Barzaz Breiz/1846/Le Rossignol/Bilingue
Le Rossignol
XX
LE ROSSIGNOL.
( Dialecte du Léon. )
La jeune épouse de Saint-Malo pleurait, hier à sa fenêtre élevée : — Hélas ! hélas ! je suis perdue ! mon pauvre rossignol est tué ! — Dites-moi, ma nouvelle épouse, pourquoi donc vous levez-vous si souvent, Si souvent d’auprès de moi, au milieu de la nuit, de votre lit, Nu-tête et nu-pieds ? Pourquoi vous levez-vous ainsi ? — Si je me lève ainsi, cher époux, au milieu de la nuit, de mon lit, C’est que j’aime à voir, tenez, les grands vaisseaux aller et venir. — Ce n’est sûrement pas pour un vaisseau que vous allez si souvent à la fenêtre ; Ce n’est point pour des vaisseaux, ni pour deux, ni pour trois, Ce n’est point pour les regarder, non plus que la lune et les étoiles. Madame, dites-le-moi, pourquoi chaque nuit vous levez-vous ? |
— Je me lève pour aller regarder mon petit enfant dans son berceau. — Ce n’est pas davantage pour regarder, pour regarder dormir un enfant ; Ce ne sont point des contes qu’il me faut : pourquoi vous levez-vous ainsi ? — Mon vieux petit homme, ne vous fâchez pas, je vais vous dire la vérité : C’est On rossignol que j’entends chanter toutes les nuits dans le jardin, sur un rosier ; C’est un rossignol que j’entends toutes les nuits ; il chante si gaiement, il chante si doucement ; Il chante si doucement, si merveilleusement, si harmonieusement. toutes les nuits, toutes les nuits, lorsque la mer s’apaise ! — Quand le vieux seigneur l’entendit, il réfléchit au fond de son cœur ; Quand le vieux seigneur l’entendit, il se parla ainsi à lui-même : — Que ce soit vrai, ou que ce soit faux, le rossignol sera pris ! — Le lendemain matin, en se levant, il alla trouver le jardinier. — Bon jardinier, écoutez-moi ; il y a une chose qui me donne du souci : Il y a dans le clos un rossignol qui ne fait que chanter, la nuit ; Qui ne fait, toute la nuit, que chanter, si bien qu’il me réveille. |
Si tu l’as pris ce soir, je te donnerai un sou d’or. — Le jardinier, l’ayant écouté, tendit un lacet dans le jardin ; Et il prit un rossignol, et il le porta à son seigneur ; Et le seigneur, quand il le tint, se mit à rire de tout son cœur. Et il l’étouffa, et le jeta dans le blanc giron de la pauvre dame. — Tenez, tenez, ma jeune épouse, voici votre joli rossignol ; C’est pour vous que je l’ai attrapé ; je suppose, ma belle, qu’il vous fera plaisir. — En apprenant la nouvelle, le jeune servant d’amour de la dame disait bien tristement : — Nous voilà pris, ma douce et moi ; nous ne pourrons plus nous voir, Au clair de la lune, à la fenêtre, selon notre habitude. —
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