Astronomie populaire (Arago)/XXVII/11

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 356-360).

CHAPITRE XI

grandeur des satellites de jupiter


Les diamètres des satellites sont très-difficiles à mesurer à raison de leur petitesse. Voici les résultats qui ont paru les plus dignes de confiance à des juges très compétents. Les nombres que nous allons transcrire sont relatifs à la distance moyenne de Jupiter à la Terre, laquelle distance, comme on sait, est d’environ cinq fois le rayon de l’orbite terrestre :

Premier satellite 
1″,02
Deuxième 
0 ,91
Troisième 
1 ,49
Quatrième 
1 ,27

De là il résulte, par un petit calcul qu’il est inutile de détailler ici, et dont le lecteur a déjà vu plusieurs exemples (voir notamment liv. xxi, chap. ix), que le premier satellite, vu de Jupiter, sous-tend en moyenne un angle de 33′, c’est à peu près l’angle sous-tendu par la Lune vue de la Terre. Pour le second satellite et le troisième, cet angle est environ le même pour les deux et se monte à 18′. Quant au quatrième satellite, l’angle sous lequel on le voit de Jupiter est d’à peu près 9′.

En rapportant les rayons des corps des satellites, supposés sphériques, au rayon de la Terre pris pour unité, nous trouvons pour le rayon du premier, 0,32 ; pour celui du second, 0,27 ; pour celui du troisième, 0,47 ; enfin pour celui du quatrième, 0,33. Les diamètres de ces corps, exprimes en lieues de 4 000 mètres, sont, pour le premier, 982 lieues ; pour le second, 882 ; pour le troisième, 1 440 ; pour le quatrième, 1 232.

Il découle de là que le second satellite a un volume à peu près égal à celui de notre Lune (liv. xxi, chap. ix) et que les autres sont notablement plus grands.

Les masses des quatre satellites de Jupiter sont représentées par les nombres suivants, la masse de la planète étant prise pour unité :

Premier satellite 
0,000017
Deuxième 
0,000023
Troisième 
0,000088
Quatrième 
0,000043

Le troisième satellite, qui est le plus grand et qui a la plus grande masse, a la même densité que la planète ; le deuxième est plus dense.

Les valeurs que nous venons de donner des dimensions réelles des satellites de Jupiter sont déduites des nombreuses observations faites par Struve. Elles diffèrent peu de celles que Schrœter avait calculées d’après le temps qu’employait le diamètre de ces astres à se cacher derrière le corps opaque de la planète, ou, ce qui revenait au même, du temps que ces corps mettaient à pénétrer sur le disque de Jupiter. De pareilles observations sont naturellement très-délicates, et les dimensions qu’elles assignent aux divers satellites peuvent être affectées d’erreurs appréciables. Bailly avait appliqué déjà, en 1771, à la même détermination, le temps que chaque satellite employait à pénétrer dans le cône d’ombre. Cette méthode, contre laquelle on a fait des objections fondées, le conduisit aux résultats suivants :

Premier satellite 
1° 00′ 20″
Deuxième 
0° 26′ 45″
Troisième 
0° 22′ 22″

Un moyen plus exact de résoudre le même problème consiste à mesurer les dimensions des ombres que les satellites projettent sur la planète lorsqu’ils sont parvenus à leur conjonction inférieure. Avec les instruments dont les astronomes disposent aujourd’hui, ces mesures seraient susceptibles d’une grande précision et mériteraient toute l’attention des observateurs. Il faudrait seulement examiner avec le plus grand soin l’effet que peuvent produire, dans les dimensions des ombres, les atmosphères dont les satellites sont peut-être entourés.

Voici, en attendant, les résultats obtenus par différents astronomes, sur l’ordre des grandeurs des satellites d’après les ombres :

Cassini trouve l’ordre suivant : le troisième satellite, le deuxième, le premier, le quatrième.

Suivant William Herschel, l’ordre des grandeurs est celui-ci : le troisième, de beaucoup le plus grand ; le quatrième, le premier, le deuxième.

La durée de l’entrée du second satellite sur le disque de Jupiter donna à Herschel environ 0″,9 pour le diamètre angulaire de ce petit astre. En avril 1780, l’ombre du troisième satellite sur la planète, mesurée au micromètre, lui parut de 1″,6.

Afin d’échapper au reproche d’avoir attaché trop d’importance à la détermination des dimensions réelles des satellites, j’ajouterai quelques mots pour montrer que cette détermination se lie à la solution d’un problème cosmogonique d’un certain intérêt.

La connaissance de la quantité de matière contenue dans chacun des satellites de Jupiter a été obtenue avec une grande précision par l’observation des dérangements que ces satellites produisent réciproquement dans leur marche. Quant à la densité de cette matière dans chacun des quatre satellites, on pourra la déterminer avec une grande exactitude alors seulement que l’on connaîtra les dimensions rigoureuses des quatre volumes dans lesquels elle est distribuée.

Chacun devine quelles objections on pourra puiser dans ces densités en les supposant douées de certaines valeurs, contre la supposition que les satellites, ou du moins que quelques-uns d’entre eux, n’ont pas toujours appartenu au système de Jupiter, et qu’ils étaient originairement des comètes que cette planète, par sa forte attraction, a détournées de leurs orbites primitives et forcées de circuler autour de son centre.