Autres balades (Christine de Pisan)/VII

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Autres balades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 214-215).


VII


Se de Pallas me peüsse accointier
Joye et tout bien ne me fauldroit jamais ;
Car par elle je seroie ou sentier
De reconfort, et de porter le fais
Que Fortune a pour moy trop chargier fais ;
Mais foible suis pour soustenir
Si grant faissel, s’elle ne vient tenir
De l’autre part, par son poissant effort
Pour moy aidier, Dieu m’i doint avenir,

Car de Juno n’ay je nul reconfort.

Pallas, Juno, Venus vouldrent plaidier
Devant Paris jadis de leurs tors fais,
Dont chascune disoit qu’a son cuidier
Plus belle estoit, et plus estoit parfais[1]
Ses grans pouoirs que de l’autre en tous fais ;
Sus Paris s’en vouldrent tenir,
Qui lors jugia que l’en devoit tenir
A plus belle Venus et a plus fort,
Si dist : « Dame, vous vueil je détenir,
Car de Juno n’ay je nul reconfort. »

Pour la pomme d’or lui vint puis aidier
Vers Heleine Venus, mors et deffais
En fu après ; si n’ay d’elle mestier,[2]
Mais de joye seroit mon cuer reffais,
Se la vaillant Pallas, par qui meffais
Sont delaissié et retenir
Fait tous les biens, me daignoit retenir
Pour sa serve : plus ne devroie au fort
Ja désirer pour a grant bien venir,[3]
Car de Juno n’ay je nul reconfort.

Ces trois poissans déesses maintenir
Font le monde, non obstant leur descort ;
Mais de Pallas me doint Dieux sovenir,
Car de Juno n’ay je nul reconfort.

  1. VII. — 14 B1 el c. p.
  2. — 23 B En fu depuis
  3. — 33 B M. D. me d. de P. s.