Au pays de l’esclavage/07

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Maisonneuve (p. 65-82).


CHEZ LES NDRYS


En quittant la vallée de la Kémo pour se diriger vers le lac Tchad, on a la notion de ce que sera le pays jusqu’au grand fleuve du bassin central, ondulé, coupé de rivières et de marais, semé de villages peu denses, aux maisons rondes clairsemées.

La marche de toute colonne d’exploration est fort lente et se fait à la file indienne. Le passage d’un ruisseau ou d’un petit marais est un problème parfois très cornpliqué à résoudre. L’orientation est dès lors difficile, les coteaux étant trop peu élevés pour permettre de prendre vue sur les montagnes laissées au sud. L’horizon est trop court, comme disent les marins, et jusqu’à l’entrée dans l’Adamaoua, il n’est guère possible de trouver un point culminant d’où la vue, embrassant le pays, puisse saisir l’ensemble de sa structure orographique.

À deux jours de marche de la Kémo, on rencontre le gros village de Yatagoua qui contient trente cases. Puis s’étendent un vaste plateau marécageux et des prairies aussi boisées que des forêts. Les arbres sont des ficus variés et rabougris ; des tamarins et des mimosas croissent puissants et nombreux. De jolies fleurs exhalent de douces senteurs de violette, tandis que d’autres dégagent de repoussantes odeurs de cantharides ; les plantes bulbeuses et grimpantes sont nombreuses et de très vives couleurs ; la vigne y croît vigoureusement. En ces régions, les saisons retardent de trois mois sur celles du littoral.

Azangouanda est à deux jours de Yatagoua : c’est un assez petit village situé sur une éminence basse, au bord de la Toumi. M. Maistre y signa avec le chef un traité de protectorat. Les femmes sont sales et laides, mais non curieuses. Si des blancs passent devant la case, elles n’interrompent pas leur travail pour les regarder passer. Les naturels, accroupis en groupes, se passionnent à un jeu de dés formés de pierres bicolores, ou simplement de fèves coupées par le milieu. Les joueurs mettent chacun leur pierre ou leur demi-fève dans un cône en vannerie qui est secoué et brusquement renversé sur le sol par l’un d’eux. À ce moment les enjeux sont faits et les paris pour les couleurs blanche ou noire, engagés et tenus.

C’est le Jacquet, si fort en honneur chez nos mastroquets.

On découvre alors les dés, et les gagnants ramassent leur bénéfice. C’est moins expéditif que les petits chevaux ou le trente-et-un, les perles glissent moins vite sur le sol humide que l’or sur le tapis vert ; mais, comme dans nos maisons de jeu, la passion altère les visages, les perdants font grise mine, et les grecs se gaudissent.

En été, l’atmosphère, en ces régions, contient en suspension une quantité considérable de vapeur d’eau. Engourdis par la fraîcheur du matin, d’autant plus sensibles aux changements de température, qu’ils sont nus, les gens se lèvent tard, ne sortent qu’après le lever du soleil et restent longtemps groupés silencieusement, en des attitudes frileuses, en fumant la pipe sous la tiédeur de ses rayons.

De mars à novembre, il n’est guère de jours et presque pas de nuits où il ne tombe des pluies torrentielles. Tous les ravins sont changés en rivières, tous les creux en lacs, toutes les plaines en marais. Entre deux averses, le soleil resplendit lumineux et brûlant ; l’évaporation intense qu’il détermine sur cette immense région couverte d’eau, forme des nuages épais qui bientôt se résoudront en pluies ou en rosées considérables. Au matin, les hautes herbes, dans lesquelles le voyageur disparaît, sont tellement humides qu’en peu d’instants les vêtements les plus imperméables sont traversés. Quand les naturels sont forcés de voyager dans la prairie, avant que le soleil n’ait bu la rosée, ils se protègent le corps contre cette douche matinale et froide par de grands tabliers de cuir ou de joncs nattés. Les chefs font leur tablier de peau de léopard, animal fort commun dans le pays. Les Ndrys sont fort avides d’étoffes qu’ils appellent Robba ou Loba.

Le pays s’élève graduellement et se creuse de vallées profondément encaissées dans lesquelles s’épanouit une flore remarquable. Des arbres aux troncs lisses, blancs, énormes, s’élèvent, comme des colonnes d’argent massif, jusqu’au-dessus de la futaie et déploient, dans toute la majesté de leur développement, leurs immenses panaches. Le sous-bois est couvert de lianes de toutes espèces, parmi lesquelles se font remarquer la vigne, le caoutchouc, la vanille.

Ces fonds boisés où la végétation se développe avec une intensité extrême, contrastent singulièrement avec les allures souffreteuses, rabougries, du boisement des plateaux et des coteaux. Là, en effet, les arbres dépassent à peine la taille des arbustes ; leurs troncs noueux, leurs branches courtes, tordues, leur feuillage rare, tout, jusqu’à leur écorce rugueuse et noircie, leur donne un aspect lamentable et triste.

Le sous-bois est formé par des herbes qui atteignent des dimensions extraordinaires : les plus courtes dépassent 1m50, et les folles avoines secouent leurs fins panaches à trois mètres de hauteur. Dans ce fouillis impénétrable, vit, grouille, se multiplie tout un monde d’insectes : fléau terrible pour les récoltes et souvent dangereux pour l’homme. Fourmis et reptiles y échappent aux poursuites des oiseaux, leurs ennemis.

Dans ces herbes si hautes, si pressées, les fauves ont de sûrs abris d’où ils s’élancent sur les animaux domestiques et sur l’homme. L’antilope, le buffle, tous les gibiers, y trouvent des retraites pour échapper aux traits du chasseur. Aussi la destruction de la jungle s’est-elle imposée, et l’habitude est-elle devenue générale d’y mettre le feu dès que les herbes commencent à sécher. Cet usage a causé le contraste signalé plus haut entre la végétation des ravins et des parties élevées du sol.

Partout où le feu étend annuellement son action dévorante, la lorêt vierge disparaît, les grands fromagers, atteints par les flammes, brûlent, lentement consumés par un feu intérieur qui dure plusieurs semaines, invisible et tenace. Puis, tout à coup, le splendide édifice de verdure s’abat comme un géant atteint au cœur, et bientôt il ne reste plus qu’un monceau de cendres, engrais fécond qui assurera pour plusieurs années un rendement supérieur aux plantations des naturels.

Avec les colosses des bois, disparaît la végétation parasite des lianes élégantes. Richesse ignorée du sauvage, la vigne seule oppose au fléau une résistance désespérée. Brûlée tous les ans, tous les ans elle jette des pousses nouvelles qui dépassent deux mètres de hauteur, et pour peu qu’un hasard heureux l’ait préservée une seule fois du fléau, elle étend joyeusement ses longs pampres verts. Toutes les plantes délicates de la prairie, toutes les fleurettes du sous-bois, tous les arbustes et tous les arbres que la nature n’a pas suffisamment armés, ont rapidement disparu. Aussi le sol ne donne-t-il plus vie qu’aux plantes bulbeuses, aux acacias de tout genre et aux variétés de fleurs que leur rusticité, l’épaisseur de leur écorce ou l’abondance de leur sève défendent contre les atteintes du feu.

Les ravins abrités nous conservent l’image de ce qu’était le pays avant que l’homme n’y vînt accomplir son œuvre de destruction. Sur la montagne aux profonds replis disparaissent ces témoins de la végétation primitive.

Il n’est pas rare, en approchant d’un village Ndry, d’entendre des bruits sourds et cadencés. L’intensité est telle que le voyageur peut se croire salué d’un tam-tam d’honneur : c’est simplement le bruit fait par les femmes qui pilent, à force, le grain nécessaire à la nourriture de la famille. Avec une cuillerée de perles de verroterie, on peut obtenir du manioc, de la farine, parfois des poules et même des chèvres.

Avant de joindre la Toumi, un grand plateau ferrugineux donne vue sur deux chaînes de collines parallèles dont l’une offre trois sommets remarquables : ce sont le Gagozo, le Gandou et le Diikora.

À l’endroit où elle reçoit la petite rivière Minguettou Kessara, la Toumi a une trentaine de mètres de largeur ; son lit est très sinueux et profond ; elle semble pouvoir porter bateau. Mais, comme il a déjà été dit plus haut, l’usage de la pirogue est inconnu et le passage s’effectue sur un pont de lianes.

Dans ces pays, les noms géographiques sont rares et incertains. Il est inutile de s’enquérir du nom d’un village, car rien n’est plus mobile que ces agglomérations. À pareille question, le naturel répond par le nom du chef, et celui-ci est bien vite oublié. Un rien motive un changement d’emplacement de village : une fantaisie, une mort, un voisinage désagréable, des terres fatiguées sont autant de raisons suffisantes pour transporter ailleurs les pénates de la famille ou de la tribu. La mort est le motif le plus ordinaire. Ces peuples qui ne voyagent pas, qui vont à peine d’un village à l’autre, n’ont pas besoin de repères et par suite de noms géographiques pour se reconnaître.

Le dernier village de la tribu des Ndrys est Amzaga. C’est un beau village, situé entre deux collines élevées et boisées, à une altitude de 540 mètres, soit environ à deux cents mètres au-dessus du poste de la Kémo. Il est sur la ligne même de partage des eaux des bassins du Tchad et du Chari.

Les Ndrys viennent du N. E. du continent ; originairement, ils étaient établis sur les rives d’un grand fleuve, le Bahr-el-Ghazal peut-être.

À quelle cause faut-il attribuer l’émigration des Ndrys ? Sans doute à l’envahissement de leur pays par une race conquérante, Égyptiens, Arabes ou Nubiens. Les Ndrys confirment cette loi de dédoublement qui a présidé à toutes les grandes migrations des peuples : Asiatiques, Européens ou Africains. Pendant qu’une partie de la tribu restait attachée à ses pénates, et acceptait le joug du conquérant, l’autre fuyait l’asservissement et cherchait, sous d’autres cieux, un pays où elle pût vivre libre. Elle s’établit entre les monts d’Aremberg et l’Oubangui dans une région qui ne lui rappelait qu’imparfaitement la patrie absente.

Un groupe d’émigrants, pris du besoin de vivre dans des conditions identiques à celles que leur offrait leur pays d’origine, poussa plus loin à la recherche d’une contrée coupée de larges rivières et vint s’établir sur la Sangha, près du pays de Gaza où Ponel a trouvé une tribu Ndere identique par le nom, la langue et les caractères ethniques aux Ndrys qu’il avait visités à Biri Ngoma sur l’Oubangui.

Ainsi une tribu en migration a parcouru plus de 2000 kilomètres dans moins de 30 ans, et s’est établie si puissamment dans le pays que la race autochtone en a presque complètement disparu.

On peut cependant remarquer encore chez les Ndrys des gens au nez busqué qui, bien que suivant les coutumes de la tribu et parlant sa langue, semblent n’avoir pas la même origine. Leur peau en général plus rouge, leur taille plus petite et plus râblée, leurs traits moins réguliers et d’un type bien différent, paraissent devoir les faire classer à part.

La théorie de Darwin au sujet de la couleur protectrice, tant de fois vérifiée en Afrique, est encore vraie ici. Le sol imprégné de sels ferrugineux est rouge brun et la peau des Ndrys est du même ton.

Bien qu’ils aient avec les Ndrys une étroite parenté, ils sont plus grands, plus forts, beaucoup moins défigurés et moins soignés dans leur toilette. Chez eux le vêtement sous forme de chemise, large pagne, calotte ou turban, est plus commun que chez leurs voisins, mais l’usage du baguéré et du tongo y est rare ; celui du bracelet, des colliers de perles, amulettes faites d’ongles de félins ou de petites cornes de gazelles, moins répandu. Leur chevelure est moins soignée ; souvent même, ils sont complètements rasés, sauf une touffe sur le sommet du crâne.

Quoiqu’on puisse voir chez eux des lits très artistement construits, des pipes en terre d’élégant modèle, des nattes tissées en couleur, et des mortiers à mil enguirlandés de bas-reliefs ; quoiqu’on puisse trouver des enfants filant le coton à la quenouille et des hommes couverts de vêtements tissés en grande largeur dans le pays même, les Ndrys semblent moins industrieux que les Togbos.

Les forges y sont rares ; leurs armes paraissent avoir été achetées aux tribus voisines, car elles sont toujours vieilles. Dans les carquois, les fines flèches barbelées des Togbos portent toutes les traces d’un long usage. Évidemment elles sont venues là par voie d’échange après avoir cessé de plaire ailleurs ; il en est de même des boucliers. Et c’est un fait curieux que cette absence de l’industrie du fer chez cette tribu qui vit dans un pays où les métaux abondent. La ligne de faîte des monts d’Aremberg est toute traversée de filons métalliques : étain, argent, cuivre, peut-être aussi platine et fer, sont répandus partout en couches compactes.

Sans doute, dans leur lointain pays d’origine, la plaine du grand fleuve sur les rives duquel ils habitaient, ne laissait-elle pas apercevoir hors de l’épaisse couche d’alluvion le fer qui recouvre toute l’Afrique d’un océan à l’autre. Et depuis leur changement d’existence, vivant entre les Mangias et les Togbos habiles forgerons, et par conséquent suffisamment approvisionnés d’armes, ils n’ont pas été contraints d’apprendre le travail du fer.

Cependant l’on a trouvé chez eux un bibelot qui eût fait la fortune des camelots et la joie des boulevards.

Ce n’est ni la « question romaine » ni même la « séparation de l’Église et de l’État » ; c’est la question de l’esclavage, des menottes en fer réunies et fermées par quatre mailles longues portant deux anneaux ronds. Il y a un secret pour ouvrir et fermer cet instrument dont l’intelligente disposition est surprenante.

La maison des Ndrys est souvent plus grande mais généralement moins soignée que celle des Togbos.

Elle est creusée à 0m30 de profondeur au-dessous du sol ; le diamètre intérieur d’une belle maison est de 8m30 en moyenne. Un mur en terre argileuse haut de 40 à 50 centimètres règne tout autour et soutient la toiture.

La porte est unique et fort basse ; elle n’a guère que 0m50 de large et souvent moins de hauteur. On ne pénètre dans la maison qu’en rampant. À l’intérieur, il n’y a pas de poteau central soutenant la toiture, mais une petite case carrée qui contient généralement deux lits et sert de gynécée.

Près de l’entrée, à gauche, est le foyer fait de trois blocs de terre glaise, le plus souvent débris de termitières. L’air et le jour n’entrent que par la baie de la porte, et cet intérieur, noirci de fumée, est très sombre.

Les meubles sont rares et simples.

Le lit, quelquefois fort artistement façonné comme chez les Azangouandas, quelques sacs de peau contenant du grain, des calebasses et généralement des vases en terre de grande dimension dans lesquels fermente le pipi ou bière de mil, constituent tout l’ameublement. On trouve aussi des vases en bois ayant la forme et la contenance de nos verres à pied dans lesquels les hommes écrasent le tabac. Ajoutez à cela des pilons, des mortiers de forme élégante pour écraser le grain, et l’énumération des ustensiles et des meubles sera complète.

La vie de l’homme est plus extérieure que celle de la femme que retiennent auprès de la maison les soins du ménage. On la voit tout le jour assise sur un tabouret très bas occupée de ses enfants et de ses travaux. C’est elle qui pile le grain dans les mortiers de bois ou le broie sur des blocs de basalte.

Dans le premier cas, le mouvement du pilon fait valoir les formes de la femme ; mais, dans le second, elle offre un spectacle repoussant. Agenouillée sur le sol, couverte de poussière et de sueur, d’un mouvement continu de tout le corps, elle écrase le grain entre le bloc et un caillou qu’elle tient à deux mains. Et pendant que sa croupe se dresse et se baisse, sale, énorme, fouettée par le paquet d’herbes flétries qui lui servent de vêtements, les seins pendants battent lamentablement la poitrine haletante.

Elles sont laides et mal tenues, ces femmes Ndryes et ne rappellent que de fort loin les fluettes et gracieuses Togbos, leurs voisines.

Les maisons ne sont jamais groupées par plus de trente ou quarante. Outre le logement de la famille, les constructions comportent des greniers à mil en vannerie reposant sur tréteaux, et couverts d’une toiture conique, des poulaillers et des cages à chèvres formées d’un entassement d’énormes branches pour mettre les animaux à l’abri des fauves.

Au centre du village, il y a généralement un très grand grenier autour duquel règne une galerie qui sert de lieu de réunion. Sur une aire vaste et propre, autour de laquelle sont disposées plusieurs maisons, entre autres celles du chef, une enceinte circulaire ou semi-circulaire est formée par des pieux élevés, écartés de un à trois pieds les uns des autres.

Faut-il attribuer à une qualité naturelle ou à une coutume religieuse l’extrême propreté des villages ? Toujours est-il qu’ils sont excessivement bien tenus et nulle part on ne voit traîner des ordures sur les aires balayées chaque jour dès l’aube.

Les Ndrys paraissent doux et gais, peu artistes et peu musiciens. Ils ne dansent pas durant la pleine lune et l’on ne voit nulle part les tam-tams et les instruments à cordes qui abondent chez leurs voisins. Bien que l’art du tissage ne leur soit point tout à fait inconnu, leur vêtement est généralement fait en feutre obtenu par le battage d’une écorce.

Mais s’ils n’ont pas de goût pour les arts, ils paraissent, en revanche, en avoir un bien marqué pour la viande. Il n’est bassesses qu’ils ne fassent, il n’est peine qu’ils ne se donnent pour s’en procurer. Ils chassent à l’arc, au filet, au piège. Ils font des pièges très compliqués qui exigent un travail de terrassement de plus de cinquante mètres cubes, exécutés dans des conditions très difficiles pour arriver à prendre une bête guère plus grande qu’un mouton.

Si l’on est intrigué de ne rencontrer ni près des routes ni aux environs des villages aucune trace de sépultures, cet étonnement disparaît lorsqu’on apprend que cette tribu n’enterre pas ses morts… elle les mange ! Ils est à remarquer que les vieillards sont rares chez eux. Il est donc possible que, comme chez certains peuples visités dans le Haut-Nil par Schweinfurth, on aide à mourir ceux qui s’attardent à vivre. Les Ndrys sont anthropophages, mais ne conservent pas la graisse humaine. Malgré le sort fait à leurs dépouilles, ils ne sont point tout à fait oublieux des morts et portent leur deuil en se poudrant à blanc les cheveux et le visage.

Ces barbares coutumes n’empêchent pas ces gens d’avoir une certaine politesse. Ils se serrent les mains à l’européenne, ou bien l’arrivant tend les deux mains et serre entre elles celles de son ami. Ils ont pour le blanc une déférence craintive et marquent leur étonnement en ouvrant largement la bouche et la couvrant de leur main droite sans pousser d’exclamations.

Ils se taillent les dents de devant en pointe et pratiquent la circoncision des garçons vers dix ans : les filles sont généralement excisées.

Les Ndrys n’ont pas ou presque pas de religion. On voit cependant suspendus à la porte de quelques cases des ossements, des plumes, des cornes, de menus objets enveloppés dans des herbes : ce sont, paraît-il, des Borrou, qu’ils prononcent avec cet r frisé qui leur est propre et qui rend si bizarres leurs conversations.

Borrrou est aussi, d’après Schweinfurth, le mot dont se servent les Niams-Niams pour dire Augure, Talisman, etc. Ce rapprochement confirme qu’il existe un lien de parenté entre ces peuples et ceux observés par le voyageur allemand. On peut certainement former un seul groupe ethnique des gens chez lesquels Niam veut dire manger et Niama, viande. Et loin de restreindre ce groupe aux étroites limites reconnues par le grand voyageur, il faut y comprendre nombre de tribus établies depuis la Sangha jusque vers Zanzibar, puisque les missionnaires d’Alger signalent cette expression dans l’Ounyanyembé.