Beautés de la poésie anglaise/Les Trois Saisons de l’amour

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Les Trois Saisons de l’Amour.


Avec tendre sourire en ton œil pétillant
Qui trahissait l’entrain joyeux de la jeunesse ;
Avec ce mouvement si vif, si sémillant
De l’hirondelle en sa vitesse ;
Avec de gais accents, comme le mois de mai
En trouve pour chanter son tant doux virelai,
De joie auréolée, et toute scintillante
Comme cette planète à la robe brillante
Qui sourit à la terre, et du plus haut des cieux,
Tel était autrefois ton portrait gracieux,
Alors que, dans la fleur de ton adolescence
Gentiment tu m’appris, moi te faisant la cour,
À rêver le ciel pur dans le ciel de l’amour,
Toi qui réunissais la raison à l’enfance.


Le cours des ans, Marie, a donné sans égard
Une grâce pensive à ta douce figure,
Et quoiqu’heureuse encore, un chagrin de hasard
Y laisse trace de blessure !
L’imagination n’est plus un conte bleu,
Tu trouves le bonheur à notre coin du feu !
Tes sourires moins vifs, mais remplis de tendresse
De notre cher enfant caressent la jeunesse ;
Tes mouvements sont lents, et ton pas est muet,
De peur de le troubler son sommeil joliet,
Et quand ta douce voix et d’épouse et de mère
Me dit si gentiment que ton cœur est à moi,
Son timbre si touchant, fait naître mon émoi,
Après un si long-temps, comme la fois première !

Moi, je puis, rassuré par deux saisons d’amour,
Du Temps qui vient, narguer la blanche chevelure ;
Car tu récolteras dans ta vieillesse un jour
Le doux calme de la nature,
Calme que la sagesse égrène du chagrin ;
Et cet orgueil sacré que toujours à la fin
D’avoir fait ce qu’on doit donne la conscience.
La paix derrière toi, devant toi l’Espérance,
Tu rendras ta belle âme à Dieu ton créateur
Non souillée au contact de ce monde trompeur ;
Alors l’hymne sacré sur la harpe légère
Retentissant chanté par les célestes chœurs,
T’endormira parmi tes séraphiques sœurs,
Pour t’éveiller au ciel — ta demeure naguère ! !