Astronomie populaire (Arago)/XXI/41

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 3p. 533-536).

CHAPITRE XLI

lune de la moisson


La récolte se fait en Angleterre vers le milieu de septembre ; or on a remarqué qu’alors la lumière de la pleine Lune succède immédiatement à la lumière du Soleil, de sorte qu’on peut dire, en quelque sorte, que le jour se prolonge. On a noté de plus que pendant plusieurs jours, à cette même époque, la Lune se lève presque à la même heure, tandis que dans le reste du même mois, la différence entre les heures de deux levers successifs s’élève jusqu’à une heure et quinze minutes.

Les partisans des causes finales prétendent que ces choses ont été arrangées ainsi pour faciliter les travaux des champs à l’époque où ils ont le plus d’importance : de là le nom de harvest-moon (Lune de la moisson), donnée à la lunaison de septembre.

Nos voisins, M. Ferguson entre autres, ont publié des traités spéciaux à ce sujet. En voici la substance en quelques mots, car le phénomène est très-facile à expliquer.

Quand le Soleil est dans l’équinoxe d’automne, la pleine Lune qui lui est opposée occupe l’équinoxe du printemps. Personne n’ignore que si le lever de la Lune arrive chaque jour plus tard que la veille, cela tient à ce que, dans l’intervalle, la Lune, en vertu de son mouvement propre, s’est avancée vers l’orient.

Chacun sait aussi que pour nos climats les astres situés dans un même cercle horaire se lèvent d’autant plus tôt que leur déclinaison est plus septentrionale. Or, supposons que pour un moment la Lune se meuve dans le plan de l’écliptique, et remarquons que l’arc de cette courbe, en allant de l’ouest à l’est, compris entre l’équinoxe du printemps et l’équinoxe d’automne est tout entier au nord de l’équateur ; que dès lors, à partir de l’équinoxe de printemps, la Lune acquiert une déclinaison de plus en plus boréale. Ainsi, en tant que la Lune s’avance vers l’orient, à partir du jour de l’équinoxe d’automne, elle doit se lever de plus en plus tard ; en tant que sa déclinaison boréale devient de jour en jour plus grande, elle doit se lever plus tôt ; or il arrive que ces causes contraires se compensent presque exactement pendant deux ou trois jours à compter du moment où la Lune est partie de l’équinoxe du printemps. Bientôt le mouvement diurne en déclinaison est trop petit pour compenser l’effet résultant du mouvement de la Lune vers l’orient, du mouvement en ascension droite, et les choses reprennent l’ordre accoutumé.

Ces circonstances se manifestent en sens contraire le 21 mars, c’est-à-dire lorsque le Soleil occupe l’équinoxe du printemps et que la pleine Lune qui lui est opposée occupe l’équinoxe d’automne. A partir de cette époque, la Lune devenant chaque jour plus australe, doit par cette seule cause se lever de plus en plus tard. L’effet du mouvement de la Lune de l’occident à l’orient doit produire son effet comme à l’ordinaire ; les deux effets s’ajoutent cette fois ; ils se retranchaient dans le cas que nous avons primitivement examiné.

La nuit, en tenant compte dans cette dénomination de la lumière lunaire, arrive plus vite que de coutume dans la pleine Lune qui correspond à l’équinoxe du printemps ; en d’autres termes, la longueur du jour n’est pas alors prolongée par la Lune après le coucher du Soleil. Voilà pourquoi cette pleine Lune a été appelée la Lune du Chasseur. Les partisans des causes finales ont des mots pour tout expliquer ; ils admettent que la Lune a été donnée à la Terre pour éclairer nos nuits. À ce point de vue, elle remplit donc bien mal son office.

Nous avons supposé, pour expliquer la Lune de la moisson, que la pleine Lune arrivait au moment même de l’équinoxe d’automne ; nous avons supposé aussi que notre satellite parcourait l’écliptique, tandis qu’il se meut sur une courbe dont le plan forme avec l’écliptique un angle d’environ 5° (chap. x).

En rentrant dans la réalité des choses, on trouverait des modifications numériques dans les résultats, mais le gros du phénomène resterait le même. Il serait inutile d’insister d’avantage sur ce sujet.