Autres balades (Christine de Pisan)/XLVI
XLVI
Se je puis estre certaine
De ce dont je suis en doubte,
C’est que je n’aye pas plaine-
Ment t’amour et que ja route
Soit ta foy ; amis, escoute :
Saiches que, par saint Nycaise,
Je m’en mettre a mon aise.
Ta maniere m’acertaine
Et monstre, se je voy goûte,
Que d’amours foibleste et vaine
Tu m’aimes, dont je suis toute
Esbahie ; mais s’acoute :
S’ainsi est, ne t’en desplaise,
Je m’en mettre a mon aise.
Car tousjours vivroye en paine
D’ainsi m’estre a toy trestoute[1]
Donnée, et qu’a mon demaine
Ne t’eusse aussi, si redoubte[2]
Le fillé ou je me boute,
Pour ce, tout soit ce a mesaise,
Je m’en mettre a mon aise.
J’ay ja plouré mainte goute[3]
Pour toy pluseurs jours de route ;
Mais, se ton cuer ne m’apaise,
Je m’en mettre a mon aise.