Astronomie populaire (Arago)/XXI/22

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 3p. 455-456).

CHAPITRE XXII

la lune a-t-elle été une comète ?


Les Arcadiens, d’après le témoignage de Lucien et d’Ovide, se croyaient plus anciens que la Lune. Ils soutenaient que leurs ancêtres avaient habité la Terre avant qu’elle eût un satellite. Frappés d’une opinion si singulière, et dont à vrai dire il est difficile de découvrir l’origine, quelques philosophes ont imaginé que la Lune est une ancienne comète qui, en parcourant son orbite elliptique autour du Soleil, passa dans le voisinage de la Terre, et se trouva entraînée à circuler autour d’elle.

Ce changement de route est possible. Il n’aurait pas pu toutefois se réaliser si la comète avait eu une grande distance périhélie ; ainsi, elle s’était beaucoup rapprochée du disque solaire ; ainsi elle avait dû éprouver une chaleur intense capable de dissiper, dans toute son étendue, jusqu’aux dernières traces d’humidité. L’aspect brûlé des hautes montagnes de la Lune, de ses profondes vallées, du peu de plaines qu’on y observe, était donc cité comme une preuve de l’origine cométaire de cet astre.

Ces raisonnements reposent sur la plus étrange confusion de mots. La Lune a bien réellement l’aspect brûlé, si par là on entend que presque tous les points de sa surface présentent des traces manifestes d’anciens bouleversements volcaniques ; mais rien n’indique et ne peut indiquer aujourd’hui quelle température elle a jadis subie par l’action des rayons solaires. Ces deux phénomènes n’ont entre eux aucune connexité. Les volcans de l’Islande, de Jean Mayen et du Kamtschatka, ne montrent-ils pas en effet, presque tous les ans, que les frimas superficiels des régions polaires sont sans puissance sur les matières souterraines dont la réaction chimique engendre les éruptions ?

Parmi cette multitude d’astres de nature, d’éclat et de formes si diverses que le firmament offre à nos regards, les comètes sont les seuls autour desquels on aperçoive directement et du premier coup d’œil une enveloppe gazeuse, une véritable atmosphère. Je ne nie pas que cette atmosphère n’ait pu être produite aux dépens des matières évaporables qui existaient primitivement sur le noyau. Toujours est-il qu’elle accompagne constamment la comète, et qu’il n’y aurait pas de raison pour qu’elle s’en détachât, quel que fût le dérangement qu’une attraction accidentelle pût apporter à la forme et à la position primordiale de l’orbite. Ainsi, l’absence presque complète d’atmosphère autour de la Lune, loin d’être favorable, est plutôt contraire à l’opinion qui fait de cet astre une ancienne comète.