Beautés de la poésie anglaise/Le Lit de Mort d’un Enfant

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Anonyme
Traduction par François Chatelain.
Beautés de la poésie anglaiseRolandivolume 1 (p. 14-15).


Le Lit de Mort d’un Enfant.

SONNET

Les fleurs meurent, maman, là haut sur la colline ;
Quelque chose, ne sais, rend mon âme chagrine ;
Elles moururent bien l’an dernier, mais aux bois
Je ceuillis la châtaigne—au verger pomme et noix.

Mais maintenant je suis trop faible, bonne mère,
Je m’en vais où la fleur n’a plus rien d’éphémère :
De mon lit cependant folâtrant j’aperçois
La feuille que le vent vient d’enlever aux bois.

Le cricri du foyer toute la nuit dernière

M’ empêcha de fermer un instant la paupière ;
Bercé par le tic tac du triste balancier
Je rêvai que la mort montait notre escalier.

Je vois venir l’hiver avec son froid cortège,
Moi je serai là haut à l’abri de la neige ;
Mais vous serez bien seule alors, chère maman,
Ah ! pourquoi pleurez-vous ?… Vous le savez un an

N’est pas encor passé, que mourut le grand père,
Et j’ai pleuré sur lui quand je vis qu’en sa bière
On lui creusait en terre un lit aussi profond,

Et qu’il ne pourrait voir sous un si lourd plafond ;

Et vous, vous m’avez dit : « Au delà des nuages
Il existe un Royaume habité par les Sages,
Dans un jour éternel gouverné par un Roi
Bien bon, où nous irons peut-être vous et moi. »

Et dites-moi, maman, pensez-vous que grand père
Soit dans son grand fauteuil avec ses yeux de verre,
Sa bible et son sourire, et qu’il me dise à moi,
Petit, viens m’embrasser ! comme avant son convoi ?

J’allais aussi le voir mon petit camarade
Alfred, il était mort, et même un peu maussade,
Vrai ! car il me bouda, moi l’ami de son choix !
Mais il sera content de me revoir, je crois…

Le vieux César aussi, mais vous m’avez dit, mère,
Qu’un chien ne peut aller où je vais… c’est misère !
Ce serait si gentil de le voir caressant
Vers moi, comme autrefois venir en bondissant.

Mais maman votre cœur, je le sens qui se brise,
C’est vrai que c’est bien triste et le vent et la bise ;
Les feuilles et les fleurs auront vécu demain :
Mais nous en reverrons là haut, j’en suis certain.