Au Pays de Rennes/L’Arsenal

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Hyacinthe Caillière (p. 87-90).


L’ARSENAL


Pendant la guerre de 1778, l’Angleterre ayant menacé la France d’une invasion, le gouvernement comprit la nécessité de créer dans l’Ouest un Arsenal d’artillerie pouvant approvisionner, à bref délai, tous les points importants de la Côte. Il ordonna à M. Ganot, directeur d’artillerie, à Rennes, de rechercher la ville de Bretagne qui convenait le mieux pour la création d’une École d’artillerie et la construction d’un Arsenal.

Ce projet n’eut pas de suite avant 1793, époque à laquelle les représentants du peuple, en mission dans l’Ouest, s’occupèrent de la question et désignèrent la ville de Rennes.

Le Commandant d’artillerie Savournin, chargé de l’exécution du projet, choisit l’hôpital général situé à la Croix Rocheran, près la route de Nantes. Il trouva là de vastes bâtiments et de grands terrains à proximité de la rivière. L’État s’entendit avec la ville qui proposa l’échange de son hospice contre les bâtiments et dépendances de l’abbaye de Saint-Melaine y compris l’évêché et le petit séminaire établi alors aux Catherinettes. L’échange fut signé le 10 Mai 1793.

Le Directoire, en vertu des arrêtés du Comité de salut public des 11 Nivose et 1er Pluviose an III, maintint les décisions précédentes et ordonna leur exécution.

Néanmoins pendant plusieurs années on ne s’occupa que de la confection des plans.

Les projets de détails pour les ateliers de forgerons et de serruriers, commencés en 1837 sous la direction du Colonel Dussoussoye, modifiés par le colonel Rapatel, furent définitivement approuvés le 26 Mai 1844 et adjugés le 10 juillet suivant.

Les travaux commencèrent le 20 Août 1844 et le procès-verbal de la pose de la première pierre de l’Arsenal est ainsi conçu :

« S. M. Louis-Philippe Ier roi des Français régnant, le Maréchal Soult, duc de Dalmatie, président du conseil des ministres, ministre de la guerre ; le baron de Tournemine, commandant l’École d’artillerie de Rennes ; le colonel Rapatel, Directeur d’artillerie, le chef d’escadron d’artillerie Aubert de Vincelles, sous-directeur ; le capitaine d’artillerie Cotard, spécialement chargé des constructions du nouvel Arsenal ; la première pierre de cet établissement a été posée le 22 Octobre 1844. — Entrepreneur Delage. »

Ce procès-verbal ayant été renfermé dans une boîte en chêne, soudée à son tour dans une boîte en plomb, la pierre d’angle fut posée par dessus et scellée par M. de Tournemine.

Les deux bâtiments affectés aux ouvriers en fer furent terminés le 20 Août 1846. Un autre édifice destiné aux ouvriers en bois, commencé le 1er juin 1846, a été terminé le 23 février 1848. Depuis cette époque, de grandes améliorations et de nombreuses constructions ont été faites. Après la guerre de 1870 des crédits considérables accordés par le gouvernement ont permis d’en faire l’un des arsenaux les plus importants de France.

Il s’étend jusqu’au boulevard de la Tour d’Auvergne et est contigu à la seconde et superbe caserne d’artillerie construite le long de ce boulevard.

L’infanterie attachée à l’Arsenal est logée dans les bâtiments de l’ancien hôpital.

L’Arsenal de Rennes est chargé de la construction, pour l’artillerie de terre, de tous les affûts et accessoires nécessaires à la défense du littoral depuis l’embouchure de la Seine jusqu’à celle de la Gironde. Le choix de notre ville est surtout justifié par ses canaux et ses lignes de chemins de fer qui la relient avec Brest, Nantes et Saint-Malo.

Il nous faut maintenant traverser le pont de la Tour d’Auvergne pour visiter la partie Nord-Ouest de Rennes.

Après avoir franchi ce pont, on aperçoit derrière la croix de la Mission, au coin du quai Duguay-Trouin et au bout du jardin de l’hôtel de Coniac, un pan de mur, dernier débris de la tour de Fourgon qui était comprise dans les anciennes fortifications de Rennes. C’est de là que partaient les remparts qui, pendant près de six siècles, ont été la préoccupation constante des habitants de la vieille cité bretonne. Nous allons indiquer les places qu’ils ont successivement occupées. Mais auparavant, disons deux mots de la croix de la Mission :

Cette croix fut placée en grande pompe à la suite de la Mission de 1817, comme le témoigne une curieuse gravure de l’époque, assez rare aujourd’hui.

À l’occasion d’une Mission donnée en 1887, la croix assez délabrée a été restaurée, redorée et un petit square enclos d’une grille a été créé à l’entour. La place de la Mission vient d’être plantée d’arbres dont l’ombrage sera fort agréable dans quelques années, pour les flâneurs qui, le samedi, viennent fureter dans les étalages des bouquinistes.