Biographie nationale de Belgique/Tome 1/ALBÉRON

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* ALBÉRON, évêque de Verdun, mort en 1158, fils d’Arnoul II et frère d’Otton II, comtes de Chiny. Cet illustre évêque de Verdun fut un de ces prélats du xiie siècle qui savaient manier avec un égal succès la crosse et l’épée. Il était archidiacre de Verdun depuis de longues années, lorsqu’il fut élevé, par le chapitre et le peuple, d’une voix unanime, à l’épiscopat. Il est considéré comme le libérateur de son Église. En effet, Verdun était opprimé par Renaud, comte de Bar, qui y avait fait construire une tour d’où la garnison rançonnait le pays. Après avoir vainement employé tous les moyens de conciliation auprès du comte de Bar, Albéron fut contraint de recourir à la force. Albéric (Chron., an. 1131) retrace ce fait en deux mots et nous dit « que l’évêque de Verdun rasa la tour élevée par le comte de Bar, » mais les légendaires dès xiie et xiiie siècles ne pouvaient laisser passer un tel événement sans amplification. Le roman de la prise de Chèvremont, par l’évêque Notger, de Liége, reçoit ici une version nouvelle. Albéron, usant de stratagème, gagne un des gardiens de la tour et y entre avec son clergé le jour de la Pentecôte. Renaud prend les armes, vient assiéger Verdun, ravage les campagnes et, repoussé une première fois, il appelle le duc de Lorraine à son secours. Vain effort ; l’armée des assiégeants est tout à coup saisie d’une terreur panique ; Renaud reconnaît le doigt de Dieu et envoie, pour traiter de la paix, son frère, le cardinal Étienne, évêque de Metz, et l’archevêque de Trèves. Après trois ans d’hostilités, la paix est conclue et Verdun délivré.

Albéron dirigea ensuite tous ses soins vers la réforme des nombreux monastères de son diocèse, qui s’étaient considérablement relâchés dans la discipline ; et lors du concile tenu à Reims par le pape Innocent II, il y rencontra saint Bernard, saint Norbert et saint Bruno, les fondateurs de trois nouveaux ordres religieux. Avec le double concours de l’Empereur et du Pape, il réforma ces couvents et fit entrer les prémontrés à l’abbaye de Saint-Paul de Verdun ; introduisit les moines de Cîteaux à l’abbaye d’Orval, dont le savant Constantin fut nommé le premier abbé par saint Bernard (1131), et fonda pour eux l’abbaye de la Chalade. Enfin, il fut encore le fondateur des monastères de Belval, de l’Étanche, de Gynevaux et d’une commanderie de templiers.

Au milieu de ces pieuses fondations, Albéron est bientôt distrait par la grande voix de Bernard, son ami ; se ressouvenant du noble sang qui coule dans ses veines, il prend la croix et se dirige vers Rome, mais le pape Célestin II arrête l’évêque croisé dans ses projets guerriers. Albéron rentre à Verdun au milieu des acclamations de son peuple ; toutefois il résigne bientôt son évêché entre les mains d’Albert de Marcey, s’enferme comme simple moine dans l’abbaye de Saint-Paul, où il meurt l’an 1158, enveloppé dans sa robe d’humilité.

A. de Noue.

Bercarii Hist. Epis. Verd. — Alberici Chron. an. 1131. — Henriquez, De Ord. Cist., liv. II.