Ballade « Plaisant assez, et des biens de fortune »

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Œuvres complètes de François Villon, Texte établi par éd. préparée par La Monnoye, mise à jour, avec notes et glossaire par M. Pierre JannetA. Lemerre éd. (p. 145-146).

XIX. BALLADE.

Plaisant assez, et des biens de fortune
Ung peu garny, me trouvay amoureux,
Voire si bien, que, tant aymay fort une,
Que nuit et jour j’en estois langoureux.
Mais tant y a, que je fus si heureux
Que, moyennant vingt escus à la rose,
Je fis cela que chacun bien suppose.
Alors je dis, connoissant ce passage :
« Au fait d’amours, babil est peu de chose ;
Riche amoureux a tousjours l’advantage. »

Or est ainsy que, durant ma pecune,
Je fus traite comme amy precieux ;
Mais, tost après, sans dire chose aucune,

Cette vilaine alla jetter les yeulx
Sur un vieillard riche, mais chassieux,
Laid et hideux trop plus qu’on ne propose.
Ce neantmoins, il en jouit sa pose,
Dont moy, confus, voyant un tel ouvrage,
Dessus ce texte allay bouter en glose :
Riche amoureux a tousjours l’advantage.

Or elle a tort, car noyse ny rancune
N’eut onc de moy. Tant lui fus gracieux,
Que, s’elle eust dit : « Donne-moy de la lune »,
J’eusse entrepris de monter jusqu’aux cieulx ;
Et, nonobstant, son corps tant vicieux
Au service de ce vieillard expose.
Dont, ce voyant, un rondeau je compose,
Que luy transmets ; mais, en pou de langage,
Me respond franc : « Povreté te depose :
Riche amoureux a tousjours l’advantage ! »

ENVOI.

Prince tout bel, trop mieux parlant qu’Orose,
Si vous n’avez toujours bourse desclose,
Vous abusez : car Meung, docteur très sage,
Nous a descrit que, pour cueillir la rose,
Riche amoureux a tousjours l’advantage.

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