Athènes au XVIIe siècle/Lettres de Jacob Spon et du P. Babin

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Ernest Leroux (p. 13-25).

II

LETTRES DE JACOB SPON ET DU P. BABIN


Jacob Spon avait publié à Lyon, en 1678, le récit du Voyage d’Italie, de Dalmatie, de Grèce et du Levant[1], qu’il avait fait quelques années auparavant, en 1675 et 1676, de compagnie avec l’anglais George Wheler. Dans le second volume de son Voyage (pp. 100 et suiv.), avant de commencer la description des monuments d’Athènes, il avait inséré une critique assez vive de l’Athènes ancienne et nouvelle du sieur de La Guilletière, publiée en 1675[2]. Guillet ne resta pas sous le coup de cette attaque et fit imprimer, en 1679, des Lettres écrites sur une dissertation d’un voyage de Grèce, publié par M. Spon, etc[3].

Spon ne tarda pas à répondre aux Lettres de Guillet et quelques mois après il faisait paraître une Réponse à la critique publiée par M. Guillet sur le voyage de Grèce de Jacob Spon[4]. Dès le 6 août 1679, il en adressait de Lyon un exemplaire à l’abbé Jean-Paul de La Roque, l’un des auteurs du Journal des Savants, avec la lettre suivante :

Monsieur,

« Je vous envoye ma Response à M. Guillet, qui auroit esté achevée d’imprimer plutost qu’elle n’a esté, si on m’eust plutost expédié le privilège ; mais vos Messieurs de Paris prennent le soin de mortifier un peu nostre démangeaison d’escrire par les longueurs qu’ils aportent à nous expédier les approbations et les lettres de la chancellerie. Si vous voulez bien me faire la grâce de parler de cette contre critique dans vostre Journal[5], je vous prie du moins que ce soit sans aucun éloge, si ce n’est peut estre celuy de curieux, qui ne me feroit pas rougir. M. Charpentier a fait cas de la lettre escrite pour ma défense immédiatement après ma response[6]. L’auteur n’en veut pas estre encore connu, quoy qu’il ne craigne point du tout M. Guillet ; mais c’est apparemment qu’ayant assez de réputation dans le monde pour n’en pas rechercher par une petite dissertation de deux fueilles, il ne veut pas se commettre avec un homme tel que M. Guillet. Pour moy, qui n’ay aucune réputation à ménager, j’ay cru estre obligé d’escrire, et sans me déguiser, pour servir de commentaire à ma première relation et pour justifier ma sincérité, quoy que quelques uns de vos Messieurs de Paris, que j’honore d’ailleurs beaucoup, me conseillassent de ne point faire de response. Au fond, quand je n’aurois fait que détromper une partie des curieux, qui prenoient M. Guillet, ou La Guilletiere, pour un véritable voyageur, et non pas pour un homme qui escrit sur des mémoires mandiés, je n’auray pas perdu ma peine, et ils auront du moins sujet de se tenir sur leurs gardes, en cas que M. Guillet produise quelque nouveau roman de la Grèce. Je prie Dieu qu’il le convertisse, afin qu’il n’abuse plus du talent qu’il a de bien escrire et de la crédulité d’une infinité de lecteurs qui se persuadent aisément ce qui leur donne du plaisir à lire aux despens de la vérité[7].

« J’ay donné un plan assez nouveau à la science de l’antiquité ; il ne manquera pas d’estre critiqué, mais c’est le fruit que j’en attens, pourvu qu’il en résulte quelques lumières plus précises que celles là. Je remis, il y a environ trois semaines, à M. Amaulry, un fueillet pour vous de quelques titres de livres nouveaux ; je ne sçay, Monsieur, si vous l’aurez receu…[8] »

Spon avait aussi adressé un exemplaire de sa Réponse au P. Babin, dont il avait publié quelques années auparavant la Relation de l’estat présent de la ville d’Athènes[9], et celui-ci lui adressait, en le remerciant de son envoi, la longue lettre suivante, datée du 2 avril 1680 :

« Monsieur, je me sens si obligé à vos courtoisies et à vos libéralités que je ne sçay où trouver des remercimens qui correspondent aux grâces que je reçois. J’aurois esté surpris de vostre magnificence, si je n’estois desjà accoustumé à en ressentir les effects. Je garde tousjours ce que vous me fistes la faveur de m’envoyer à Constantinople. Mais il faut advouer que vostre dernier présent a eu un effect admirable, et que vous estes un médecin qui a des secrets pour guérir les absens sans user de poudre de sympathie. J’avois esté plus de 2 mois malade, lorsque je receus les livres qu’il vous a pleu m’envoyer, et en les voyant j’eus une telle consolation que je commençay à me mieux porter ; mais quand je leus le verset que vostre antagoniste adresse à M. le Dauphin[10], il me vint une envie de rire si grande qu’elle me guérit. Ainsi vous m’avez envoyé un excellent remède, et plus efficace que tous ceux des médecins de cette ville. Maintenant qu’il me faut vaquer aux prédications du caresme, je n’ay peu lire que la critique et sa réponse, que je reliray à loisir avec les autres livres après Pasques. J’ay aussi employé 2 ou 3 heures à lire quelques feuillets du Roman d’Athènes[11], et, en si peu que j’en ay leu, j’ay trouvé quantité de fautes que je vous envois comme de nouvelles armes, s’il vous attaque derechef ; ce que je ne crois pas qu’il fasse après ce que vous et M. Galland luy avez expliqué fort doctement. Il s’amuse à vous censurer sur des bagatelles, c’est un signe qu’il n’avoit rien de solide à vous objecter. La modestie, dont vostre réponse est accompagnée, faict voir la bonté de vostre cause, et je me persuade que tous les gens de bon sens, indignez des paroles outrageuses qu’il vous dit sans en avoir le moindre sujet, quitteront son parti. Ainsi, pensant vous nuire, il a faict tort à sa propre réputation et s’est exposé à la risée des personnes judicieuses, dont vous recevez l’approbation dès le commencement de vostre livre par cette lettre subtile, ingénieuse et élégante que vous addressez à M. le Dauphin.

« Vous me permettrez de dire que j’ay esté 2 ans à Négrepon, d’où j’ay esté cinq fois à Athènes, où en tout je n’ay pas demeuré 5 semaines entières, bien loing d’y demeurer 2 ans. Les Jésuites n’ont jamais esté persécutez à Athènes ; la vraye raison qui les en fit sortir, c’est qu’ils n’avoient pas de quoy vivre après la disgrâce arrivée à M. Fouquet, car après cela M. l’archevesque de Narbonne, son frère, ne leur envoya plus les 50 escus qu’il envoyoit chaque année à cette mission, qui subsistoit par son moyen. Ainsi on se contenta de conserver Négrepon, où ces Pères estoient desjà, qu’ils préférèrent à Athènes à cause du fruict spirituel qu’ils font parmy les esclaves des galères, car il n’y a point de galères à Athènes, où les RR. PP. Capucins allèrent après le départ des Jésuites, qui eurent encore une autre raison, c’est qu’ayant peu d’ouvriers et missionnaires, à cause des grandes occupations qu’ont ces Pères en France, ils ne pouvoient pas fournir du moins 2 Pères en chaque mission. Ainsi ils ne voulurent point multiplier leurs résidences, mais prirent le poste où ils jugèrent pouvoir procurer plus de gloire à Dieu, espérant d’aller de temps en temps faire des missions volantes à Athènes et servir le peu de Francs qui y seroient. Un des Jésuites de Négrepon fut appelé à Athènes diverses fois par MM. les consuls Chastanier et Giraud, en l’absence des RR. PP. Capucins. Le R. P. Simon de Compiègne, qui y estoit seul, ayant pris l’épouvante sur une fausse nouvelle qui courut, quand l’armée du Roy alla en Candie, que les Jésuites de Négrepon avoient estez mis en séquestre par les Turcs, ce Père mit promptement les paremens de l’église chez M. Giraud, et s’embarqua viste sur un vaisseau françois, qui estoit pour lors au Port Lion, d’où il alla a Milo, où passa sa terreur panique. Ce Père avoit tant d’affaires dans Athènes, à Napoli de Romanie, à Patras et ailleurs, où il falloit aller souvent, que ces divers voyages luy empeschoient de faire l’école, qu’il fit quelque peu de temps au commencement, et eut soing des enfans de M. Giraud et du drogmant Jean-Baptiste, et peut estre quelque autre, qui allèrent ensuite aux écoles des Grecs. Ainsi vous avez a blasmer le critique qui dit, fol. 225 du roman : « Le R. P. Simon cultive l’amitié des Athéniens par le soing qu’il prend pour les enfans. » Je mettray ses autres erreurs à part et je ne veux point du tout qu’on sçache que c’est moy qui vous les envoye, ny qui les aye observées. Je vous prie de tout mon cœur de tenir mon nom secret ; mon habit ne me permet pas de m’engager dans ces disputes ; c’est pour cela que je n’ay pas voulu faire une lettre, comme celle de M. Galland et d’un autre, que vous avez faictes imprimer dans vostre réponse ; et d’ailleurs je n’ay rien contre vostre antagoniste, qui, pouvant m’en donner dans sa critique, me traitte tousjours avec honneur ; il n’y a qu’un mot qui me touche, qui est, qu’on a voulu fixer l’Euripe, qui est si variable…

« Vous agréerez, s’il vous plaist, la boëte d’amiante que je vous envoie ; je l’addresse au P. Marquis, Jésuite, pour vous la faire tenir, sçachant que ce Père est nostre commun amy. Je voudrois avoir quelque chose digne de vous, et qui approchast tant soi peu de vostre riche présent, mais qui m’est encore plus cher parceque ce sont les productions de vostre esprit, et des curiosités bien particulières, dont je fais grande estime. M. Galland[12], qui est icy, m’en avoit faict espérer une partie, six semaines avant qu’ils me fussent rendus, par une lettre qu’il m’écrivit de Milo. Il vous envoye des inscriptions. Je prends grand plaisir dans la conversation d’un si honneste homme. Je demeure et suis toujours, Monsieur, vostre très humble, très obéissant et très obligé serviteur,

J.-P. B[abin].


[P.-S.]. « J’ay presque achevé de copier le traitté des coustumes de Grèce ; depuis novembre je n’ay peu y toucher, tant à cause des sermons de l’Advent, qu’à cause de ma maladie qui me prit 2 jours après Noël et dont je me ressens encore un peu. J’acheveray de transcrire après Pâques.

« J’ay veu à Constantinople une grande éclypse de lune, il y a environ 9 ans. Les Arméniens faisoient retentir l’air du son des cymbales, des tambours, des chauderons, etc. Je demenday lelendemain la raison de cette superstition a des papas arméniens, qui me dirent qu’ils n’approuvoient point cela, mais que le peuple de tout temps s’imaginoit que la lune combat contre un dragon, et qu’eux vouloient ayder et encourager la lune par ce bruit ; et qu’ils disoient d’autres semblables sornettes. Ce n’est donc pas seulement du temps passé, comme vous dites répondant à la critique.

« Il n’y a qu’un seul évesque à Négrepon, dans toute l’isle ; celuy d’àprésent se nomme Daniel, il est natif de l’isle et fort honneste homme. Charysto, Porthmos, Canalion, Oréon, Aulona ou Αὐλίδα, qui estoient autrefois des éveschez, n’ont plus cet avantage ; ils dépendoient tous, et les évesques estoient suffragans de celuy de la ville de Négropon, qui pour cela retient encore le titre de métropolite, et a un vicaire à Charisto. Les autres endroits sont de simples villages.

« Pour ce qui est de la relation de Tines, j’eusse bien souhaitté, que vous en corrigeassiez et retranchassiez quelques choses, qui peut-estre, ne plaira pas, ou sera trop basse.

« Vous fairez de celle des Vroucolacas ce qu’il vous plaira ; il faut en retrancher ces passages latins de l’Évangile touchant les Geraséniens vers la fin, et quelque autre chose ; elle me plaist plus que celle de Tine.

« Je souhaitterois bien que vous fissiez imprimer la dernière relation de l’Euripe, si vous faictes une seconde impression de vos livres, dont je ne doute pas, car je sçay qu’ils ont grand débit, et mesme qu’on les imprime en Hollande. Le Père Lestringan m’escrivit, il y a un an, que vous les feriez réimprimer en latin. En quelque façon et langue que ce soit, la dernière relation de l’Euripe est meilleure que la première et pare aux coups des critiques qui pourraient aller à Négrepon et voir un jour auquel l’Euripe n’iroit pas comme je dis, — à quoy je répons par avance que les vents, quelquefois la lune, ou les grandes marées empeschent cet effect. Il y a dans cette dernière relation plusieurs autres choses remarquables, qui ne sont pas dans l’autre. Si vous passez à une seconde impression, faictes moy de grâce cette faveur et ce plaisir d’y insérer la dernière relation[13].

« Je me réjouis de la santé de M. l’abbé Pécoil, et le salue très humblement, dans l’espérance d’avoir l’honneur de le revoir.

(Adresse :) « À Monsieur Monsieur J. Spon, docteur médecin, à Lyon, rue du Mulet, enseigne St. Antoine. — Avec une petite boette, couverte de toile, pleine de pierres asbestos[14]. »

Il ne sera peut-être pas hors de propos de rapporter encore ici une autre lettre adressée à Spon au sujet de son Voyage par un normand, Louis Touroude, qui avait précédemment parcouru la Grèce et l’Illyrie, et qui lui écrivait de Caen, le 18 septembre 1680, pour rectifier certains détails de la topographie d’Athènes.

« Monsieur, sans avoir l’honneur d’estre connu de vous, je n’ay pû m’empescher de vous rendre par cette lettre une marque de mon respect et de l’estime particulière que les productions de votre esprit vous ont si justement aquises. Je vous diré donc aveq vérité que, de tous ceux qui ont lû votre Voyage du Levant, je ne croy pas qu’il y en ayt un seul qui prenne plus de part que moy à l’obligation que le public vous a de luy avoir donné cet ouvrage. La connoissance que vous avez de l’antiquité, jointe à la recherche exacte que vous en avez faitte dans les pays où vous avez esté, nous a appris bien des choses, qui nous auroint peut-estre esté toujours cachées, si un voyageur comme vous, c’est à dire aussy versé dans l’antiquité et aussi curieux à la rechercher, ne nous avoit comme porté le flambeau pour nous éclairer à déterrer tant de choses curieuses, dans l’obscurité où elles estoint presqu’ensevelies. Je pourrois alléguer un grand nombre des découvertes que vous avez faittes pour preuve de ce que je dis, si le dénombrement n’alloit pas au delà des bornes d’une lettre, je me réserve à les raporter plus au long dans l’ouvrage que j’ay entrepris de la Grèce ancienne et nouvelle, où je travaille il y a plusieurs années[15].

« Mais, comme tout votre ouvrage me paroist excellent, et que vous avez repris avec beaucoup de raison les relations romanesques de ceux qui avoint écrit auparavant de ces pays là, j’ay crû aussy que, si dans votre ouvrage il s’y rencontroit quelque chose, qui pût recevoir quelques doutes, que vous ne trouveriés pas mauvais, affin de s’en éclaircir, et sans blesser la considération qu’on doit avoir pour une personne de votre mérite, qu’on vous dît les raisons sur lesquelles on pourroit fonder les difficultez qui se présenteroint dans quelques endroits de votre livre. Je croy, Monsieur, que vous êtes trop raisonnable pour y trouver à redire, et, cela supposé, je prends la liberté de vous demander touchant la montagne la plus proche d’Athènes, que vous nommez Anchesmus (et que vous avez très bien prouvé n’estre point le Pentelicus), si vous avez d’autres preuves que l’autorité de Pausanias, que vous alléguez, pour faire veoir que c’est l’Anchesmus ; car il me semble que pour estre une petite montagne, comme le dit Pausanias, et que le mont Saint-George soit aussy une petite montagne, il ne s’ensuit pas que ce soit l’Anchesmus, et on est assez en peine de savoir le vray nom de celle petite montagne ; je voudrois savoir de plus si cette montagne de Saint-George, que vous avez veue, est plantée, au dessous du sommet, d’oliviers et de vignes, car quand vous remarquez, que c’est une montagne très petite, et sans arbres, et que l’on peut veoir toutte d’un coup d’œil, lorsque l’on est au dessus, je croy que cela se doit entendre des grands arbres, comme des chesnes, des pins et autres de cette sorte, et que ce n’est pas dire qu’elle ne soit plantée de vignes et d’oliviers. Si vous voulez prendre la peine de m’écrire, vous m’obligerez beaucoup de me dire ce qui en est.

« Ceux du pays et de la ville d’Athènes qui nomment cette fonteine Callirhoé, qui est auprès de l’Ilissus et entre cette rivière et les 120 colonnes, se trompent, ce me semble, car la fonteine Callirhoé estoit proche du temple de Bacchus et celuy de Cérès estoit sur la fonteine mesme, comme dit Pausanias, et peu au dessous du château, ou ἀκρόπολις, au lieu que celle que vous remarquez dans votre carte d’Athènes en paroist assez éloignée. Vous avez, ce me semble, très bien marqué la situation de l’Académie et repris fort bien ceux qui la mettoint tout au contraire du lieu où elle estoit si éloignée de la ville, puisque Cicéron dit quelle n’estoit qu’à six stades de la porte Dipylum et Tite Live dit presque un mille.

« Je voudrois bien savoir ce que c’est que ces arbres, que vous remarquez dans la carte d’Athènes, au dessous de l’Aréopage, tirant vers la rivière que vous dites estre l’Éridan, car cela est assez considérable. Vous avez aussy très bien remarqué la grote de Créuse, où estoit le temple de Pan et d’Apollon, dont Euripide a fait mention dans l’Ion et Lucian dans le dialogue de Pan et d’Apollon, dans lequel néantmoins il ne dit rien de Pelasgicon. Mais pour le temple de Jupiter Olympien, sa situation peut recevoir quelque difficulté, parce que Thucydide, en son 2 livre, le place au midy du château, et votre carte semble le mettre dans la partie septentrionale, ce qui est encore confirmé en la page 187 de votre 2 volume ; mais, si vous prenez bien garde au passage de Thucydide, vous verrez asseurement qu’il le met au midy. Voici ce qu’il en dit : Τὸ δὲ πρὸ τούτου ἡ ἀκρόπολις ἡ νῦν οὖσα πόλις ἦν, καὶ τὸ ὑπ’ αὐτὴν πρὸς νότον μάλιστα τετραμμένον τεκμήριον δέ · τὰ γὰρ ἱερὰ ἐν τῇ ἀκροπόλει καὶ ἄλλων θεῶν ἐστι, καὶ τὰ ἔξω πρὸς τοῦτο τὸ μέρος τῆς πόλεως μᾶλλον ἵδρυται, τό τε τοῦ Διὸς τοῦ Ὀλυμπίου καὶ τὸ Πύθιον καὶ τὸ τῆς γῆς καὶ τὸ ἐν Λίμναις Διονύσου[16], et le reste que vous pouvez veoir et examiner.

« Il y a encore quelque chose à vous dire touchant Aulon, qui, dans la notice de Léon empereur (comme vous savez), est un évesché sous le métropolitain d’Athènes ; cet évesché estoit véritablement dans l’isle de Négrepont, et le lieu et le nom en est marqué dans la carte de l’isle dans l’Isolaire de Bartolomeo degli Sonetti, faitte du tems du pape Léon X, vis a vis et proche d’un cap, qui avance peu dans la mer, nommé par le portolan grec Αὐλονάρι, proche de deus petites isles, qu’il nomme Διάϐατες, mais Αὐλὼν, qui est le siège d’un évesché n’a rien du tout de commun aveq ce qu’on apelle Καϐαλίναι, qui sont trois petites isles à l’entrée du canal de Négrepont, et qui sont au nort et proche de Petalium, à present nommé Spitilus, et par conséquent ne peuvent pas estre le siège de l’évesché. Voicy comme en parle le Portolano italien : « Le Cavalline isole sono tre largo della terra mig. 3. et dalla isola de Negroponte mi. 3. » Dans l’Isolario de Benedetto Bordone on en veoit le nom et la situation à l’entrée du canal de Négrepont ; on veoit la mesme chose dans celuy de Bartolomeo, et partant cette conjecture que c’est Αὐλὼν ne paroist pas asseurée.

« J’aurois encore d’autres choses à vous proposer, mais je m’estendrois au delà des bornes d’une lettre et je craindrois de vous estre importun. Si le commerce vous est agréable, quand j’en serai asseuré de votre part, j’aurai plus de hardiesse et plus de liberté à vous entretenir, cependant je vous prie de croire que personne n’est plus que moy, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

« De Touroude. »

[P. S.] « Si vous voulez vous donner la peine de m’écrire, addressez vos lettres à Paris, chés Monsieur l’abbé Hüet[17], sous-précepteur de Monseigneur le Dauphin, rüe Neuve des Petis-Chams, pour me faire tenir à Caën. »

« (Adresse :) À Monsieur Monsieur Spon, docteur en médecine ; on saura son addresse chez le sieur Thomas Amaury, libraire, rue Mercière, à Lyon[18]. »

H. Omont.
  1. 3 volumes in-12.
  2. Paris, Estienne Michallet, in-12.
  3. Paris, Estienne Michallet, in-12.
  4. Lyon, 1619, in-12. — Sur le différend de Spon et de Guillet voir Athènes, etc. du comte de Laborde, t. II, pp. 28 et suiv.
  5. Voir Journal des Sçavans, de la fin de décembre 1679, p. 301-304.
  6. Lettre du 12 mars 1679, imprimée aux pages 163-209 de la Réponse de Spon.
  7. L’abbé Claude Nicaise, de Dijon (1623-1701), toujours à l’affût des nouvelles littéraires, n’avait pas manqué de se mêler à la querelle de Guillet et de Spon, à qui il écrivait, de Dijon, le 24 janvier 1619 :

    « J’ay une joye, Monsieur, que je ne vous sçaurois exprimer d’apprendre par vous mesme que vous vous portez mieux. Je vous aurois envoyé le misérable livre de La Guilletière, si je n’avois veu que vous l’aviez desjà. Je n’ay point voulû achepter un livre de cette nature et j’ay mandé à de mes amis de Paris de ne le point envoyer, qui en avoient quelque dessein. Ce sont de misérables gens que ces Guilletières de faire de si méchants livres et qui mériteroient qu’on les desguelletà et qu’on leur donnasse les estriviéres, de donner au public de ces sortes de livres. C’estoit le sentiment de M. de La Mare et de M. de Chevanes, nos bons amis, qui vous estiment infiniment, qu’on traittast ainsy l’autheur d’Athènes ancienne et nouvelle, lorsqu’ils eurent vû son livre. Pour moy j’admiray l’effronterie de cet autheur de nous promettre tous les plans ou veues des plus belles villes de la Grèce et d’avoir commencé si impertinément par Athènes et Lacédémone. Ils se contentèrent de représenter en ceste dernière deux Capucins sur un chemin, d’un costé, et de l’autre quelques mazures, et n’en font guère davantage dans la première, et ils appellent cela de véritables plans de ces villes. Et, lorsqu’on leur faict connoistre d’une manière honneste et civile que ce ne sont pas là des plans dessignéz au juste, ils s’emportent jusques à dire les dernières injures au monde et font des satyres contre les honnestes gens, qu’ils ne justifient pas mieux que leurs plans ridicules, car ils produisent deux Capucins et leurs lettres mendiées qui sont de misérables argumens.

    « Il n’y a point de braves gens qui ne soient indignés contre les Guilletière…

    Ils veulent tourner en ridicule les antiquaires, dans la belle science desquels ils ne sçavent ni A ni B… » (Bibliothèque de Lyon, ms. O. 1688, lettre 110.)

    Spon lui répondait le 24 février 1680 :

    « Je suis fort obligé à la bonté de M. l’abbé Huet, qui veut me procurer la paix avec M. de la Guilletière. Elle est déjà faite dans mon cœur, où je ne sçay mesme s’il y a jamais eu de guerre à ce sujet : néanmoins je souhaite fort qu’entre les articles de paix, il y en ait un qui nous oblige l’un et l’autre à nous critiquer aussi sévèrement qu’auparavant, si ce n’est en public, du moins en particulier.

    « Je ne sçay si nous pourrons un jour avoir la description de la Morée par M. Giraud. Un moyen de l’avancer seroit d’avoir un bon amy en cour, qui parlât pour luy faire avoir la place vacante du consulat de France. Le sr Châtaignier ayant esté pris et tué par les corsaires de Thermia, depuis trois ou quatre mois. Je l’ay sceu de plusieurs endroits, entr’autres d’un de ses cousins Châtaignier, qui est icy, de M. Galland, de Candie, et du P. Babin, de Smyrne… » (Bibliothèque nationale, ms. français 9360, fol. 235.)

    Et c’est sans doute à la Response de Spon qu’il est encore fait allusion dans une lettre qu’il écrivait de Lyon à l’abbé Nicaise, le 19 décembre 1680 :

    « Je vous envoye six exemplaires d’un petit ouvrage qui vient de naître comme un champignon pour justifier la chanson de M. Guillet :

    « Et nous dirons du docteur Spond,
    « Que livre sur livre il nous pond.

    « Je voudrois que quelque amy m’en dit son sentiment aussi sévèrement que M. Guillet de mon Voyage. C’est pourquoy je vous prie d’en envoyer quatre ou cinq à Paris, comme à M. de Condom, Huet, Mariotte, Perreau… » (Bibliothèque nationale, ms. français 9360, fol. 241.)

  8. Bibliothèque nationale, ms. français 19210, fol. 347-348 (Papiers du P. Léonard de Sainte Catherine).
  9. Lyon, 1674, in-12 ; réimprimée en 1854, par le comte de Laborde. Cf. aussi Athènes, etc., du même auteur, t. I, p. 180 et suiv., et p. 212.
  10. Allusion au début de la dédicace au Dauphin des Lettres de Guillet : « In te, Domine, speravi, non confundar in æternum. » (Psxxx).
  11. Autre allusion à l’Athènes ancienne et nouvelle de Guillet.
  12. Antoine Galland ; cf. son Journal, publié par Ch. Schefer (Paris, 1881, 2 vol. in-8o). — On peut rapporter ici également une lettre du libraire parisien Claude Barbin, adressée précédemment à J. Spon, le 20 juillet 1679, et dont la première partie est peut-être relative au refus du libraire Barbin de se charger de l’édition de la Réponse de Spon :

    « Je crains bien, Monsieur, qu’en vous expliquant mes petits sentiments sur les intérez de M. Guillet, je n’aye glissé quelques choses dans ma lettre quy ait mal respondu aux offres honnestes que vous m’aviez faites ; car, à vous dire vray, vous m’avez parut très mescontent par celle qu’il vous a plut de m’escrire. Cependant, Monsieur, j’oseray vous dire, avec tout le respect que je vous doit, que le cœur et les intentions n’ont nul part aux fautes que je pouvois avoir faites en vous exposant mes scrupules, et sy je vous ay parut avoir un peu trop de délicatesse dans des choses où l’on doit avoir de très grandes indifférences, ne l’atribuez, s’il vous plaist, qu’a mon seul deffaut de lumierre, en tout cas je vous demande excuses, en vous assurant que je vous en feray telle satisfaction qu’il vous plaira.

    « Je vous remercie, Monsieur, de l’offre que vous me faites de cette petite relation du P. Babin pour joindre à la Smirne de M. Gallant ; comme la diversité plaist dans les livres et surtout dans les relations, je crois que cela ne sera pas un petit ornement au livre puisqu’elle a vostre approbation. Pour les conditions je les accepte, et je me feray un très grand plaisir de vous envoyer mes livres nouveaux en eschanges, puisqu’en m’aquitant de mes debtes je satisferay plainement mon inclination. Il vous suffira seulement de me marquer ceux de vostre gout pour ne vous rien envoyer d’inutille et de me croire en attendant responce, Monsieur, vostre très humble et très obéissant serviteur, Barbin » (Bibliothèque de Lyon, ms. O, 1688, lettre 122.)

  13. Cf. le Voyage de J. Spon (1678), t. II, p. 326 et suiv. ; les Remarques sur le flux et le reflux de l’Euripe, du P. Babin, adressées à l’abbé Pecoil, dans une lettre de Negrepont du 15 mai 1670, sont imprimées aux pages 328 et suiv. et ont été reproduites dans le Journal des sçavans, du 9 mai 1678, p. 99 et suiv.
  14. Bibliothèque de Lyon, ms. O. 1688, lettre 154.
  15. Au témoignage de Moréri, dans son Grand dictionnaire historique (éd. de 1759, art. Touroude), Louis Touroude qui avait particulièrement étudié la géographie de la Grèce et de l’Illyrie, « mourut sans faire part au public de son ouvrage, qui est encore manuscrit. Sa mort arriva le 30 janvier 1689, âge de 75 ans. »
  16. Thucydide, II, 15.
  17. L’écriture de cette lettre de Touroude offre de nombreuses ressemblances avec la petite et élégante écriture de Huet.
  18. Bibliothèque de Lyon, ms. O. 1688, lettre 173.