage de la Lune au méridien, comme nous l’avons fait quand il s’agissait du Soleil (liv. vii, chap. iv), l’ascension droite et la déclinaison de notre satellite, et nous pourrons porter sur un globe, où la courbe écliptique est déjà tracée, ses positions successives. Nous verrons ainsi que la Lune est tantôt au midi, tantôt au nord de l’écliptique, que ses latitudes sont tantôt australes, tantôt boréales.

Le point de l’écliptique par lequel passe la Lune, quand elle va du midi au nord de ce plan, s’appelle le nœud ascendant. Le point de l’écliptique qu’elle traverse en passant du nord au midi de ce même plan, se nomme le nœud descendant. Ces nœuds, analogues aux équinoxes solaires, ne sont pas fixés dans le ciel ; il y a plus, ils ne sont pas diamétralement opposés, ils ont un mouvement propre très-considérable et dirigé d’orient en occident ; ainsi, tandis que les équinoxes solaires ne se déplacent que d’environ 50″ par an, les nœuds de la Lune se déplacent pendant une période analogue et dans le même sens, de 19° 20′ 29″,7, ce qui correspond à 3′ 10″,6 par jour. Si le nœud ascendant est placé près d’une étoile au commencement d’une certaine lunaison, on le trouve situé près d’une étoile plus occidentale de 1° 33′ 49″,6, la lunaison suivante.

Apportant jour par jour sur le globe les positions du Soleil, nous avons pu nous assurer que cet astre décrivait une courbe située très-approximativement dans un plan faisant avec le plan de l’équateur un angle à peu près constant. Si nous faisons la même opération à l’aide des données empruntées aux observations de la Lune, nous trouverons que les diverses parties de l’orbite lunaire, même dans une seule lunaison, sont situées dans des plans différents.

Pour découvrir la cause réelle de cette irrégularité, portons sur la courbe fixe et plane menée par l’équinoxe ascendant, à une époque déterminée d’une certaine lunaison, des positions de la Lune éloignées les unes des autres des quantités que les observations journalières ont fournies pendant une demi-révolution de la Lune. Faisons tourner ensuite ce plan uniformément et de manière que son intersection avec l’écliptique vienne coïncider avec l’équinoxe descendant, lorsque la demi-révolution de la Lune est achevée, et l’on trouvera que les positions successives de l’astre viennent coïncider jour par jour à très-peu près avec les positions observées. On peut donc admettre que la Lune se meut, comme le fait le Soleil, dans une courbe plane, pourvu qu’on suppose que le plan de cette courbe soit sans cesse entraîné de manière à couper le plan de l’écliptique dans les positions variables que prennent successivement les deux nœuds.

Ce plan mobile, dans lequel la Lune se meut, fait avec le plan de l’écliptique un angle à peu près constant et d’environ 5° ; ce qui, en d’autres termes, signifie que les plus grandes latitudes de la Lune restent constantes dans toutes les lunaisons. Il n’en est pas ainsi des déclinaisons ou des distances de la Lune à l’équateur, qui changent considérablement, même d’une lunaison à la lunaison suivante.

Le mouvement propre angulaire de la Lune, considéré dans son orbite mobile, n’est pas uniforme ; on y constate des différences très-sensibles.

Les procédés graphiques que nous venons de décrire, déterminent les points dans lesquels les lignes droites menées de la Terre à la Lune, et qu’on appelle des rayons vecteurs, rencontrent la sphère céleste ; mais ils ne nous ont donné jusqu’ici aucune lumière sur la nature de la courbe que la Lune parcourt ; nous ne savons pas, par exemple, si cette courbe est un cercle ou une ellipse. Il faut nécessairement, pour arriver à ce but, combiner avec les observations d’ascension droite et de déclinaison d’autres observations propres à faire connaître si les distances de la Lune à la Terre sont constantes ou variables. Le micromètre nous servira pour cela. En appliquant cet instrument à la mesure du diamètre angulaire de la Lune, nous trouverons que ce diamètre est très-variable, et conséquemment que la distance de la Lune à la Terre change perpétuellement, car il serait absurde d’admettre que le diamètre réel de cet astre varie pendant toute l’étendue d’une lunaison et présente dans les lunaisons suivantes des changements analogues ; on voit d’ailleurs avec évidence que ces distances doivent être en raison inverse des diamètres angulaires : c’est dire que le diamètre le plus grand doit correspondre à la moindre distance et le plus petit à la distance maximum. Des mesures distribuées sur tous les points de l’orbite feront connaître les rapports des distances de la Lune à la Terre dans toutes les parties d’une lunaison. Maintenant, si l’on trace sur un plan des lignes droites faisant des angles égaux à ceux que forment entre eux les rayons vecteurs de la Lune dans tous les jours dont se compose une lunaison, si ensuite on porte sur ces rayons des longueurs inversement proportionnelles aux diamètres correspondants de cet astre, on aura une représentation exacte de la courbe que la Lune parcourt. C’est ainsi qu’on a trouvé que cette courbe est une ellipse, au foyer de laquelle la Terre est située. L’extrémité du grand axe de cette ellipse, la plus voisine de la Terre, s’appelle le périgée, l’extrémité diamétralement opposée porte le nom d’apogée. L’apogée et le périgée, considérés tous les deux à la fois, s’appellent les apsides.

La distance du foyer de l’ellipse où la Terre est située, au centre de la courbe décrite par la Lune, distance qu’on appelle l’excentricité, étant exprimée en parties du demi grand axe, est égale à 0,0548442.

La ligne des apsides n’est pas fixe dans le ciel ; elle se meut actuellement de l’occident à l’orient, d’environ 40° par an ou de 3° par lunaison.

Le périgée est le point où la Lune se déplace par son mouvement propre, avec le plus de vitesse. L’apogée est le point où ce même mouvement propre est parvenu à son minimum.

Les variations du mouvement propre et des changements de distance sont liées entre elles par une loi simple dont la découverte est due à Kepler, et que nous avons trouvée se vérifier pour les planètes par rapport au Soleil (livre xvi, chap. vi) ; cette loi, en voici de nouveau l’énoncé.

Dans un point quelconque de la courbe décrite par la Lune, le mouvement angulaire dans l’unité de temps, multiplié par le carré du rayon vecteur correspondant, est une quantité constante ; ce qui revient à dire, que les surfaces décrites par le rayon vecteur lunaire sont égales dans des temps égaux, et qu’à partir d’un rayon vecteur déterminé elles sont proportionnelles au temps.

  1. Synode, dans le langage ecclésiastique, a toujours signifié la réunion des dignitaires de l’Église. On conçoit alors que le mot de révolution synodique ait été appliqué à l’intervalle compris entre deux réunions de deux astres au même point du ciel.