Beautés de la poésie anglaise/Le Monde

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Traduction par François Chatelain.
Beautés de la poésie anglaiseRolandivolume 1 (p. 42-43).

Né le 22 Janvier 1561 — Mort le 9 Avril 1626.
Le Monde.


         Le monde est une bulle d’air,
         Et l’homme est bien moins qu’un éclair ; –
Conçu dans le péché dès le sein de sa mère
     Jusqu’à la tombe il traîne sa misère ;


Maudit dès son berceau l’homme un jour parvient-il
                       Jusqu’à l’âge viril,
Les soucis, les chagrins, le suivent par derrière, –
Qui s’attache à la vie – écrit sur la poussière !

         Cependant tant que nous vivons
         Où peut-on mieux vivre ?… voyons :
À la cour ? Mais la cour, c’est une école faite
     Pour élever niais à la brochette.
À la campagne ?… oh ! non – La campagne, entre nous,
                       Est un pays de loups :
À la ville ?… encor moins, c’est un égoût de vices
Qui roule dans ses flots toutes les immondices.

         L’homme en ménage a maintefois
         Maux de tête fort discourtois :
Qui vit seul en garçon a peine à se suffire,
     Et c’est vraiment tomber de mal en pire :
L’un voudrait des enfants, l’autre en ayant trop jà
                       Les voudrait… à Riga !
Avoir ou n’avoir pas de femme au bout du compte
C’est servage pour un – ou pour deux c’est mécompte.

         Esclaves de tous nos désirs
         Nos goûts deviennent nos martyrs :
Aller courir les mers pourquoi ?… pour une figue !
     Foin du plaisir, c’est péril, et fatigue :
Quand cessent à la fin guerres qui font vain bruit,
                       Toujours il nous en cuit ;
Il ne nous reste donc qu’à pleurer la misère
D’être né, pour sitôt retourner à la terre !