Astronomie populaire (Arago)/XXXII/21

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 600-608).

CHAPITRE XXI

climats — durées des jours et des nuits en différents lieux et à différentes époques — zones terrestres


Nous avons vu que l’unique cause de l’échauffement de la surface de la Terre est dans le calorique que le Soleil émet sur les différents points de notre globe. Plus le Soleil envoie longtemps ses rayons bienfaisants dans une direction voisine de la verticale d’un lieu, plus la température de ce lieu est élevée. Nous avons démontré précédemment (liv. vii, chap. x) que la durée des jours et par conséquent des nuits, dans toutes les régions de la Terre, dépend en chaque instant de la déclinaison du centre du Soleil et de la position du lieu considéré sur la surface de notre planète. À mesure que l’horizon de chaque lieu est de moins en moins incliné sur l’équateur terrestre, la longueur du jour ou de la nuit la plus grande de l’année augmente, et en même temps l’astre radieux atteint des hauteurs au-dessus de l’horizon de plus en plus éloignées du zénith. On entend par le mot climat, dont l’étymologie grecque signifie inclinaison, une zone de la sphère terrestre dont la largeur est telle, que l’un des deux parallèles à l’équateur qui la renferment a son plus grand jour plus long d’une heure que l’autre. Le plus grand jour correspond à la plus grande déclinaison solaire qui, en nombre rond, est de 23° 28′, et ce jour le plus grand de l’année est d’autant plus long, que la latitude est plus grande ou que la hauteur du pôle au-dessus d’un lieu est plus grande. Il résulte de là que tandis que sous l’équateur la durée du jour est constamment égale à celle de la nuit, il doit arriver une époque où, pour un lieu dont la latitude sera de 66° 32′, complément à 90° de 23° 28′, le Soleil ne se couchera pas ou bien décrira en 24 heures un cercle constamment au-dessus de l’horizon.

Pour tout point de l’hémisphère boréal, dont la latitude est plus grande que 66° 32′, l’année présente quatre phases distinctes : vers l’équinoxe du printemps, le Soleil se lève et se couche chaque 24 heures, et la durée du jour semble d’abord augmenter jusqu’à devenir 24 heures, tandis que la durée de la nuit diminue depuis 24 heures jusqu’à zéro. Dans la seconde phase, vers le solstice d’été, le Soleil ne se couche pas et il n’y a pas de nuit. Dans la troisième phase, vers l’équinoxe d’automne, les jours, d’abord de 24 heures, diminuent jusqu’à devenir nuls, tandis que les nuits augmentent depuis zéro jusqu’à 24 heures. Enfin, dans la quatrième phase, qui correspond à l’époque voisine de l’équinoxe d’automne, le Soleil ne se lève pas, la nuit est permanente, il n’y a pas de jour. À mesure qu’on se rapproche du pôle boréal, les durées de la deuxième et de la quatrième phase augmentent. Au pôle même la première et la troisième phase étant devenues nulles, l’année se trouve divisée en deux parties pendant lesquelles le Soleil est toujours au-dessus ou au-dessous de l’horizon et décrit des cercles parallèles à ce plan, de telle sorte que les rayons qu’il envoie sont toujours émis obliquement et sont, par conséquent, à leur minimum d’échauffement.

Dans tout point dont la latitude, soit boréale soit australe, est plus grande que 66° 32′ il y a ainsi certaines époques de l’année pour lesquelles le Soleil est plusieurs jours sans se lever ou sans se coucher. Les deux cercles parallèles à l’équateur menés par 66° 32′ de latitude boréale ou australe et que l’on voit dans les figures 244 et 245 portent le nom de cercles polaires, et les deux calottes de la Terre qui ont ces cercles pour bases sont les zones glaciales. La zone qui avoisine le pôle nord est dite la zone arctique, du mot άρϰτος, l’Ourse, constellation qui se trouve placée près du pôle nord autour duquel le firmament semble tourner (le verbe grec πολέω signifiant je tourne). La zone qui avoisine le pôle sud est dite antarctique.

La partie de la Terre comprise entre les deux cercles polaires renferme tous les points pour lesquels le Soleil se lève ou se couche chaque jour de l’année. On la subdivise en trois zones. À partir de l’équinoxe du printemps, sur l’hémisphère nord, le Soleil qui, dans son mouvement apparent diurne, décrivait l’équateur et par conséquent s’approchait du zénith de chaque lieu d’une quantité égale à la latitude de ce lieu, tourne chaque jour suivant un petit cercle distant de l’équateur d’une quantité égale à sa déclinaison, et à midi sa distance zénithale sera la latitude du lieu moins la déclinaison solaire. Il arrivera donc évidemment que le Soleil passera un jour donné au zénith même d’un lieu considéré, si la latitude de ce lieu est au plus égale à la plus grande déclinaison boréale solaire, qui est de 23° 28′ au solstice d’été. On peut faire un raisonnement semblable pour l’autre hémisphère. Par conséquent, si l’on décrit sur le globe terrestre deux parallèles à l’équateur par les latitudes nord ou sud de 23° 28′, on aura deux cercles comprenant tous les lieux où l’on voit passer le Soleil au zénith à certaines époques de l’année. Les deux parallèles tracés sur les figures 244 et 245 sont appelés les tropiques, et la zone qu’ils enferment est dite torride ou intertropicale. Le tropique de l’hémisphère boréal est celui du Cancer ; le tropique de l’hémisphère austral est celui du Capricorne. Ces dénominations proviennent de ce que le Soleil passe au zénith d’un point quelconque de ces deux cercles, lorsqu’il entre dans le signe du Cancer ou dans le signe du Capricorne, c’est-à-dire au solstice d’été ou au solstice d’hiver. Le mot tropique vient du verbe grec τρέπω, je retourne, parce que le Soleil après s’être avancé vers le nord ou vers le sud de l’équateur pour atteindre le zénith des points placés sur les deux cercles dont nous venons d’indiquer le tracé, retourne sur ses pas pour se rapprocher de l’équateur.

Dans tous les points de la zone torride le Soleil passe deux fois par an au zénith ; pour les deux tropiques il n’y passe qu’une seule fois ; pour les autres points de la Terre, il n’atteint jamais le zénith.

La zone terrestre comprise entre le tropique du Cancer et le cercle polaire arctique est la zone tempérée boréale ; celle comprise entre le tropique du Capricorne et le cercle polaire antarctique est la zone tempérée australe.

Les deux zones glaciales forment les 0,082 de la surface de la Terre ; les deux zones tempérées en représentent ensemble les 0,520 ; enfin la zone torride, composée des deux régions comprises entre les tropiques et l’équateur, est à la surface entière de notre planète comme 0,398 est à 1.

Les durées des plus grands jours et par conséquent aussi des plus longues nuits, sur les divers climats, sont données par le tableau suivant :

Latitudes
marquant les limites
des climats.
Durées
des plus longs jours
dans chaque climat.
0′ 12 heures
16  44  13
30  48  14
41  24  15
49  16
54  31  17
58  27  18
61  19  19
63  23  20
64  50  21
65  48  22
66  21  23
66  32  24
67  23  1 mois
69  31  2
73  40  3
78  11  4
84  5
90  6

Voici maintenant la durée des jours les plus longs et des jours les plus courts sous les diverses latitudes depuis l’équateur terrestre jusqu’aux cercles polaires des deux hémisphères :

Latitudes. Durée du jour le plus long. Durée du jour le plus court.
12h 0m 12h 0m
12  17   11  43  
10  12  35   11  25  
15  12  53   11  7  
20  13  13   10  47  
25  13  34   10  26  
30  13  56   10  4  
35  14  22   38  
40  14  51   9  
45  15  26   34  
50  16  9   51 


55° 17h 7m 6h 53m
60  18  30   30  
65  21  9   51  
66° 32′ 24  0   0  

Dans les deux hémisphères, au delà des cercles polaires, la durée du jour varie de 0 à 24 heures dans la portion de l’année pendant laquelle le Soleil se lève ou se couche. Le nombre de jours pendant lequel l’astre radieux reste constamment au-dessus ou constamment au-dessous de l’horizon sous les diverses latitudes depuis 66° 32′ jusqu’à 90° est donné par le tableau suivant dans lequel il est rappelé que les phénomènes sont inverses dans les deux zones glaciales :

Latitudes boréales ou australes. Le Soleil ne se couche pas dans l’hémisphère boréal, ne se lève pas dans l’hémisphère austral pendant environ : Le Soleil ne se lève pas dans l’hémisphère austral, ne se couche pas dans l’hémisphère boréal pendant environ :
66° 32′ 1j 1j
70° 65  60 
75  103  97 
80  134  127 
85  161  153 
90  186  179 

Nous devons remarquer ici que dans toute cette théorie des climats, nous avons supposé que le Soleil était réduit à son centre ; nous avons en outre négligé les phénomènes de l’aurore et du crépuscule produits par la réfraction de la lumière et de la chaleur à travers l’atmosphère terrestre. Comme le diamètre de l’astre radieux est de 32′, il faudrait reculer de 16′ la latitude où le Soleil disparaîtrait tout entier. La réfraction élevant le Soleil de plus de 33′ à l’horizon, il faudrait encore éloigner de cette quantité les cercles polaires absolus. Enfin la nuit n’est entière que lorsque le Soleil est abaissé de 18° au-dessous de l’horizon (liv. xx, chap. xiv) ; il y aurait donc encore à tenir compte de cette circonstance, d’où il résulte que vers les pôles le jour absolu ne cesse que rarement et que la nuit complète est presque inconnue de l’observateur.

Les saisons sont inverses dans les deux hémisphères, comme nous l’avons dit ; elles ne sont pas d’ailleurs autre chose que les intervalles de temps que la Terre emploie à parcourir les quatre parties de son orbite comprises entre les équinoxes et les solstices. À cause de l’excentricité de l’orbite terrestre, et en vertu de la loi des aires (liv. xvi, chap. vi), les durées des saisons sont inégales ; elles sont représentées par les nombres suivants qui montrent comment il se fait, ainsi que nous l’avons dit (chap. xvi), que le Soleil reste chaque année environ huit jours de plus dans l’hémisphère boréal que dans l’hémisphère austral :

Automne 
89j 18h 35m
Hiver 
89    0    2  
Séjour du Soleil dans l’hémisphère austral 
178  18  37  
Printemps 
92j 20h 59m
Été 
93  14  13  
Séjour du Soleil dans l’hémisphère boréal 
186  11  12  

L’influence de l’inégalité de la durée des jours et de la variation de la distance du Soleil au zénith est rendue manifeste par le tableau suivant dans lequel sont comparées les températures de Paris avec celles de Paramaribo, lieu situé non loin de Cayenne sur les côtes de la Guyane et dans le voisinage de l’équateur :

Paris (latitude N. 48° 50′).

Paramaribo (latitude N. 5° 45′).

Saisons. Durée moyenne du jour. Distance moyenne du Soleil au zénith. Température moyenne de la saison. Durée moyenne du jour. Distance moyenne du Soleil au zénith. Température moyenne de la saison.
Hiver 
9h 45m 63° 15′ ,2 12h 20° 15′ 25°,9
Printemps 
14  30   33  45  10 ,3 12  9  15  25 ,3
Été 
14  30   33  45  18 ,3 12  9  15  26 ,9
Automne 
9  45   63  15  11 ,1 12  20  15  28 ,2
Tempér. moyenne de l’année. 
10°,7 26°,5

Dans les climats tempérés, la Terre perd en automne la chaleur qu’elle a gagnée en été et elle atteint son maximum de froid en hiver. Sous la zone torride les températures moyennes des saisons sont peu différentes entre elles, comme on le voit ; le maximum est atteint en automne, le minimum au printemps.