Bernard Palissy, étude sur sa vie et ses travaux/Chapitre III

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CHAPITRE III

Séjour de Palissy à Saintes. — Sa maison. — Son atelier. — Logé dans une tour de la ville. — Palissy peintre verrier. — Géomètre. — Arpenteur. — Expert-juré. — La gabelle. — Vexations. — Exactions. — Les greniers à sel. — Soulèvements. — Le roi fait lever le plan des marais salants. — Palissy est chargé de ce travail.

Bernard Palissy séjourna de longues années à Saintes. Il a donc paru intéressant de chercher où il avait habité. La tradition place sa maison au faubourg actuel des Roches. Une assez pauvre rue, depuis une vingtaine d’années seulement, y porte son nom, et le quai, qui, de, la place Blair ainsi nommée de l’intendant Louis-Guillaume de Blair (1745-1755}, qui la créa, conduit au Quai des Roches, est connu de temps immémorial comme le Quai de Palissy. C’est la tradition qui lui a imposé cette dénomination. La tradition a son importance, et les faits la corroborent.

« Pour me recreer, dit Palissy, je me pourmenois le long des aubarees, et, en me pourmenant sous la couverture d’icelles, j’entendois un peu murmurer les eaux du ruisseau qui passoit au pied desdites aubarees, et d’autre part j’entendois la voix des oiselets qui estoyent sur les dits aubiers. »

Cette topographie est exactement celle d’aujourd’hui. Le plan de Saintes, en 1560, montre ce qu’a décrit maître Bernard. On y voit le ruisseau qui sort encore de la Grand-Font et se jette près de sa source dans la Charente ; les aubarées y figurent, remplacées maintenant par une rue, qui, en avril 1864, sur mes instances, a repris son nom d’aubarée, métamorphosée depuis bien longtemps en Eau-barrée.

Le texte de la Recepte véritable est clair. La maison du potier était aux Roches. Voilà pourquoi cet endroit était le but ordinaire et préféré de ses promenades. Quand, après une longue journée de fatigues, on veut respirer un peu l’air frais des champs, on ne cherche pas loin. La rue qui mène le plus vite au dehors de la ville est celle qu’on prend. Si l’émailleur allait aux Roches, c’est qu’il n’en était pas loin.

Autres considérations. Palissy avait un jardin et même assez vaste « Ie n’ay, dit-il, en ce monde (p. 83), trouvé une plus grande delectation que d’avoir un beau jardin. » Puis, pour ses fours, il lui fallait de l’espace. Saintes était une ville fortifiée, et l’on sait avec quelle parcimonie le terrain était mesuré dans les cités du moyen âge. Les rues étroites qu’on y voit encore en sont la preuve. Or, « un beau jardin, » dans une ville ceinte de remparts, est un luxe bien grand pour un pauvre potier. Enfin tolérait-on mieux qu’aujourd’hui l’établissement, dans une ville, d’une fabrique qui pouvait causer de fréquents incendies ? Toutes ces raisons feront facilement admettre à qui voudra réfléchir que Palissy habita au faubourg des Roches, et lui démontreront la vérité de la tradition. Mais pendant les vingt-cinq années de séjour dans la capitale des Santones, maître Bernard n’eut-il qu’un domicile ? Ce n’est guère probable. Aussi est-il établi par un acte authentique qu’il eut une demeure, ses fours certainement, au Quai actuel des Récollets, sur l’emplacement qu’occupe aujourd’hui le café de la Couronne. M. Dangibeaud, mort en 1849, juge au tribunal civil de Saintes, l’a démontré[1]. La pièce fondamentale de son argumentation et de ce débat est une requête adressée, au mois de mars 1576, par un nommé Bastien de Launay, au maire et aux échevins de la ville de Saintes. Nous croyons devoir reproduire de nouveau ce document[2]. Le voici fidèlement copié sur les registres des délibérations de la maison commune de Saintes. Je me contenterai de jeter çà et là quelques virgules, de mettre des accents sur les e et des points sur les i.

A nos Seigneurs les maire et eschevins de la ville de Xaintes.

Bastien de Launay vous remonstre que par cy-devant vous auriez donné et arranté audit de Launay une place et tour scize près la maison de maistre Bernard Pallicis, pour le prix et somme de cinq soulz de rente que led. suppliant a tousiours payé depuis à lad. maison commune, fors depuis quelque temps en ça qu’il auroyt cessé de paier lad. rente au moyen de ce que led. maistre Bernard a occuppé lad. place et tour pour l’estendue de son œuvre comme ung chacung scayt, qui appartient à monsieur le connestable, et ce pendant et devant laquelle occuppation par led. Me Bernard faicte comme dict est, monseigneur le séneschal, par provision et jusqu’à ce que led. œuvre fust enlevé de lad. ville et lieu occcuppé, il auroit baillé à icellui suppliant une autre tour appellée vulgairement tour du Bourreau pour l’exécusion et vacation de l’art dudit suppliant, laquelle tour il auroyt ce néantmoings faict racoustrer à ses propres couts et despens, d’aultant qu’à présant le dict œuvre dudict Me Bernard est paraschevé, qui estoit enlevé pour estre conduict au lieu où il plaira au roy ou mondict seigneur le connestable, et que ladicte place deviendra innutille et de laquelle aulcung n’en payroyt rente, ce considéré, il vous plaise, et que le reuenu de ladicte ville ne soict diminué, de vos grâces continuer ledict suppliant à payer la dicte rente, et ce faisant, le restablir en la dicte tour et place...

La fin de cette pièce, rongée par l’humidité, a disparu. Quelle suite eut la supplique de Bastien de Launay ? À ce moment, maître Bernard était installé à Paris ; rendit-on au suppliant la place et la tour désormais inutiles pour les émaux du connétable ? Il m’a été impossible de le savoir.

D’après ce document on voit que l’atelier du potier avait été établi aux frais d’Anne de Montmorency, et qu’il était situé près d’une tour primitivement louée à de Launay. La tour était une des vingt qui entouraient la cite Santone, et comme il n’en existait pas dans l’intérieur de la place, elle s’élevait près des remparts. Or, le 13 décembre 1575, le lieutenant du roi en Saintonge, M. de la Chapelle, réglant le service de la garde de la ville entre les habitants et les soldats de la garnison, disposait qu’un capitaine « estendra les sentinelles, et les metra depuis la tour de l’Espingolle jusqu’à la tour qui est entre le corps de garde et la bresche appelée la tour de maître Bernard. » Et comme il continue à assigner les autres parties des remparts, il est facile de fixer le point précis où se dressait « la tour de maître Bernard. » La brèche, la seule qui fût aux murailles, avait été faite par le canon de Scipion Vergano, lorsqu’au mois d’août 1570, René de Pontivy, chef des calvinistes, vint attaquer et prendre la ville de Saintes, que défendirent héroïquement les habitants sous les ordres de Jean de Beaufort, marquis de Canillac, et que livra le gouverneur, le comte de Coconasso. Les malheurs du temps n’avait pas permis de la réparer. D’un autre côté, Palissy parle (page 112) d’une place où « se venoient journellement assembler... certains petits enfans de la ville, » près du lieu où il se tenait caché, s’exerçant à son art. Le plan de 1560, fort exact, qu’a gravé Georges Braun[3] ne contredit point ce passage, et laisse derrière le rempart apercevoir un espace libre qui pourrait bien être la place dont il est question.

Installé à Saintes, Bernard Palissy continue quelque temps son métier de peintre-verrier. On nous le représente peignant des vitraux pour le chapitre de Saint-Pierre. Le fait est possible. Saint-Pierre reconstruit sur la vieille basilique romane de Pierre de Confolens par les trois Rochechouart, Guy, Louis et Pierre, successivement évêques de Saintes, de 1426 à 1503, pouvait fort bien n’avoir pas encore reçu toute son ornementation ; et peut-être les chanoines ont profité du séjour près d’eux d’un artiste habile pour achever de décorer leur cathédrale de vitraux de couleur. On sait combien furent en honneur, du treizième au dix-septième siècle, les vitraux peints. Toutes les églises s’en décoraient. Les chapitres rivalisaient avec les monastères. Noble émulation qui produisait des chefs-d’œuvre ! Nos vieilles cathédrales prouvent encore à quel rare degré la perfection en était portée au quatorzième siècle. Mais au milieu du seizième siècle, la peinture sur verre se mourait. Le vent néo-païen qui soufflait alors l’Italie, desséchait cet art éminemment catholique et français. Les luttes et les ravages de la réformation n’étaient guère propres à lui rendre son éclat qui s’affaiblissait. Les protestants qui renversaient les églises, brisaient aussi bien les saints dessinés sur le verre que les statues sculptées dans la pierre. En outre, les vitraux peints coûtaient fort cher et étaient fort incommodes. Fixés au mur, on ne pouvait les ouvrir. Les maisons particulières qui employaient aussi les vitraux trouvaient que ces petits morceaux de verre, chargés de couleurs, enchassés dans des longs losanges de plomb, soutenus par des armatures de fer, dérobaient le jour. Les guerres d’outre-monts avaient rapporté d’Italie, comme autrefois les croisades d’Orient, le goût du luxe et l’amour du bien-être. Les vitraux plaisaient moins. Nous avons pour témoin de cette décadence Bernard Palissy lui-même ; il nous apprend qu’« on commençoit à les délaisser au pays de son habitation. » Par suite « la vitrerie n’avoit pas grande requeste. »

Heureusement, à cette occupation, Palissy joignait la pourtraiture. Ce n’était pas l’art de faire des portraits, mais de tracer les plans figuratifs des propriétés. « L’on pensoit, dit-il (page 308), en nostre pays que je fusse plus scavant en l’art de peinture que je n’estois, qui causoit que je estois plus souvent appelé pour faire des figures pour les procès. » Ces fonctions d’arpenteur-géomètre-juré lui rapportaient beaucoup. C’est son habileté bien constatée qui attira sur lui, en 1544, l’attention des commissaires du roi chargés d’établir la gabelle au pays de Saintonge. L’incident est fort important dans la vie de notre personnage. Il mit ses qualités en lumière, lui procura quelque argent dont il avait grand besoin, lui donna l’occasion de se livrer à l’étude des phénomènes de la nature, et, s’il lui causa quelques désagréments, lui valut de puissantes protections.

On sait l’importance qu’avait la gabelle dans notre ancienne législation et les plaintes qu’elle excitait chez les populations. L’impôt du sel, d’abord temporaire et local, ne tarda pas, avec Philippe le Bel et Philippe de Valois, à devenir général et perpétuel. On en exempta cependant quelques corps ; et c’est ce privilège qu’on appela franc-salé. Ainsi les provinces riveraines de l’Océan, Poitou, Saintonge, ville et gouvernement de la Rochelle, îles de Ré et de Marans, n’étaient point soumises à la gabelle proprement dite. Elles payaient cependant le quart denier de la vente qui était de 5 sols par livre. Sous Louis XII, le droit fut élevé à un quart et demi. La charge ne laissait pas d’être lourde. La Saintonge, à elle seule, possède 24,582 livres de marais salants, dont chaque livre équivaut à 50 ares et 20 aires, et donne annuellement 150 millions de kilogrammes de sel. Il en résultait que la livre de sel gris qui, dans les grandes gabelles, coûtait 12 ou 13 sous, ne valait qu’un sou et demi dans les provinces franches et souvent ces provinces étaient limitrophes. De là, murmure de la part du peuple, qui ne comprenait pas la raison d’une aussi énorme différence ; de là, excitation à la fraude, puisqu’on franchissant la limite qui séparait deux pays, on pouvait gagner 10 ou 11 sous par livre de sel, somme considérable à une époque où le mercenaire en recevait 8 pour le salaire d’une journée. Il fallait une armée pour empêcher la contrebande, 18 à 20 mille hommes, des peines rigoureuses contre les faux sauniers, 100 ou 300 livres d’amende, et en cas d’insolvabilité, les galères. On comptait 1,200 lieues de barrières intérieures, plus de 1,400 visites domiciliaires, 1,000 procès-verbaux de saisies, 13 ou 1,400 emprisonnements, et 500 condamnations à des peines capitales et afflictives. On comprend combien pesait cette charge. Véron de Forbonnais, dans son livre Recherches sur les finances de la France, en 1758, montre les hommes « forcés d’acheter chèrement une denrée que les faveurs de la Providence entretiennent à un vil prix ; » les pauvres ne la pouvant même pas recevoir en pur don ; les délinquants punis des plus rigoureux supplices ; « les animaux même languissants faute de sel et écartés des bords de la mer où les mène l’instinct de la conservation. » Avant lui, Vauban, dans son Projet de dixme royale, avait déjà voulu procurer au peuple, à meilleur marché, « cette manne dont Dieu avait gratiné le genre humain. » Et Buffon dira un peu plus tard que l’impôt du sel fait plus de mal à l’agriculture que la grêle et la gelée.

Dès le règne de François Ier, les plaintes étaient vives. Aussi songea-t-on dès lors à les apaiser par une plus équitable répartition des taxes. En 1541, raconte Jean Bouchet dans ses Annales d’Aquitaine, « on remontra au roi les abus, fautes et malversations qui se commettaient chaque jour dans la perception de la gabelle, non-seulement au préjudice de ses droits, mais au détriment du peuple. Il résolut d’y remédier.... Et à cet effet, auroit commis certains commissaires ; et entre autres pour le païs de Poictou, Xaintonge, ville et gouvernement de la Rochelle, messire Francois de la Trémoille, chevalier de l’ordre, vicomte de Thouars et gouverneur de Poictou qui pour ce faire se seroit transporté avec d’autres ès dits païs et entendre ceux lesquelz y avoient intérest dont il auroit fait rapport au Roy. »

Les habitants du littoral furent émus de ces mesures qui ne leur présageaient rien de bon. Et ce n’est pas sans motif.

La cour était à Châtellerault en Poitou, le roi, la reine, le dauphin, le duc d’Orléans, le connétable, l’amiral, le cardinal de Lorraine. Dans le but de l’attacher à la France, par des liens solides, on unissait au duc de Clèves la fille unique et seule héritière du roi Henri d’Albret et de Marguerite, sœur de François Ier, cette Jeanne d’Albret qui, le 22 octobre 1548, à Moulins, devint, par l’annulation de son premier mariage, l’épouse d’Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, et par suite la mère de Henri IV. Ce n’était que liesse, fêtes et tournois. Le roi songea à faire participer son peuple à l’allégresse de la cour. Par une ordonnance du 1er juin 1541, il supprima les greniers à sel, et décida que tous pourraient vendre du sel en payant certaine somme par chaque muid comme droit de gabelle de quart et demi-quart. Des officiers étaient chargés de faire vendre et distribuer le sel par tout le royaume, afin que chacun pût s’approvisionner.

Cette mesure était équitable. Ce n’était pas cependant le compte des riverains de l’Océan. L’égalité pour les autres était pour eux l’inégalité. En effet, les pays de gabelle qui payaient 45 livres tournois par muid se trouvaient grandement soulagés. Mais ceux qui n’étaient sujets qu’au quart et demi-quart étaient surchargés. Ajoutons à cela que les tailles étaient plus élevées dans ces derniers pays, et que l’édit de 1541, qui augmentait pour eux la gabelle, ne diminuait nullement la taille. Il y eut explosion de murmures. « Ceux du Poitou, Xaintonge, gouvernement de la Rochelle et des Isles y adiacens, et des Marais furent mal contens, voire aucuns, contredisans d’obéir aux dites ordonnances : disans que le sel leur coustait presque deux fois autant qu’il avait accoustumé. » Les Rochelais surtout étaient irrités : ils songeaient qu’anciennement ils étaient exempts de tous impôts sur le sel fait dans leurs marais, droit de gabelle ou autres ; que Louis XI, en cédant leur ville au duc de Guyenne, avait, par lettres patentes du 2 juin 1472, formellement reconnu et confirmé ce privilège ; que c’était bien assez d’avoir été depuis assujettis au droit du quart, porté, en 1537, au quart et demi.

Cependant le roi voulait être obéi. Il envoya donc au mois d’août 1541, le général des finances, Boyer — que M. Massiou[4], transforme en général de cavalerie — avec ordre de lever les taxes. Mais pour assurer le succès de l’opération, il le fit accompagner d’un corps de cavalerie que commandait le gouverneur du Poitou, prince de Talmont, comte de Taillebourg et baron de Royan. C’était — dit son contemporain, le Poitevin Jean Bouchet — un « prince vertueux, aymant et craignant Dieu, bon serviteur du roy et amateur du bien public et bien aimé de ses subiects. » Peut-être aurait-il pu apaiser le mécontentement des populations océaniennes ; mais il mourut le 5 janvier suivant, âgé de trente-neuf ans, laissant un fils, Louis III de la Trémouille, qui eut pour fille Charlotte de la Trémouille, grand’mère du prince de Condé.

La vue des commissaires, ce déploiement de forces ne firent qu’exciter les mutins... « Les manans et habitans des Isles de Marennes, Oleron, Saint-Fort, SaintJean-Dangles, Samt-Just, Bourg, Libournes, Bordeaux, Saint-Machaire, Langost et autres, ou la pluspart d’iceux prindrent les armes contre les officiers et commissaires du roy en grand assemblée de gens, au moyen de quoi le roi fit assembler son ban et arrière-ban du Poictou pour contraindre les habitans des lieux susdits à obéir ; mais ils n’en tindrent grand compte. » François Ier, qui avait d’autres occupations sur les bras, temporisa.

L’année suivante — 30 décembre 1542 — il entra lui-même avec toute sa cour et un régiment de lansquenets à la Rochelle, la ville qui était la tête de la sédition. Par son ordre, les principaux révoltés de Marennes, des Iles d’Oléron et de Ré, lui furent amenés « liés et enferrés, tous montez sur chevaulx et conduictz par les archers du roy. » Ils furent enfermés dans la tour de la Lanterne. On leur fit leur procès. Mais le roi pardonna. Les Rochelais, charmés de sa clémence et de ses manières courtoises, lui firent une ovation splendide ; et François Ier, en quittant la cité, le 2 janvier, peut dire au corps de ville : « Je pense avoir gaigné vos cœurs, et foi de gentilhomme, je vous assure que vous avez gaigné le mien. »

Hélas ! ces bonnes dispositions durèrent peu. Les expéditions lointaines, les dépenses excessives avaient appauvri le trésor. On chercha le moyen de se procurer des fonds. La gabelle dut les fournir. Déjà un édit daté de Tonnerre en avril 1541, dont les lettres patentes du 23 mars 1542 ordonnèrent l’exécution, disposait que les marchands, en prenant le sel au marais, payeraient pour tous droits de gabelle 24 livres tournois. La quittance délivrée devait en outre mentionner le lieu où avait été acheté le sel et celui où il serait vendu. Bientôt l’édit de Saint-Germain en Laye — 29 mai 1543 — enregistré à toutes les cours, augmente encore ces droits qu’il porte à 45 livres ; et celui de Saint-Maur-des-Fossés, en juillet 1544, assujettit à l’impôt commun le Poitou, l’Aunis et la Saintonge, qui jusqu’alors en avaient été exempts. En conséquence, les magasins à sel furent rétablis. Le conservateur du sel en Saintonge, et son greffier, s’installèrent à Saintes, où l’on n’avait jamais vu de pareils officiers. Déjà, l’année précédente, comme le prouve une lettre de François Ier à Guy Chabot de Jarnac, gouverneur de la Saintonge, on s’était occupé de faire cadastrer les marais salants de la côte. On avait même essayé d’employer à ces travaux « un maistre Charles, peintre fort excellent. » Mais ce géomètre-artiste n’avait rapporté qu’une figure informe, un indéchiffrable grimoire. Les commissaires du roi jetèrent les yeux sur Bernard Palissy, dont on leur avait parlé avec éloge. On le chargea de cette commission. L’occasion était belle. Maître Bernard partit. Son expérience, son habileté le servirent. Il réussit complètement.


  1. Dans un mémoire qu’il lut, le 10 février 1843, à la Société archéologique de Saintes et que M. de la Morinerie a publié en 1863 dans l’ouvrage Saintes au XVIe siècle.
  2. Il a été défiguré, notamment par la Monographie de l’œuvre de B. Palissy, et M. Dangibeaud a omis deux ou trois lignes qui ont leur importance, entre autres, la phrase où il est question du connétable de Montmorency.
  3. Urbium præcipuarum mundi theatrum quintum, n° 17.
  4. Histoire de la Saintonge, page 435.