Bible Crampon 1904/Rt

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livre de ruth


CHAP. 1.Ruth s’attache à Noémi, sa belle-mère, et l’accompagne à Bethléem.

1
Au temps où les Juges gouvernaient, il y eut une famine dans le pays. Un homme de Bethléem de Juda s’en alla, avec sa femme et ses deux fils, demeurer dans le territoire de Moab. 2Le nom de cet homme était Elimélech, celui de sa femme Noémi, et ses deux fils s’appelaient Mahalon et Cheljon ; ils étaient Ephratéens, de Bethléem de Juda. Ils allèrent aux champs de Moab, et s’y établirent.

3Elimélech, mari de Noémi, mourut, et elle resta seule avec ses deux fils. 4Ils prirent des femmes moabites, dont l’une se nommait Orpha et l’autre Ruth, et ils demeurèrent là environ dix ans. 5Mahalon et Cheljon moururent aussi tous deux, et Noémi resta seule, privée de ses deux fils et de son mari.

6Alors, s’étant levée, elle et ses belles-filles, elle quitta les champs de Moab, car elle avait appris dans la campagne de Moab que Jéhovah avait visité son peuple et lui avait donné du pain. 7Elle sortit donc du lieu où elle s’était établie avec ses deux belles-filles, et elles se mirent en route pour retourner au pays de Juda.

8Noémi dit à ses deux belles-filles : “ Allez, retournez chacune dans la maison de votre mère. Que Jéhovah use de bonté envers vous, comme vous avez fait envers ceux qui sont morts et envers moi ! 9Que Jéhovah vous fasse trouver chacune du repos dans la maison d’un époux ! ” Et elle les baisa. Elevant la voix, elles se mirent a pleurer, 10et elles lui dirent : “ Non : nous retournerons avec toi vers ton peuple.” 11Noémi dit : “ Retournez, mes filles ; pourquoi viendriez-vous avec moi ? Ai-je encore dans mon sein des fils qui puissent devenir vos maris ? 12Retournez, mes filles, allez. Je suis trop âgée pour me remarier. Et quand je dirais : J’ai de l’espérance ; quand je serais cette nuit même à un mari et que j’enfanterais des fils, 13attendriez-vous pour cela jusqu’à ce qu’ils fussent grands ? vous abstiendriez-vous pour cela de vous remarier ? Non, mes filles. Mon affliction est plus grande que la vôtre, car la main de Jéhovah s’est appesantie sur moi.” 14Et élevant la voix, elles pleurèrent encore. Puis Orpha baisa sa belle-mère, mais Ruth s’attacha à elle.

15Noémi dit à Ruth : “ Voici que ta belle-sœur s’en est retournée vers son peuple et vers son dieu ; retourne comme elle.” 16Ruth répondit : “ Ne me presse pas de te laisser en m’en allant loin de toi. Où tu iras, j’irai ; où tu demeureras, je demeurerai ; ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu ; [17]où tu mourras, je mourrai et j’y serai ensevelie. Que Jéhovah me traite dans toute sa rigueur, si autre chose que la mort me sépare de toi ! ” 18Voyant que Ruth était décidée à l’accompagner, Noémi cessa ses instances.

19Elles firent route ensemble, jusqu‘à ce qu’elles arrivassent à Bethléem. Lorsqu’elles entrèrent dans Bethléem, toute la ville fut émue à cause d’elles, et les femmes disaient : “ Est-ce là Noemi ?” 20Elle leur dit : “ Ne m’appelez pas Noémi ; appelez-moi Mara, car le Tout-Puissant m’a remplie d’amertume. [21]Je m’en suis allée les mains pleines, et Jéhovah me ramène les mains vides. Pourquoi m’appelleriez-vous Noémi, après que Jéhovah a témoigné contre moi, et que le Tout-Puissant m’a affligée ?”

22C’est ainsi que Noémi s’en retourna, et, avec elle, sa belle-fille, Ruth la Moabite, qui était venue des campagnes de Moab. Elles arrivèrent à Bethléem lorsque commençait la moisson des orges.


I, 17. Que Jéhovah me traite, etc.; litt., qu’ainsi Jéhovah me traite et qu’ainsi il ajoute : formule de serment d’un fréquent usage dans les livres des Rois.

21. A témoigné contre moi, m’a déclarée coupable les malheurs dont il m’a frappée. Toute infortune passait alors pour un châtiment divin. LXX et Vulg., m’a humiliée.

CHAP. II.Ruth va glaner dans le champ de Booz.

2 Noémi avait un parent du côté de son mari ; c’était un homme puissant et riche, de la famille d’Elimélech, appelé Booz.

2Ruth, la Moabite, dit à Noémi : “ Je voudrais bien aller aux champs glaner des épis derrière celui aux yeux duquel j’aurai trouvé grâce.” Elle lui répondit : “ Va, ma fille.” 3Ruth s’en alla et vint glaner dans les champs, derrière les moissonneurs ; et il se rencontra qu’elle arriva dans le champ qui appartenait à Booz, de la famille d’Elimélech. 4Et voilà que Booz vint de Bethléem, et il dit aux moissonneurs : “ Jéhovah soit avec vous ! ” Ils lui répondirent : “ Jéhovah te bénisse ! ” 5Et Booz dit à son serviteur chargé de surveiller les moissonneurs : 6“ A qui est cette jeune fille ?” Le serviteur établi sur les moissonneurs répondit : “ C’est la jeune Moabite, qui est revenue avec Noémi des campagnes de Moab. 7Elle nous a dit : Laissez-moi glaner et ramasser des épis entre les gerbes, derrière les moissonneurs. Et depuis ce matin qu’elle est arrivée, jusqu’à présent, elle a été debout, et ce repos qu’elle prend dans la maison est court.”

8Booz dit à Ruth : “ Ecoute, ma fille, ne va pas glaner dans un autre champ ; ne t’éloigne pas d’ici, et reste ainsi avec mes servantes. 9Regarde le champ que l’on moissonnera, et va derrière elles. J’ai défendu à mes serviteurs de te faire de la peine. Et quand tu auras soif, tu iras aux cruches, et tu boiras de ce que les serviteurs auront puisé.” 10Alors, tombant sur sa face, elle se prosterna contre terre, et lui dit : “ Comment ai-je trouvé grâce à tes yeux, pour que tu t’intéresses à moi, qui suis une étrangère ?” 11Booz lui répondit : “ On m’a rapporté tout ce que tu as fait pour ta belle-mère après la mort de ton mari, et comment tu as quitté ton père et ta mère et le pays de ta naissance, et tu es venue vers un peuple que tu ne connaissais pas auparavant. 12Que Jéhovah te rende ce que tu as fait, et que ta récompense soit pleine de la part de Jéhovah, le Dieu d’Israël, sous les ailes duquel tu es venue te réfugier ! ” [13]Et elle dit : “ Oh ! que je trouve grâce à tes yeux, mon seigneur ! Car tu m’as consolée et tu as parlé selon le cœur de ta servante, bien que je ne sois pas même comme l’une de tes servantes.”

14Au moment du repas, Booz dit à Ruth : “ Approche, mange du pain et trempe ton morceau dans le vinaigre.” Elle s’assit à côté des moissonneurs ; Booz lui donna du grain rôti ; elle mangea et se rassasia, et elle garda le reste ; 15ensuite elle se leva pour glaner. Et Booz donna cet ordre à ses serviteurs : “ Laissez-la glaner aussi entre les gerbes et ne lui faites pas de honte ; 16et même vous tirerez pour elle quelques épis des javelles, que vous laisserez par terre, afin qu’elle les ramasse, et vous ne lui ferez point de reproches.”

17Elle glana dans le champ jusqu’au soir, et elle battit ce qu’elle avait glané ; il y eut environ un épha d’orge. 18Elle l’emporta et revint à la ville, et sa belle-mère vit ce qu’elle avait glané. Elle tira aussi ce qu’elle avait gardé de reste après son repas et le donna. 19Sa belle-mère lui dit : “ Où as-tu glané aujourd’hui, et où as-tu travaillé ? Béni soit celui qui s’est intéressé à toi ! ” Et Ruth fit connaître à sa belle-mère chez qui elle avait travaillé, en disant : “ L’homme chez qui j’ai travaillé aujourd’hui s’appelle Booz.” 20Noémi dit à sa belle-fille : “ Qu’il soit béni de Jéhovah, de ce qu’il s’est montré miséricordieux envers les vivants, comme il le fut envers ceux qui sont morts ! ” Elle dit encore : “ Cet homme est notre proche parent et l’un de ceux qui ont sur nous droit de rachat.” 21Ruth, la Moabite, dit : “ Sache encore qu’il m’a dit : “ Reste avec mes gens, jusqu’à ce qu’ils aient achevé toute ma moisson.” 22Et Noémi dit à Ruth, sa belle-fille : “ Il est bon, ma fille, que tu suives ses servantes, afin qu’on ne te maltraite pas dans un autre champ.” [23]Elle resta donc avec les servantes de Booz pour glaner, jusqu’à la fin de la moisson des orges et de la moisson du froment, et elle demeurait avec sa belle-mère.


II, 13. Que je trouve grâce. La Vulg. traduit par l’indicatif, j’ai trouvé grâce.

23. Et elle demeurait (LXX) avec sa belle-mère, retournant chez elle chaque soir. La Vulgate traduit comme s’il y avait theschub (de schoub, retourner), et rattache ces mots au chap. suiv.: Or, après que Ruth fut revenue chez sa belle-mère, Noémi lui dit.

CHAP. III.Ruth cherche à se faire épouser par Booz.

3 Noémi, sa belle-mère, lui dit : “ Ma fille, je veux te chercher une position où tu sois heureuse. 2Et maintenant Booz, avec les servantes duquel tu as été, n’est-il pas notre parent ? Voici qu’il doit vanner cette nuit l’orge qui est dans l’aire. 3Lave-toi et oins-toi, mets tes plus beaux vêtements et descends vers l’aire. Ne te laisse pas apercevoir de lui, jusqu’à ce qu’il ait achevé de manger et de boire. 4Et quand il ira se coucher, observe le lieu où il se couche ; puis entre, soulève la couverture de ses pieds et couche-toi ; lui-même te dira ce que tu as à faire.” 5Elle lui répondit : “ Je ferai tout ce que tu commandes.”

6Elle descendit dans l’aire et fit tout ce que lui avait ordonné sa belle-mère. 7Booz mangea et but, et son cœur fut joyeux. Il alla se coucher à l’extrémité du tas de gerbes ; alors Ruth s’approcha doucement, découvrit ses pieds et se 8coucha. Au milieu de la nuit, cet homme eut une frayeur ; il se pencha et vit qu’une femme était couchée à ses pieds. 9“ Qui es-tu ?” lui dit-il. Elle répondit : “ Je suis Ruth, ta servante ; étends sur ta servante le pan de ton manteau, car tu as droit de rachat.” 10Il dit : “ Bénie sois-tu de Jéhovah, ma fille ! Ton dernier amour surpasse le premier, car tu n’as pas recherché des jeunes gens, pauvres ou riches. Maintenant,[11] ma fille, ne crains point ; tout ce que tu diras, je le ferai pour toi ; car tout le peuple de Bethléem sait que tu es une femme vertueuse. 12J’ai en effet droit de rachat, mais il y en a un autre qui est plus proche que moi. 13Passe ici la nuit ; et demain, s’il veut user envers toi de son droit, c’est bien, qu’il le fasse ; mais s’il ne veut pas te racheter, je te rachèterai, moi, Jéhovah est vivant ! Reste couchée jusqu’au matin.”

14Elle resta donc couchée à ses pieds jusqu’au matin, et elle se leva avant qu’un homme put en reconnaître un autre. Booz dit : “ Qu’on ne sache pas que cette femme est entrée dans l’aire.” [15]Et il ajouta : “ Donne le manteau qui est sur toi, et tiens-le.” Elle le tint ; et il y mit six mesures d’orge, qu’il chargea sur elle ; puis il rentra dans la ville.

16Ruth étant revenue auprès de sa belle-mère, Noémi lui dit : “ Qu’as-tu fait, ma fille ?” Ruth lui raconta tout ce que cet homme avait fait pour elle. 17“ Il m’a donné, ajouta-t-elle, ces six mesures d’orge, en disant : Tu ne retourneras pas les mains vides chez ta belle-mère.” 18Et Noémi dit : “ Reste ici, ma fille, jusqu’à ce que tu saches comment finira la chose ; car cet homme ne se donnera point de repos qu’il n’ait terminé cette affaire aujourd’hui.”


III, 11. Tout le peuple de Bethléem, litt. toute la porte (la ville) de mon peuple : en Orient, les habitants ont coutume de se réunir sur la place publique, qui est, non au centre de la ville, mais tout près de la porte ; de là cette locution.

15. Il rentra ; Vulg., elle rentra.

CHAP. IV.Booz épouse Ruth. Généalogie de David.

4 Booz monta à la porte de la ville et s’y assit. Or voici que le proche parent dont Booz avait parlé vint à passer. Il lui dit : “ Arrête-toi, assieds-toi ici, toi un tel.” Cet homme s’arrêta et s’assit. 2Alors Booz prit dix hommes parmi les anciens de la ville, et il dit : “ Asseyez-vous ici.” 3Lorsqu’ils se furent assis, il dit au proche parent : “ La portion de champ qui appartenait à notre frère Elimélech, a été vendue par Noémi, qui est revenue du pays de Moab. 4Et j’ai dit : je veux t’en informer et te dire : Achète-la en présence de ceux qui siègent ici des anciens de mon peuple. Si tu veux user du droit de rachat, rachète-la, si tu ne veux pas, déclare-le-moi, afin que je le sache ; car il n’y a personne avant toi qui ait ce droit ; moi, je viens après-toi.” Il répondit : “ Je rachèterai.” 5Et Booz dit : “ Le jour ou tu acquerras le champ de la main de Noémi, tu l’acquerras en même temps de Ruth la Moabite, femme du défunt, pour faire revivre le nom du défunt dans son héritage.” 6Le proche parent répondit : “ Je ne puis pas le racheter pour mon compte, de peur de détruire mon propre héritage. Fais usage de mon droit de rachat, car je ne puis racheter.”

[7]C’était autrefois la coutume en Israël, en cas de rachat et d’échange, pour valider toute affaire, que l’homme ôtait son Soulier et le donnait à l’autre ; cela servait de témoignage en Israël. 8Le plus proche parent dit donc à Booz : “ Acquiers pour ton compte.” Et il ôta son soulier. 9Et Booz dit aux anciens et à tout le peuple : “ Vous êtes témoins aujourd’hui que j’ai acquis de la main de Noémi tout ce qui appartenait à Elimélech, à Cheljon et à Mahalon, 10et que j’ai acquis en même temps pour femme Ruth la Moabite, femme de Mahalon, pour faire revivre le nom du défunt dans son héritage, afin que le nom du défunt ne soit point retranché d’entre ses frères et de la porte de son peuple. Vous en êtes témoins en ce jour.” 11Tout le peuple qui était à la porte et tous les anciens dirent : “ Nous en sommes témoins. Que Jéhovah rende la femme qui entre dans ta maison semblable à Rachel et à Lia, qui toutes les deux ont bâti la maison d’Israël ! Sois fort dans Ephrata, et fais-toi un nom dans Bethléem ! 12Puisse ta maison être semblable à la maison de Pharès, que Thamar enfanta à Juda, — par la postérité que Jéhovah te donnera de cette jeune femme ! ”

13Booz prit Ruth, et elle fut sa femme, et il alla vers elle. Jéhovah donna à Ruth de concevoir, et elle enfanta un fils. 14Les femmes dirent à Noémi : “ Béni soit Jéhovah, qui ne t’a point laissé manquer aujourd’hui d’un rédempteur ! Que son nom devienne célèbre en Israël ! 15Il restaurera ton âme et sera le soutien de ta vieillesse ! Car ta belle-fille qui t’aime l’a enfanté, elle qui vaut mieux pour toi que sept fils.” 16Noémi prit l’enfant, le mit sur son sein et elle lui servit de nourrice. 17Les voisines lui donnèrent un nom, en disant : “ Un fils est né à Noémi ! ” Et elles l’appelèrent Obed. Ce fut le père d’Isaï, père de David.

[18]Voici la postérité de Pharès : Pharès engendra Esron ; 19Esron engendra Aram, Aram engendra Aminadab ; 20Aminadab engendra Nahasson ; Nahasson engendra Salmon ; 21Salmon engendra Booz ; Booz engendra Obed ; 22Obed engendra Isaï ; Isaï engendra David.


IV, 7. Cette coutume tire sans doute son origine de ce fait qu’on prenait possession d’un bien fonds en y posant le pied. Oter son soulier et le donner à un autre devint donc le signe naturel de la transmission de la propriété.

18. La postérité : cette généalogie renferme 10 noms, 5 pour le séjour en Egypte (430 ans), 5 pour la période comprise entre la sortie d’Egypte et David (476 ans jusqu’à la mort de David). Cet arrangement paraît intentionnel ; plusieurs noms sont certainement omis. Comp. I Paral. ii, 10–12 ; Matth. I, 3–6 ; Luc, iii, 32 sv.
Esron : voy. Gen. xlvi, 12.