Bigot et sa bande/09

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Claude-Nicolas Fayolle


Claude-Nicolas Fayolle, né en France, était le frère d’un des principaux commis du département de la Marine. C’est probablement ce qui lui valut un petit emploi au contrôle sous Bréard à Québec où on le voit de 1753 à 1757.

Le 16 février 1759, le président du Conseil de Marine écrivait à l’intendant Bigot qu’il avait accordé à Claude-Nicolas Fayolle, à la demande de son frère, le sieur Fayolle, commis du bureau des colonies, la place de garde-magasin à Montréal.

Si Fayolle prévariqua ce ne fut pas pendant une longue période puisqu’il ne fut garde-magasin qu’un peu plus d’un an.

Avant de retourner en France, le garde-magasin Fayolle avait épousé, à Montréal, le 20 septembre 1760, Madeleine Arnoux, fille du chirurgien-major des troupes André Arnoux. On sait que Montcalm avait beaucoup d’estime pour Arnoux dont il était devenu l’ami dès son arrivée dans la colonie.

L’acte de mariage Fayolle-Arnoux dressé par l’abbé Jollivet, prêtre de Saint-Sulpice, dit : « Le vingt septième mil sept cent soixante vû la dispense des trois bans accordée par Messire Estienne Montgolfier, vicaire général du diocèse de Québec, le siège vaccant, je soussigné, prestre du Séminaire de St Sulpice, licentié en théologie de la faculté de Paris et vicaire de cette paroisse, ayant pris le mutuel consentement par paroles de présent Sr Nicolas fayolle, âgé de vingt six ans, écrivain ordinaire de la marine, garde magasin du Roy à Montréal fils du Sr Jacques fayolle, chirurgien privilégié en la ville de Paris, et de défunte Anne Coulon, ses père et mère, de la paroisse de Notre-Dame de Versailles, diocèse de Paris, d’une part ; et d’aussi présente damoiselle Magdelaine Arnoux, âgée de dix sept ans, fille de feu Sr André Arnoux, chirurgien major des troupes de terre, et de Dame Suzanne Levret, actuellement de cette paroisse, d’autre part, les ai mariés selon les règles et coutumes observées en présence des srs Blaise Arnoux, oncle de l’épouse, Louis Claude Danré de Blanzy, Estienne Massé, Bernard Lafargue et de plusieurs autres parents et amys qui ont signé avec l’époux et l’épouse. »

Les nouveaux époux ne jouirent pas longtemps de leur séjour en France puisque Fayolle fut arrêté dès 1761, en même temps que Bigot et les autres. Fayolle était accusé d’avoir pris part, lui aussi, au pillage des fonds de la colonie.

Le séjour de la Bastille affecta beaucoup M. Fayolle et il négligea les soins les plus élémentaires de sa toilette. Les deux billets suivants ont été retrouvés dans les papiers de la Bastille. C’est M. de Sartine qui écrit : « Je vous prie de continuer ainsi qu’il a été convenu de faire promener séparément les sieurs Bigot et Péan, Varin et Fayol, détenus de l’ordre du Roi à la Bastille, et de me marquer si cette promenade n’interrompt pas le service du château. Je voudrais savoir aussi si ces prisonniers ont paru sensibles à cette douceur. »

L’autre billet dit : « Prévenez Fayolle que sa femme est ici et qu’elle va le voir. Qu’il se mette proprement. Elle serait affligée de son grand négligé qui le change beaucoup ».[1]

Le découragement et la négligence de Fayolle dans sa toilette avaient peut-être une cause autre que sa détention à la Bastille. Madame Fayolle, beaucoup plus jeune que son mari, belle et élégante, avait des admirateurs et le pauvre mari enfermé entre les quatre murs d’une prison, n’était pas en état de défendre son foyer contre les Don Juan. Une lettre de M. Duval au gouverneur de la Bastille, datée du 25 mai 1763, jette un peu de lumière sur les allées et venues de la jeune épouse. Nous n’avons pas la lettre même de M. Fayolle à son frère, mais l’épître de M. Duval nous laisse deviner ce qu’il lui disait. Lisons : « J’ay l’honneur de vous envoyer, Monsieur et cher amy, une lettre que M. Fayolle, le commis de Mgr le duc de Choiseul, à Versailles, vient de m’adresser pour Monsieur son frère, prisonnier à la Bastille.

« Je vous diray que ce M. Fayolle de Versailles est un homme de grand mérite à tous égards ; que c’est lui qui a avancé tous ses frères et qui les a tous placés, et qui leur sert de père.

« La lettre qu’il écrit à son frère n’intéresse en rien et ne parle en rien ni du service du Roy, ni du secret et service de la Bastille, ni de l’affaire du Canada. Il prévient seulement son frère sur ce qu’il faut qu’il sache par rapport à sa femme qui est jeune et assez jolie ; et il est bon qu’il en soit prévenu, avant que des gens de la famille viennent lui parler à la Bastille. Ainsi, Monsieur, vous aurez la bonté de remettre cette lettre au prisonnier, dans le moment que mon pacquet vous parviendra ; cecy est pour le bien et l’avantage de tous.

« Je laisse cette lettre ouverte pour que vous la lisiez, parce que vous estes l’officier du Roy, du ministre et du magistrat. Mais, pour ne point affliger le prisonnier, je vous prie, avant de la lui remettre, de mettre un peu de cire d’Espagne à l’enveloppe, pour qu’elle soit fermée et paraisse cachetée, sans cachet pourtant. Vous voyez par là, Monsieur et cher amy, que tous nos devoirs ne sont pas blessés. Je suis, etc. »[2]

Le 10 décembre 1763, le lieutenant de police et les conseillers au Châtelet rendaient leur jugement sur les prévaricateurs de la Nouvelle-France. Nicolas Fayolle fut déchargé de l’accusation portée contre lui.

Que devint Fayolle après sa sortie de la Bastille ?

D’après une lettre de M. de Ramezay à sa femme datée de Paris le 14 avril 1764. Fayolle reçut une pension de 400 livres et la charge de commissaire aux classes à l’île de la Guadeloupe[3].

C’est tout ce que nous possédons sur Nicolas Fayolle[4].

  1. J.-Edmond Roy, Rapport sur les Archives de France, p. 868.
  2. Description raisonnée d’une collection d’anciens manuscrits réunis par M. Techemers.
  3. Bulletin des Recherches Historiques, vol XXII, p. 359.
  4. Idem, vol. XXXVI, p. 641.