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Astronomie populaire (Arago)/XXX/03

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 487-489).

CHAPITRE III

anciennes observations d’uranus


Dans la supposition d’une orbite circulaire, même légèrement elliptique, décrite par Uranus, le nouvel astre, abstraction faite de la lumière du jour ou de celle que répand le crépuscule, devait avoir été également visible à toutes les époques. Comment se faisait-il donc qu’avant Herschel on ne l’eût jamais aperçu ? Par quelle fatalité les astronomes, si attentifs à déterminer les étoiles zodiacales, avaient-ils négligé d’en observer une toujours classée dans cette catégorie, et qui, par son éclat, appartenait à la sixième grandeur, c’est-à-dire aux dernières étoiles qu’on voie à l’œil nu ?

Ces difficultés ne renversaient certainement pas, quant aux observations de 1781, les résultats des calculs directs et parfaitement démonstratifs de Laplace et de Lexell ; mais elles pouvaient conduire à supposer que le nouvel astre se mouvait dans un cercle depuis peu d’années ; que c’était une comète dont les perturbations avaient modifié l’orbite ; une comète qui, après avoir parcouru pendant des siècles des courbes très-allongées, se trouvait ramenée, par l’action troublante des planètes, à décrire une ellipse sans excentricité appréciable.

Une remarque de Bode coupa court à ces doutes, à ces conjectures. En parcourant attentivement les catalogues d’étoiles zodiacales, ce savant reconnut que Mayer observait, en 1756, dans la constellation des Poissons, une étoile de sixième grandeur dont on ne retrouvait aucun vestige en 1781, ni à la place où le célèbre astronome de Gœttingue l’avait vue, ni dans le voisinage. D’après l’orbite circulaire d’un rayon dix-neuf fois plus grand que la distance moyenne de la Terre au Soleil, cette place était à peu près celle que le nouvel astre devait occuper au moment de l’observation de Mayer.

Bode constata ensuite, de la même manière, que Flamsteed inscrivait l’astre en question parmi les étoiles zodiacales de l’Histoire céleste, le 13 décembre (vieux style) de l’année 1690.

Lemonnier, en parcourant ses registres, trouva que, lui aussi, avait observé trois fois la prétendue comète d’Herschel en 1763 et en 1769 ; Bessel reconnut cet astre dans le grand catalogue de Bradley à la date du 3 décembre 1753 ; à l’observation déjà signalée par Bode dans l’Histoire céleste de Flamsteed, Burckhardt en ajouta quatre autres du 2 avril 1712, des 5, 6 et 11 mars 1715. Bouvard reprenant ligne à ligne les journaux manuscrits de Lemonnier, déposés à l’Observatoire de Paris, y trouva neuf observations que cet ancien académicien lui-même n’avait pas reconnues comme des positions du nouvel astre[1].

  1. Dans ces observations, plusieurs sont d’un seul et même mois. Si les écritures eussent été tenues avec ordre, si les déterminations d’ascension droite et de déclinaison de chaque jour avaient figuré dans des colonnes régulières et en regard, un simple coup d’œil aurait fait voir à Lemonnier, en janvier 1769, qu’il observait un astre mobile, et le nom de cet astronome, au lieu du nom d’Herschel, se trouverait à jamais lié à celui d’une des principales planètes du système solaire. Mais les registres de Lemonnier étaient l’image du chaos. Bouvard me fit voir, dans le temps, que l’une des observations de la planète Uranus était inscrite sur un sac de papier qui avait anciennement contenu de la poudre à poudrer les cheveux, achetée chez un parfumeur.