Barzaz Breiz/1846/Les Fleurs de Mai/Bilingue
Les Fleurs de Mai
XXV
LES FLEURS DE MAI.
( Dialecte de Cornouaille. )
I.
Qui aurait vu Jeff sur la grève, les yeux brillants el les joues roses ; Qui aurait vu Jeff au pardon aurait en le cœur réjoui. Mais qui l’aurait vue sur son lit eût pleuré de pitié pour elle ; Pour la pauvre fille malade, aussi pâle qu’un lis d’été. Elle disait à ses compagnes assises sur le banc de son lit : — Mes compagnes, si vous m’aimez, au nom de Dieu, ne pleurez pas. Vous savez bien, il faut mourir : Dieu lui-même est mort, mort en croix. —
II.
Comme j’allais puiser de l’eau à la fontaine, le rossignol de nuit chantait d’une voix douce : |
— « Voilà le mois de mai qui passe, et les fleurs des haies avec lui; Heureuses les jeunes personnes qui meurent au printemps ! Comme la rose quitte la branche du rosier, la jeunesse quitte la vie ; Celles qui mourront avant huit jours, on les couvrira de fleurs nouvelles, Et du milieu de ces fleurs, elles s’élèveront vers le ciel, comme le passe-voie du calice des roses. —
III.
Jeffik, Jeffik, vous ne savez pas ce que le rossignol a dit : « Voilà le mois de mai qui passe, et les fleurs des haies avec lui. » Quand la pauvre fille entendit, elle mit ses deux mains en croix ; — Je vais dire un Ave Maria en votre honneur, dame Marie ; Pour qu’il plaise à Dieu, votre fils, d’avoir pitié de moi ; Pour que j’aille, sans tarder, attendre mes compagnes dans le paradis. — Sa prière était à peine finie, qu’elle pencha la tête ; |
Elle pencha la tête et puis ferma les yeux. En ce moment, on entendit le rossignol qui chantait encore au courtil : « Heureuses les jeunes personnes qui meurent au printemps ! « Heureuses les jeunes personnes que l’on couvre de fleurs nouvelles ! » ________
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