Ballades (Charles d’Orléans)/Ballade XVIII

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Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 134-135).

BALLADE XVIII.

     En la chambre de ma pensée,
Quant j’ay visité mes tresors,
Maintesfoiz la treuve estorfée
Richement de plaisans confors.
À mon cueur je conseille lors
Qu’y prenons nostre demourée,

Et que par nous soit bien gardée
Contre tous ennuyeux rappors.
     Car Desplaisance maleurée
Essaye souvent ses effors,
Pour la conquester par emblée
Et nous bouter tous deux dehors ;
Se Dieu plaist, assez sommes fors
Pour bien tost rompre son armée,
Se d’Espoir banyere est portée
Contre tous ennuveux rappors.
     L’inventoire j’ay regardée
De noz meubles, en biens et corps ;
De legier ne sera gastée,
Et si ne ferons à nulz tors.
Mieux aymerions estre mors,
Mon cueur et moy, que couroucée
Fust Raison sage et redoubtée,
Contre tous ennuyeux rappors.


ENVOI

     Demeurons tous en bons accors,
Pour parvenir à joyeux pors :
Ou monde qui a peu durée,
Soustenons Paix la bien amée
Contre tous ennuyeux rappors.