Berthe aux grands pieds/VIII

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Alphonse Lemerre, éditeur (p. 47-49).

VIII

L’ENTRÉE À PARIS

Paris ! Des fleurs et des drapeaux !
La ville entière est pavoisée,
Les balcons et l’humble croisée,
Les monuments et les chapeaux.

Des gens sont grimpés aux toitures.
Risquant de se rompre le cou,
Pour voir, — et d’ailleurs pas beaucoup, —
Passer au galop trois voitures.

Car chacun sait que, ce jour-là,
— Le matin ou dans la soirée —
Berthe va faire son entrée
Dans son carrosse de gala.

On hurle, on s’étouffe, on s’égorge…
Pépin, dès la pointe du jour,
A dû rencontrer son amour
Près de Villeneuve-Saint-George.

On se renseigne éperdument :
« On dit qu’elle est jeune et gentille…
— Monsieur, vous écrasez ma fille…
— Où donc est passé mon amant ?… »

On se bouscule, on se querelle.
Soudain, rumeur. C’est Berthe enfin,
Mignonne comme un séraphin
Et saluant de son ombrelle.

Elle passe au milieu des cris
Dont on accueille les carosses.
Tous ces gens lui semblent féroces.
Pépin prend des airs attendris.

Elle a passé. Grave et sereine,
La foule au hasard se répand,
Et tous — bourgeois ou sacripant —
Sont très fiers d’avoir vu la reine.