Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BAUD, Jean-Marie

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BAUD (Jean-Marie), docteur en médecine et en chirurgie, professeur à l’Université de Louvain, né à Rumilly (Savoie), le 16 juillet 1776, mort à Louvain, le 11 mars 1852, naturalisé.

A peine âgé de dix-huit ans, il entra au service, et devint chirurgien de troisième classe à l’armée des Alpes. Il prit part aux campagnes républicaines depuis l’an 1794 jusqu’en 1800 : ces détails sont consignés dans un brevet de chirurgien de seconde classe, en date du 24 septembre de cette dernière année, signé par Bonaparte, premier consul, contresigné par le ministre de la guerre Carnot et par le secrétaire d’État Maret. Le 22 mars 1802 (1er germinal an X), lors du rétablissement des différents emplois sur le pied de paix, l’activité de son service cessa ; mais, le 21 mai 1804, il entra dans la marine militaire, au port de Brest, avec la qualité de chirurgien de deuxième classe, el l’année suivante, il passa comme chirurgien-major sur la corvette la Diligente. Il assista aux deux combats soutenus par ce bâtiment, le 6 février 1806 et le 6 septembre 1808. Il passa, en 1812, au port d’Anvers, et détaché de l’escadre, durant le siége de cette ville, il fut chargé par ordre du général Carnot de faire comme chirurgien le service des blessés à l’hôpital militaire des Récollets. Les certificats honorables qui lui furent délivrés prouvent le zèle qu’il déploya en cette circonstance et les succès qu’il obtint.

Il se trouvait alors à Anvers, avec l’armée française, plusieurs officiers de santé, Baud, Curtet, Sommé, qui, après le départ de Carnot, restèrent dans ce pays où ils furent reçus avec faveur. Le royaume des Pays-Bas venait d’être établi, et Baud entra d’abord comme chirurgien-major au régiment des carabiniers de la milice nationale. Bientôt après les universités de Gand, de Liège et de Louvain furent créées ; et la dernière offrit à Baud la chaire de professeur des sciences d’anatomie et de chirurgie, qu’il accepta en 1817.

En sortant du service militaire pour entrer dans l’enseignement, qui se faisait alors en latin, il dutse remettre à l’étude de cette langue, et peu de temps lui suffit pour se trouver en état de s’exprimer avec une pureté et une élégance qui lui firent une réputation méritée. Ajoutez à cela que Baud avait des connaissances très-approfondies dans la science médicale, et qu’il passait avec raison pour l’un des professeurs les plus distingués de l’enseignement supérieur.Il était impossible de voir un homme plus modeste et plus honnête. Quand il visitait un malade, il l’examinait et l’observait avec une profonde attention, et quelquefois, après cet examen, il se retirait très-indécis et très-mécontent de lui-même, en avouant de la manière la plus simple, qu’il ne connaissait pas encore la nature de la maladie ; mais s’il la connaissait, sa physionomie prenait une tout autre expression et il ne faisait pas difficulté de dire ce qu’on devait en attendre. Ses prévisions étaient presque toujours justifiées par les résultats de la science.

Il était d’une taille peu élevée et présentait assez d’embonpoint ; mais sa physionomie, dont les traits étaient fort réguliers et fort mobiles, offrait le tableau le plus animé : sa pensée ne devait pas être annoncée par la parole, pour être facilement comprise ; et, quelle que fût sa conception, on était presque toujours sûr qu’elle était accompagnée par une extrême bonté naturelle qui était appréciée de tous, et qui lui a fait des amis de ceux qui ont eu le bonheur de le connaître.

Baud joignait à sa bonté et à son savoir un tel désintéressement qu’après la révolution de 1830, quand l’Université de Louvain, créée par l’État, fut supprimée, il songea à se retirer sans faire seulement valoir ses anciens services ; l’Université catholique lui ayant demandé alors de reprendre son enseignement, il répondit avec franchise que sa manière de voir ne correspondrait peut-être pas aux doctrines d’une université catholique. On ne fit pas difficulté de s’en rapporter à ses sentiments d’honnête, qui furent du reste parfaitement justifiés. Baud eut la générosité de donner aux malheureux, pendant les quinze dernières années de sa vie, les 3,000 francs de pension annuelle que le gouvernement lui avait laissés.

En 1832, au plus fort des ravages du choléra asiatique, il obtint du gouvernement d’aller visiter les hôpitaux de Londres et de Paris, et d’étudier le fléau dans les endroits où il exerçait le plus de ravages. Sans tirer la moindre vanité de sa fermeté de caractère, il n’était pas plus intimidé par les plus cruels fléaux de la maladie qu’il ne l’avait été jadis par les effets de la mitraille au milieu d’un combat. A son retour, le gouvernement lui fit remettre une médaille d’or, en récompense de ses services, et la croix de chevalier, en faisant insérer dans le brevet de cette distinction les mots suivants. « Considérant que le docteur Baud s’est offert, le premier entre tous les médecins belges, pour aller observer le choléra, à ses propres frais, à Londres et ensuite à Paris, etc. »

Baud était estimé, comme il méritait de l’être, non-seulement par ses confrères et par les savants étrangers, au nombre desquels il comptait plusieurs amis, particulièrement Broussais et Récamier ; mais encore par la population au milieu de laquelle il vivait et qui l’appela, en raison de ses sympathies, à remplir les fonctions de conseiller communal depuis le 21 août 1835 jusqu’au 30 octobre 1843, époque à laquelle il donna sa démission.

Sa profonde modestie ne lui à guère permis d’écrire des ouvrages auxquels la science aurait eu à gagner ; il ne prenait la plume que pour satisfaire aux fonctions qu’exigeait sa place ou, quand il le fallait, par suite de sa position dans le corps universitaire. On a de lui quelques ouvrages peu étendus, mais remarquables par les observations sagement coordonnées et toujours présentées avec autant de savoir que d’élégance.

Lorsque, le 31 juillet 1821, il fut installé comme professeur ordinaire de la faculté de médecine, Baud, pour satisfaire aux usages reçus, donna lecture d’un mémoire remarquable, contenant l’éloge de Réga, l’un des professeurs les plus célèbres de l’ancienne Université de Louvain. Il établit avec une distinction tout à fait remarquable le mérite du savant dont il faisait l’éloge, et s’attacha à prouver que sa doctrine était à peu près celle que Broussais faisait valoir vers le commencement de ce siècle. Son discours était intitulé : Joannis M. Baud, med. et chir. doct. oratio inauguralis de laudibus quibus efferri potest memoria H.-J. Regæ, quondam in Univ. Lovaniensi professoris primarii. (Vol. IV des Annales de l’Université de Louvain.)

On trouve encore dans ses papiers les trois écrits suivants, dont le premier, paraît-il, fut imprimé pendant sa jeunesse : 1° Description d’une machine à distiller l’eau de mer (l’entête est signé Baud, docteur en médecine, chirurgien de première classe de la marine, 1804 ?) ; — 2° Considération sur l’unité de la science de l’homme envisagée comme objet de l’art de guérir ; — 3° Réponse du professeur Baud à la lettre du président de la commission chargée de la révision des lois et arrêtés sur l’art de guérir.

Mais l’ouvrage le plus important était son cours de Pathologie chirurgicale ; le manuscrit en existe au complet, mais sa dernière maladie, dit-on, ne lui laissa pas le temps d’en reviser le texte, et la publication ne put avoir lieu. Nous croyons plutôt que, cédant à des scrupules exagérés, il ne voulut pas en permettre l’impression.

Les savants appréciaient ses honorables qualités ; la plupart de nos sociétés médicales, et spécialement l’Académie de médecine de Belgique, tenaient à honneur de le compter dans leurs rangs, de même que plusieurs des sociétés savantes étrangères les plus recommandables. Baud avait fait les campagnes d’Italie ; il avait pris part, pendant huit à dix ans, au service maritime, et sa modestie jamais n’avait attiré sur lui les récompenses honorifiques. Son excessive générosité, surtout envers les pauvres, ne lui avait pas même permis un instant de penser aux soins de sa fortune. Le gouvernement des Pays-Bas, le gouvernement belge qui lui succéda et les États sardes voulurent cependant honorer ses talents ; il fut décoré de l’ordre du Lion Néerlandais, de l’ordre des SS. Maurice et Lazare, et il reçut en Belgique une des trois premières décorations accordées aux hommes de science.

Vers la fin de sa vie, le professeur Baud s’était marié, et deux fils jumeaux excitèrent toute sa tendresse ; mais il ne put, malheureusement, leur consacrer ses soins que pendant peu de temps ; cet excellent homme, assiégé par des maux cruels, s’éteignit bientôt au milieu des siens, âgé de soixante-seize ans. Sa mort excita un deuil général, et ses funérailles réunirent autour de son cercueil toute la population de Louvain et la plupart des savants des villes voisines.

Ad. Quetelet.