Astronomie populaire (Arago)/XXI/27

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 3p. 473-475).

CHAPITRE XXVII

la terre vue de la lune


Nous nous sommes servis des phases de la Terre vue de la Lune pour expliquer la lumière cendrée, mais il y a toutefois ici à faire à cet égard une remarque essentielle : la Lune étant dépourvue d’atmosphère ou n’en ayant qu’une très-peu dense et toujours diaphane, les rayons solaires arrivent aux parties matérielles de la surface qui nous les réfléchissent avec la même intensité, en sorte que de ce côté toutes les phases doivent se ressembler par leur éclat. Une pleine Lune ressemble parfaitement à celles qui l’ont précédée et à celles qui la suivent. Il n’en est pas de même des phases de la Terre, vues de la Lune. Par l’effet du mouvement de rotation de notre globe, la partie éclairée est perpétuellement changeante. Elle renferme des portions, plus ou moins considérables, de continents ou de mers, ce qui doit amener toutes les vingt quatre heures dans l’éclat des phases terrestres, vues de la Lune, des changements considérables et rapides. Si notre atmosphère est sereine, ce sera après s’être réfléchie sur les parties matérielles de notre globe, et avoir éprouvé un double affaiblissement, à l’aller et au retour, que les rayons parviendront à la Lune. Si l’atmosphère était entièrement couverte, ce seraient les rayons réfléchis sur la surface extérieure des nuages qui dessineraient la phase. Supposez l’atmosphère partiellement diaphane et partiellement couverte, et la lumière réfléchie par la Terre vers la Lune proviendra en partie des nuages et en partie de la portion matérielle du globe. Or, comme ces deux espèces de lumière ont des intensités très-dissemblables, on ne pourrait pas dire à l’avance quel sera l’éclat de La phase terrestre.

On voit que sous tous les rapports, ces phases, vues de la Lune, diffèrent essentiellement des phases de la Lune, vues de la Terre.

Nous avons dit que lorsque la Lune est nouvelle, la Terre est pleine pour elle. La Lune est alors éclairée par la lumière d’un disque dont la surface est égale à 13 fois environ la surface apparente de notre satellite dans son plein. Telle est la cause, comme on l’a vu, de la lumière cendrée. Mais la surface de ce disque éclairant sera plus ou moins lumineuse, 1° suivant qu’elle renfermera plus ou moins de continents ; 2° suivant que l’atmosphère sera couverte de plus ou moins de nuages. L’intensité de cette lumière cendrée sera donc, non-seulement liée à l’étendue de la phase de la Terre, mais encore à l’état moyen de l’atmosphère dans l’hémisphère terrestre visible de la Lune au moment de la mesure.

Des observations d’intensités peuvent donc éclairer sur l’état moyen des hémisphères terrestres, qui, par l’effet du mouvement de rotation de notre globe, viennent successivement se placer en face de la Lune. De telles conséquences de mesures, empruntées à la photométrie, sont assez curieuses pour que, laissant de côté la théorie, on cherche à établir leur possibilité sur des observations directes. Or, cette possibilité existe, ainsi que je vais l’établir dans le chapitre suivant, où je reprendrai en détail, sous le point de vue historique et photométrique, tout ce qui a rapport à la lumière cendrée.