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Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BAUDAERT, Guillaume

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BAUDAERT (Guillaume), BOUDART ou BAUDARTIUS, historien, poëte, théologien calviniste, né à Deynze, le 13 février 1565, mort à Zutphen, en Gueldre, le 15 décembre 1640.

Baudaert reçut sa première éducation à Sandwich, en Angleterre, où son père s’était réfugié avec sa famille, vers la fin de 1565, afin de se soustraire aux poursuites de l’inquisition. Il y perdit l’auteur de ses jours, en 1574, et revint, trois ans après, dans sa patrie avec sa mère, ses frères et ses sœurs. La ville de Gand était alors ouverte aux protestants, en vertu du traité dit de la Pacification de Gand ; Baudaert s’y établit et fréquenta le collège réformé, qui comptait plusieurs professeurs distingués. Sa mère étant morte à Gand en 1580 ou 1581, la famille Baudaert se dispersa et Guillaume passa en Hollande (1585) pour y étudier les langues anciennes et la théologie protestante aux universités de Leide et de Franeker. Ses cours étant terminés, et se voyant sans fortune il dut accepter une place de professeur au collége de Sneek, en Frise, où il enseigna, pendant environ deux ans, la prosodie et la langue grecque. Il rassembla ainsi quelque argent et put se rendre, en 1591, à l’Université de Heidelberg, qui possédait une faculté de théologie protestante assez renommée. Il s’y appliqua avec une incroyable ardeur à l’étude de l’Écriture Sainte et de l’hébreu, et y composa son Triplex Index, qui fut imprimé à Francfort, en 1596, à la suite de la version latine de l’Ancien Testament de Tremelius et de Junius. La chaire d’hébreu étant alors vacante à Heidelberg, le Cursus Sanctæ linguæ, comme on le nommait à cette époque, lui fut orfert, mais il ne put l’accepter, ce cours ne rapportant que 50 florins rhénans au titulaire, ce qui était tout à fait insuffisant pour son entretien. Son grand désir était de se rendre à Genève, centre de l’activité et de la propagande protestante et où enseignait alors Théodore de Bèze ; mais ses modestes ressources ne lui permirent pas de faire ce voyage ; il revint donc en Hollande, en 1593, et accepta les fonctions de pasteur à Kampen, dans l’Overyssel. Il y épousa, en 1595, Barbe Martens, fille de l’ancien bourgmestre de cette localité, et en eut un grand nombre d’enfants. Baudaert n’y resta cependant pas longtemps ; à la suite du refus de s’y fixer, il s’aliéna l’affection de ses ouailles et quitta l’église de Kampen d’abord pour celle de Lisse, ensuite pour celle de Zutphen, dans la Gueldre (1597), où il s’établit définitivement. Durant son séjour en cette ville, il s’occupa activement des affaires de l’Église de Hollande ; ainsi nous le trouvons, en 1612, au synode d’Amsterdam ; en 1618, il préside le synode provincial de la Gueldre ; et au synode général de Dordrecht, il prend place parmi les théologiens les plus influents. Ce concile national ayant décrété, en 1618, une nouvelle traduction de la Bible en langue vulgaire, Guillaume Baudaert, Jean Borgerman et Gerson Bucerus furent désignés pour traduire en flamand l’Ancien Testament d’après les textes originaux. Diverses circonstances et surtout la mort de Bucerus retardèrent l’exécution de ce décret jusqu’en 1628, et l’ouvrage ne fut terminé qu’en 1632. Cette traduction, généralement connue sous le nom de Staten Bybel, et conforme à la doctrine de Calvin, parut seulement en 1637, à Leide et à la Haye. Ce furent les États de Hollande qui en supportèrent tous les frais de traduction et d’impression. Baudaert avait quitté Zutphen pendant six ans et était venu habiter Leide pour se consacrer tout entier à ce travail ; cet ouvrage achevé, il retourna dans la première de ces villes et continua d’y prêcher jusqu’en 1640. Il y mourut le 15 décembre de cette année et fut enterré dans son église, où sa pierre tumulaire a été retrouvée il y a quelques années.

Baudaert avait adopté pour devise ces mots : Labor mihi quies, et de nombreux écrits attestent, en effet, chez lui une rare activité. Son ouvrage historique le plus remarquable est intitulé Memorien ofte cort verhael der gedenkweerdigste, soo kerkelyke als weereltlyke, geschiedenissen van Nederlant, Vranckeryck, etc. Ces mémoires parurent pour la première fois à Arnhem, en 1620, en un volume in-4o, et renferment l’histoire religieuse et politique de l’Europe depuis 1602 jusqu’en 1619. Une seconde édition, considérablement augmentée, fut imprimée, également à Arnhem, en 1624 et 1625, en deux volumes in-folio ; elle s’étend jusqu’à l’année 1624. C’est une suite à l’histoire d’Emmanuel Van Meteren, pour lequel Baudaert professait une grande admiration et dont il à généralement adopté la manière de voir. Il est cependant resté très-inférieur à son modèle ; trop préoccupé des dissentions et des événements religieux de son époque, il a négligé l’histoire politique contemporaine, et les historiens protestants lui reprochent sa partialité, surtout à l’égard de la secte des Remontrants. On peut encore considérer comme ouvrages historiques ses publications suivantes :

Historisch verhael van den aenslach en het innemen der vlecke, doch niet des casteels van Bredevoort, dore den Spaenschen Guillelmo de Verdugo, etc., imprimé en 1601. — Afbeeldinge der coninghinne Elisabeth, paru en 1602, et Veelau’s vastenavondspel, offte cort Verhael van den Allarm die op vastenavond in de Velau (Veluwe) geweest is, petit pamphlet distribué en 1624.

Le livre de Baudaert qui eut le plus de vogue est son recueil d’anecdotes curieuses et instructives publié sous le nom d’Apophthegmata christiana. Imprimé pour la première fois en 1605, il eut dix-sept éditions et c’est pourtant, à tous les points de vue, l’ouvrage le moins recommandable de notre écrivain ; mais l’on doit tenir compte des tristes circonstances dans lesquelles il fut écrit pour excuser le choix souvent peu délicat de ses historiettes.

Baudaert a aussi laissé quelques poésies latines et flamandes, dont les deux suivantes méritent seules une mention spéciale. 1° En 1616, parut à Amsterdam, sous le titre de Nassausche Oorloghen, une collection de 299 tailles-douces, représentant les principaux événements de la guerre entre l’Espagne et les Provinces-Unies. Chaque planche est accopagnée d’un quatrain latin. Ces vers sont dus à Baudaert, et plusieurs sont vraiment heureux. Le même ouvrage fut réédité à Amsterdam, en 1621, in-4o, sous le titre de Polemographia Belgica. — 2° Notre auteur publia également, en 1616, un pamphlet politique en vers flamands qu’il intitula : Wyeghe ofte afbeeldinge hoe de Spaensche en Paepsche Princen door haere listicheyt alle Coningen en Princen in slaepe wiegen. Van der Aa ne fait que peu de cas de ce livre dans son dictionnaire des poëtes néerlandais. Nous trouvons encore mentionnées dans une autobiographie de Baudaert, publiée à Deventer, par le docteur Molhuysen, les publications suivantes dont plusieurs sont peu connues :

1o Oratio de classe Hispanica. Eraneker ; 1588 ; — 2o Bruylofft Spiegel, doe Graff Lodewyck Gunter van Nassau, te Arnhem, traude An. Marg. Gravinne van Manderscheyt, etc. ; anno 1600. — 3o Waerschauwinge aan alle Cristenen die gesinnet waeren tegen Pinxteren des jaers 1603, nae Munster te reysen op des Paus Clementis VIII, jubel-jaer ; anno 1603 ; — 4o Wechberreyde op de verbeteringe van den Nederlandschen Bybel ; anno 1606. — 5o Morgenwecker der Nederlandsche provintijen ; anno 1610. Cet opuscule a été réimprimé plus tard, en flamand, sous le titre de Spieghel der Jeucht, et, en français, sous celui de Miroir de la jeunesse. — 6o Sica Tragica, ofte Jaerklachte over den moort begaen aen Henricum IIII, etc. ; anno 1611.

Outre ces ouvrages originaux, Baudaert s’occupa encore de différentes traductions. En 1599, à l’occasion de l’invasion de la peste en Hollande, il traduisit en flamand l’opuscule De Peste de Louis Lavater. En 1600, il publia une version flamande des Entretiens tenus à Nancy entre Jacques Conet, prédicateur de la princesse de Bar, et un jésuite, et les fit suivre d’une relation de la conférence tenue à Fontainebleau, en 1600, en présence de Henri IV, entre Philippe de Mornay-Plessis et Jacques du Perron, évêque d’Évreux. Enfin, il traduisit également en flamand, en 1615, les Christian Colloquy between God and the afflicted soal de W. Couper ; et édita, la même année, à l’usage des protestants de Hollande, un recueil des Épîtres et des Évangiles de l’année ecclésiastique. Nous lui devons de plus une excellente édition de l’ouvrage La République de Hollande de Jean Petit ; elle porte le titre de : Eygentlycke Beschyvinge der vrye Nederlantsche Proventien. Arnheim ; 1615, in-4o.

Quelques biographies de Baudaert renferment d’assez nombreuses erreurs et de ce nombre sont celles qui figurent dans la Biographie Universelle de Michaud et celle publiée par Didot.

Eugène Coemans.

Van den Abeele, Geschiedenis der stad Deinze, pp. 242-249. — Vander Aa, Biograph. Woordenboek der Nederlanden, t. I, pp. 54-56 ; et Biogr. Woordenb. der Nederlandsche dichters, pp. 78-81. — Β. Glasius, Godgeleerd Nederland, t. I, pp. 81-82. — Moreri, Dict., t. I, p. 116. — Brandt, Historie der Reformatie, t. II et IV, passim. — Halma, Toneel der Vereenigde Nederlanden, t. I, p. 122. — Kist et Royaard, Nederlansch Archief voor Kerk. Geschied., t. V, pp. 57-202 ; t. XIV, pp. 195-264. — Isaac Le Long, Boekzaal der Nederduytsche Bybels, pp. 781-809. — Le Long, Biblioth. sacr., t. II, cap. ix. — V. Gaillard, De l’influence exercée par la Belgique sur les Provinces-Unies, Mém. in-8o de l’Acad. de Belgique, t. VI, pp. 124 et 141-142. — Biog. universelle de Michaud, t. III, p. 532. — Nouv. Biogr. universelle, publiée par Didot, t. IV, p. 759.