Barzaz Breiz/1846/La Peste d’Elliant/Bilingue
La Peste d’Elliant
IX
LA PESTE D’ELLIANT.
( Dialecte de Cornouaille. )
Entre Langolen et le Faouet, il y a un saint Barde, appelé Père Rasian ; Il a dit aux hommes du Faouet : Faites célébrer chaque mois une messe, une messe dans votre église. La peste est partie d’Elliant, mais non pas sans fournée : elle emporte sept mille cent ! En vérité, la Mort est descendue dans le pays d’Elliant, tout le monde a péri, hormis deux personnes : Une pauvre vieille femme de soixante ans et son fils unique. « La peste est au bout de ma maison ; quand Dieu voudra elle entrera ; lorsqu’elle entrera, nous sortirons, » disait-elle. Sur la place publique d’Elliant. on trouverait de l’herbe à faucher, Excepté dans l’étroite ornière de la charrette qui conduit les morts en terre. Dur eût été le cœur qui n’eût pas pleuré, au pays d’Elliant, quel qu’il fût : En voyant dix-huit charrettes pleines à la porte du cimetière, et dix-huit autres y venir. |
Il y avait neuf enfants dans une même maison, un même tombereau les porta en terre, Et leur pauvre mère les traînait. Le père suivait en sifflant... Il avait perdu la raison.
Elle hurlait, elle appelait Dieu, elle était bouleversée corps et âme : — Enterrez mes neuf fils, et je vous promets un cordon de cire qui fera trois fois le tour de vos murs[1] : Qui fera trois fois le tour de votre église, et trois fois le tour de votre asile. J’avais neuf fils que j’avais mis au monde, et voilà que la Mort est venue me les prendre ; Me les prendre sur le seuil de ma porte ; plus personne pour me donner une petite goutte d’eau ! — Le cimetière est plein jusqu’aux murs ; l’église pleine jusqu’aux degrés ; Il faut bénir les champs pour enterrer les cadavres.
Je vois un chêne dans le cimetière, avec un drap blanc à sa cime : la peste a emporté tout le monde.
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- ↑ Cette sorte de vœu remonte à une haute antiquité. Un concile tenu à Nantes, en 658, l’autorise expressément. (Ap. D. Morice, Hist. de Bret., preuves, t. I, col. 229.)