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Au fait, au fait !!! Interprétation de l’idée démocratique/4

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IV.


Ne demandez pas à un démocrate s’il est socialiste et de quelle secte ; s’il est conservateur et de quelle secte ; s’il est orléaniste, impérialiste, légitimiste et de quelle secte. Au fond de toutes ces doctrines sociales et politiques on a beau chercher l’homme libre et le respect des deniers privés, on n’y trouvera que des maîtres payés et des valets payants ; or, le démocrate, n’est pas de ceux qui commandent, car il est celui qui n’obéit point.

S’il est des gens timides ou serviles qui s’abritent dans Fourier, s’il en est qui se logent dans M. Cabet ou dans M. Proudhon, s’il en est qui se réfugient dans Louis-Philippe, dans Bonaparte, dans Henri de Bourbon, je déclare, pour ma part, que je ne sais habiter que dans moi-même et que je ne propose à personne d’accepter la renonciation de mon identité.

Que d’autres appellent de tous leurs vœux l’avènement d’une autorité souveraine devant laquelle on se courbe ! Je proclame mon avènement propre à la souveraineté de fait.

Je ne m’oppose point à ce que, par reconnaissance, par dévouement ou par charité, quelques hommes sacrifient une partie de leur temps, de leur travail, de leur intelligence, de leur vie, pour procurer un bien-être à des princes nécessiteux ou à des philosophes mal logés ; chacun peut faire, comme il l’entend, l’aumône de ce qu’il a à qui il veut ; et puisque, renonçant à être eux-mêmes et à agir de leur action propre, il est des gens qui se déterminent à vivre, penser et produire au profit des rêveurs, des soldats ou des princes, libres à eux ! Les princes sont pauvres et les rêveurs plus pauvres encore que les princes ; les rêveurs sont paresseux et les princes plus paresseux encore que les rêveurs ; les soldats sont vaniteux et les rêveurs et les princes plus vaniteux encore que les soldats. Mais que ceux-là qui se donnent aux rêveurs, aux soldats ou aux princes, s’arrogent le droit d’aliéner, avec les leurs, mon temps à moi, mon travail, mon intelligence, ma vie, ma liberté ; qu’il y ait obligation pour moi d’accepter et de payer le maître que se donne mon voisin ; que, par cela seul, qu’un rêveur, un soldat ou un prince auront été installés à l’Hôtel de Ville ; je sois tenu, moi, de devenir le serviteur dévoué de ce rêveur, de ce soldat ou de ce prince, c’est ce qui dépasse les limites de ma compréhension !

Si cela s’appelle un métier que de gouverner, je demande à voir les produits de ce métier, et si ces produits ne sont pas à ma convenance, je déclare que me forcer à les consommer est le plus étrange abus d’autorité qu’un homme puisse exercer sur un autre homme. Il est vrai que cet abus s’exerce par la force et que c’est moi qui entretiens, de mes deniers, cette force dont je me plains. Cela considéré, je me replie sur moi-même et je reconnais qu’en même temps que je suis une victime, je suis un sot aussi.

Mais ma sottise tient à mon isolement, et c’est pour cela que je dis à mes concitoyens : Redressons la tête ; n’ayons confiance qu’en nous-mêmes ; disons : que la liberté soit, et la liberté sera !