Aux mânes du général Valhubert

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Aux mânes du général Valhubert
poème, p.1 dans « Gloires militaires de la Révolution Française »


Aux mânes du général Valhubert


Gloire militaire
de la

Révolution Française.

Dites-leur que la représentation nationale a déclaré qu’ils ont bien mérité de la Patrie.

(La Convention.)

Aux mânes du général Valhubert.

Déchirant en lambeaux les langes de l’enfance,
             Dont il était emmailloté,
Après un long travail, le géant de la France
             Naît enfin à la Liberté.
Oh ! C’est un fort enfant ! — Ses yeux s’ouvrent à peine
             Aux rayons d’un soleil nouveau,
Qu’il étouffe en ses bras les serpents dont la haine
             Avait entouré son berceau.
Il bégaye, — et sentant leur trône qui vacille,
             Les rois pâlissent sous leur dais ;
Il marche, — et d’un seul pas il broie une bastille,
             D’un pas… il écrase un palais !
Et lorsqu’à vos yeux, Rois, d’un souffle, sa colère
             Fait voler un trône en éclats,
Vous croyez, arrachant cet Anthée à la terre,  
             Pouvoir le briser dans vos bras !… —

Eh bien !… que leur orgueil lui forge des entraves ! 
             Qu’ils rêvent à river ses fers !
Tant mieux ! — ses cris de gloire, éveillant leurs esclaves, 
             Régénéreront l’univers ;
Tant mieux ! — le sang du peuple a sur leur diadème,
             Pour le sacrer, coulé long-temps ;
A leur tour ! s’il en faut pour bénir son baptême,
             Que ce soit celui des tyrans.
Que son chêne, germant sur un champ de victoire, 
             Croisse et de sa fécondité
Couvre le monde ! — Et puis les palmes de la gloire
             Vont bien à ton front, Liberté !

II.

Ce furent de beaux jours ! beaux jours où, notre terre,              Sol épuisé par les abus, Comme aux brises du ciel, au souffle populaire,              Verdit de gloire et de vertus ; Où tout ce que le cœur a de plus chastes flammes,              Honneur, Liberté, purs rayons, Sous leurs ailes de feu, dans le creuset des âmes,              Épurèrent les passions ; Où, quand pour attaquer l’aigle jusqu’en son aire,              Les vautours fondaient de leurs monts, Ouvrant leurs jeunes becs, pour défendre leur mère,              S’élancèrent tous les aiglons. — Car ce peuple voulut, sur un champ de bataille,              Vainqueur, se dresser libre et fort ; Ou trahi par le Ciel, sur un lit de mitraille,              S’endormir libre dans la mort.

III.

Combien d’hommes de cœur, de ces âmes puissantes              Où couve tout un avenir, Au sein d’un peuple libre, étincelles dormantes,              N’attendaient qu’un choc pour jaillir. Hoche, Joubert, Desaix, Valhubert, la Patrie,              Brûlant vos cœurs, armant vos bras, De son regard de feu mûrit votre génie              Sous la mitraille des combats. Gloire à vous ! Car alors qu’une ligue ennemie              Déployait son pâle étendard, Lorsque son char allait passer sur la Patrie,              Vous vous jetâtes sous son char ! Gloire à vous ! car au jour où la France éperdue              Surgit terrible, — jours derniers Où de la Liberté l’on voile la statue, —              Vous la couvrîtes de lauriers !

Qu’au sein de nos remparts se dressent vos images ;              Terrestres immortalités, Qu’elles soient dans nos jours de crises et d’orages,              Les <i>Palladium</i> de nos Cités. Devant ces marbres saints toute haine s’apaise ;              Les partis joignent leurs drapeaux ; A l’heure des dangers, comme dans la fournaise              Bouillent, se fondent les métaux ; Les Français confondant leurs âmes frémissantes,              Dans le Culte qui les unit, Verraient les passions se briser impuissantes              Contre vos socles de granit ; Car lequel oserait forfaire à la Patrie ;              Oserait lever sans rougir Son front flétri, — son front chargé d’ignominie, —              Devant votre front de martyr !

IV.

Cet amour du pays, feu sacré, dont vos âmes              Recélaient les vives ardeurs, Comme sur un autel, — lampe aux célestes flammes,              Brûle encore au fond de nos cœurs. Si jamais, profanant notre saint territoire,              L’étranger veut, dans son orgueil, Ajoutant un feuillet de honte à notre histoire,              Voiler notre front d’un linceul ; S’il faut que de nouveau le glaive de la guerre              Déchire un drapeau détesté ; S’il nous faut, de nos os, dresser sur la frontière              Un autel à la Liberté ! Toi, qui, de ces Tyrans, vingt fois rompis les chaînes,              Valhubert, alors tu verras Que c’est bien ton beau sang qui brille dans nos veines ;              Ce sang — n’y dégénère pas !

Fulgence Girard.
Bacilly. — Septembre 1832 —