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Au fait, au fait !!! Interprétation de l’idée démocratique/12

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XII.


Il n’y a chez les peuples que deux points sur lesquels la divergence d’opinion ne peut exister.

Deux points auxquels vient aboutir le bon sens de tous les partis sans acception de nuances.

Ces deux points sont :

La répression du crime contre les personnes et les propriétés, et la défense du territoire.

Consultez à cet égard tous les sectaires des schismes sociaux. Demandez aux socialistes, aux conservateurs de ce régime sans nom du National, aux orléanistes, aux impérialistes, aux légitimistes ; demandez-leur, dis-je, s’il faut punir l’assassinat et le vol, et s’il faut défendre la frontière ; tous répondront unanimement par l’affirmative ; pour tous, indistinctement, la personne et son avoir sont sacrés, le territoire national est inviolable. Ces doctrines, sont les doctrines communes, universelles ; devant elles les partis s’effacent, s’évanouissent ; à ces points suprêmes du rendez-vous public, tous les Français sont d’accord et se donnent fraternellement la main.

Eh bien, pourquoi irions-nous chercher le génie d’un gouvernement en dehors de ce réservoir commun des aspirations de tous. Pourquoi permettrions-nous que l’on introduisit une dose d’affections individuelles à cette potion préparée pour la santé de tous ?

Voulez-vous un gouvernement fort de l’assentiment public ? un gouvernement dont l’existence ne soit point menacée pas l’irritation et le coup-de-main des minorités ? Établissez une administration gouvernementale sérieuse, étrangère aux petites chicanes et aux misérables ambitions des individus ; une administration nationale, qui englobe les partis par leur base rationnelle et sensée, une administration dont le pouvoir, limité, se borne à prêter main forte à l’exécution des arrêts rendus en vue de réprimer les crimes et délits contre les personnes et les propriétés, et à régler les rapports et les différents qui surviennent entre la nation et l’étranger.

Un gouvernement, dont les attributions seraient ainsi définies, ne peut exciter le mécontentement de personne, sans qu’au même instant il ne soit condamné par tout le monde ; car, comme il ne s’occupe précisément que des questions sur lesquelles tout le monde est d’accord, il agit bien ou il agit mal, sans conteste. La sanction de ses actes est dans la conscience de tous.

Pour mettre un gouvernement à l’abri des révolutions, il ne faut pas lui permettre de s’immiscer dans la vie réelle des citoyens, il ne faut pas admettre qu’il puisse toucher aux instincts, aux goûts, aux intérêts privés des citoyens ; car, ces instincts, ces goûts, ces intérêts sont variés et changeants, tandis que les règles d’une administration sont uniformes et fixes.

Il faut qu’un gouvernement démocratique reste à tout jamais dans l’abstraction sociale.

Qu’il me soit enjoint, par autorité supérieure, de penser d’une façon plutôt que d’une autre, de faire des échanges à telle condition plutôt qu’à telle autre, de m’instruire à telle école ou dans tel livre, plutôt qu’à telle autre école ou dans tel autre livre ; d’exercer telle profession plutôt que telle autre, d’aimer ceci au lieu d’aimer cela, c’est me tyranniser autant que s’il m’était ordonné de manger des légumes plutôt que des viandes ; et un gouvernement qui possède des pouvoirs de détails aussi exhorbitants ne peut manquer d’irriter un peuple intelligent et accessible au sentiment de la dignité humaine.

Si nous arrêtons un instant notre attention sur l’esprit de l’institution qui me préoccupe, il nous sera impossible de rencontrer un acte ministériel qui ne porte dans ses flancs la violation d’une liberté. Un ministre (je parle de ceux dont l’administration s’applique aux instincts, aux goûts ou aux intérêts), un ministre ne saurait respecter le droit public, — je n’ai pas dit le droit écrit — qu’à la condition de ne pas agir ; car, comme en agissant, il agit pour tous et à la place de tous, il faudrait, pour qu’il agît bien et pour ne léser personne, qu’il eût l’instinct des tendances actuelles, le génie du goût actuel et la conscience des intérêts actuels de chacun. Cela étant, une chose m’étonne : c’est qu’il y ait encore des hommes assez méchants ou assez profondément incapables pour ne pas reculer devant l’acceptation d’un portefeuille.

Qui donc aurait souffert du dépouillement de l’appareil monarchique ? Quelques commis !

Qui en aurait profité ? Toute la France !

Qui donc souffre de la conservation intégrale de l’appareil monarchique ! Toute la France !

Qui en profite ? Quelques commis !

J’en ai dit assez pour faire comprendre comment, en prenant au mot la révolution de février, il était possible d’atteindre les deux termes de l’équation démocratique : la liberté individuelle et le gouvernement à bon marché.