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Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BALDÉRIC (chroniqueur)

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*BALDÉRIC ou BAUDRY, en latin BALDERICUS, chroniqueur, vivait au xie siècle. Il nous a légué une chronique qui constitue une des plus anciennes et des plus précieuses sources de notre histoire. C’est à ce titre qu’il mérite de figurer ici ; car, bien qu’on ignore le lieu de sa naissance, tout porte à croire que l’auteur de la chronique d’Arras et de Cambrai a vu le jour dans cette dernière ville, bien que nous n’en puissions produire aucune preuve directe. Il y occupa successivement le poste honorable de secrétaire, d’abord auprès de l’évêque Gérard de Florennes, avant 1050, puis auprès de Liébert et de Gérard II. Ce dernier l’envoya à son collègue Hubert de Thérouanne, qui avait besoin d’un confident de ses peines. Baldéric mourut, vers 1097, chantre de la cathédrale de Thérouanne. On l’a confondu longtemps avec un de ses contemporains, portant le même nom et qui fut évêque de Noyon el de Tournai. C’est aux Bollandistes qu’on est redevable de la rectification de cette erreur. Notre chroniqueur passa ses jours dans la familiarité des prélats, sans parvenir lui-même jusqu’à la dignité épiscopale. Dans sa lettre à Hubert de Thérouanne, datée de 1082, l’évêque de Cambrai le représente comme un homme lettré et parfaitement au courant de ce qui concerne le pays des Morins, « sa récente chronique, qui traite de ce diocèse et de celui de Cambrai le prouve. » Faut-il induire de ces paroles que Baldéric eût composé, ainsi que l’avancent certains bibliographes, une chronique morine, chronicon morinense ? En tout cas, cette œuvre, si elle a jamais existé, ne se retrouve plus. C’est à tort qu’on attribue aussi au docte chanoine la vie de saint Liébert, dont, en réalité, l’auteur est un moine nommé Raoul. Il en est autrement de la vie de saint Géry, dont la paternité ne peut guère être contestée à Baldéric. Mais ce ne sont là que des ouvrages secondaires ; la chronique d’Arras et de Cambrai, le plus certain et le plus important des écrits de Baldéric, mérite seule que nous jetions sur elle un rapide coup d’œil.

Elle s’ouvre par une dissertation sur les causes de la fondation des villes en général, pour en venir à l’origine de Cambrai et d’Arras. L’écrivain consent à en ignorer les fondateurs : ce qui n’est pas d’une médiocre sagesse à cette époque amie des fables. De César, vainqueur de Commius, il passe à Clodion, conquérant de Cambrai, et poursuit ainsi, de chapitre en chapitre jusqu’à 1066, au milieu de l’épiscopat de Liébert (1050-1076). C’est un caractère commun aux anciennes annales, rédigées par des clercs, que de subordonner tout aux destinées du sacerdoce, et en cela, Baldéric ne se distingue point des écrivains contemporains. Mais il y a entre les divers livres de son ouvrage une différence marquée qui ne laisse pas que de faire quelque honneur à son sens historique : tandis que les deux premiers livres, où il n’a fait que compiler des documents ou des traditions, ne sortent guère des miracles et des monastères, le troisième, où il raconte ce qui s’est passé de son temps, est rempli d’événements politiques du plus haut intérêt, tels que la lutte du comte Lambert contre le duc de Lotharingie et l’invasion en Flandre de l’empereur Henri III. Cette partie de la chronique constitue la principale source où ont puisé les historiens de notre pays.

Baldéric a eu des abréviateurs et des continuateurs. Les suppléments publiés par M. Le Glay vont jusqu’à 1133. L’estime que le moyen âge faisait de son œuvre a subi victorieusement le contrôle d’une critique plus éclairée et plus sévère. L’auteur, qui empruntait dans son préambule cette belle maxime d’un ancien : Melius est tacere quam falsa proferre, mérite qu’avec les Bénédictins, on loue la vérité de sa narration. Quant au style, il ne manque ni de fermeté, ni de rapidité, bien qu’il ait pour instrument un latin souvent incorrect. On y sent un esprit nourri aux sources antiques ; mais peut-être y voudrait-on moins de sécheresse. Il est rare que l’écrivain s’échauffe, sauf, par exemple, quand il raconte la défense des Cambrésiens contre l’attaque des Hongrois. Trop souvent aussi sa brièveté désespère notre curiosité légitime. Les nombreuses citations d’auteurs et les documents qu’il insère dans la chronique n’ajoutent point peu à la valeur de celle-ci. Les principaux manuscrits de Baldéric reposent à Arras, à Paris, à Douai et à Bruxelles. Éditée pour la première fois en 1615, par notre compatriote Colvenère, professeur à l’Université de Douai, le Chronicon Cameracense et Atrebatense a été republié en 1834, par le regrettable M. Le Glay.

F. Hennebert.

Hist. littér. de la France, t. XIII, p. 405 ; t. VIII, p. 400. — Recueil des hist. de France, t. XI, pp. 31, 122 ; t. VIII. — Acta SS. Belg., t. II, p. 7. — Nouvelles Archives historiques des Pays-Bas, n° 10, p. 372. — Chronique d’Arras et de Cambrai, par Baldéric, revue par le docteur Le Glay. Paris, 1834.