Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BEAUFORT-SPONTIN, Guillaume III DE

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BEAUFORT-SPONTIN, Guillaume III DE



BEAUFORT-SPONTIN (Guillaume III, DE), sire de Spontin, de Gedinne, de Brumagne, etc., dit l’Ardennais. Homme de guerre, xive siècle. Il était fort jeune encore lorsqu’il succéda, le 17 juillet 1326, à son père Jacques de Beaufort, sire de Spontin. Cependant il avait déjà atteint sa majorité en 1339 ; car ce fut en cette année qu’il releva, du comte de Luxembourg, la seigneurie paternelle par-devant la cour du baillage souverain de Poilvache. Si dans le registre aux actes de dénombrement des fiefs de ce baillage il se trouve désigné par le même surnom l’Ardenoys sous lequel son aïeul avait été connu du chroniqueur de la bataille de Woeringen, Guillaume III ne le cédait point, comme homme de guerre, à son belliqueux ancêtre. Mais c’est sous la bannière de Namur qu’il devait continuer la renommée de bravoure que Guillaume II avait attachée à son nom. En effet, Jean l’Aveugle, comte de Luxembourg, avait vendu, en 1342, la prévôté de Poilvache, dont le fief de Spontin était une dépendance, à la comtesse douairière de Namur, Marie d’Artois. Cette circonstance et une parfaite conformité d’esprit chevaleresque firent s’attacher le jeune sire de Spontin à Robert, l’un des fils puînés de Marie d’Artois et frère du comte Guillaume Ier.

Tous deux aspiraient d’une égale ardeur à montrer leur épée dans quelque grande entreprise militaire. L’esprit sans doute préoccupé des merveilleux exploits dont les chants de geste des trouvères avaient placé le théâtre en Orient, ils se tournèrent de ce côté, bien que le mouvement des croisades eût cessé depuis un demi-siècle et que la puissance chrétienne en Orient se trouvât réduite à la possession des îles de Rhodes et de Chypre. Nous ne possédons guère de détail sur le voyage qu’ils accomplirent en Palestine. Seulement nous savons par le témoignage de Froissart (liv. I, chap. CCL, édit. Kervyn de Lettenhove), qu’ils visitèrent ensemble le mont Horeb, le mont Sinaï, de même que le saint sépulcre, et que, dans le voisinage des tombes historiques où reposaient les restes des deux premiers rois latins de Jérusalem, Robert de Namur reçut des mains du sire de Spontin les honneurs de la chevalerie. Ils furent de retour en Europe en 1347.

Rentré à Namur, Robert apprit que les Anglais venaient de mettre le siége devant Calais. Partageant l’animosité que sa mère nourrissait contre la France depuis que son frère Robert d’Artois s’était vu forcé de s’expatrier, il réunit une troupe de vaillants hommes d’armes et courut offrir son bras à Édouard d’Angleterre. Parmi eux ne pouvait manquer de se trouver son parrain d’épée, Guillaume de Spontin. Malheureusement, ils n’arrivent pas à temps pour prendre part à la bataille de Crécy, ni à aucun autre fait militaire ; car la ville de Calais se rend aux Anglais, puis une trêve intervient qui doit se renouveler successivement jusqu’en 1350. De sorte que les jeunes guerriers namurois eussent été déçus dans l’espoir de se signaler par quelque action d’éclat, si un incident n’était survenu qui leur permit de montrer ce qu’ils valaient. Pendant la lutte qui venait d’avoir lieu, une foule de corsaires espagnols n’avaient cessé de courir sus aux navires anglais et de les mettre au pillage. Mais, une fois la guerre suspendue en France, le roi Édouard songea à prendre sa revanche sur l’Espagne. Or, il se trouvait précisément à Bruges et dans les autres ports de la Flandre une soixantaine de gros bâtiments de commerce espagnols qui étaient venus charger du drap et de la toile. Leur chargement étant complet, ils s’équipèrent en guerre et mirent en mer. De son côté, Édouard avait rassemblé dans le port de Calais des forces navales suffisantes pour barrer le chemin à cette flotte et la prendre ou la détruire. Ses plus déterminés barons se trouvaient dans ces navires dont lui-même avait pris le commandement en chef. Celui sur lequel il avait arboré son pavillon était confié à la bravoure de Robert de Namur et de ses valeureux compagnons d’armes. Froissart (liv. I, ch. CCLXXI-CCLXXIV) nous a laissé une description vivante et animée du combat qui s’ensuivit et dans lequel les Espagnols laissèrent quatorze de leurs bâtiments au pouvoir des Anglais. On y lit qu’au plus fort de l’action, le navire commandé par Robert de Namur se trouva un instant dans le plus grand danger et faillit même être pris par deux vaisseaux espagnols ; mais, grâce à la bravoure de ses défenseurs, il parvint non-seulement à se dégager, mais encore à s’emparer des deux bords ennemis.

Quelle part le sire de Spontin prit, depuis l’an 1350 jusqu’en 1369, à la guerre entre la France et l’Angleterre, nous ne le savons pas. Mais, durant cet espace de temps, nous le voyons intervenir dans un grand nombre d’actes importants du gouvernement du comte de Namur, d’où l’on peut inférer qu’il jouissait d’une haute considération dans les conseils de ce prince.

En 1369, lorsque le duc de Lancastre, débarqué à Calais avec des forces considérables, les eut conduites à Tournehem, entre Ardres et Saint-Omer, où il se retrancha en présence d’une armée française que le roi Charles V s’apprêtait précisément à lancer sur l’Angleterre, le sire de Spontin et Robert de Namur reparurent tout à coup sous la bannière anglaise, cherchant une occasion de faire acte de prouesse. Mais cette fois encore l’occasion de se signaler leur fut refusée, l’armée française ayant presque aussitôt reçu l’ordre de se dissoudre, après quelques escarmouches de peu d’importance. Une de ces rencontres donna lieu à un épisode chevaleresque dont Froissart n’a pas manqué de prendre note et dont les deux hommes d’épée belges furent les héros. A la fin d’une nuit, comme les guerriers namurois venaient de faire le guet, on annonça tout à coup qu’un corps français s’avançait vers l’endroit où ils avaient leur quartier et se disposait à attaquer le camp. Aussitôt Robert de Naraur s’adressant au sire de Spontin : « Allons aider nos gens ! » lui dit-il. Puis, ayant mis son bassinet sur la tête et fait dérouler la bannière qui était plantée devant sa tente, il s’élança au-devant de l’ennemi avec quelques-uns de ses fidèles. Plusieurs essayèrent vainement de le retenir jusqu’à ce que le duc de Lancastre eût été prévenu ; mais il s’écria : « Qui voudra envoyer devers monseigneur de Lancastre, si envoie ; et qui m’aime, si me suive ! » Sans plus ajouter un mot, il partit, l’épée au poing, ayant à ses côtés le seigneur de Spontin et messire de Senseilles, ainsi que plusieurs autres chevaliers qui furent bientôt en bataille. Leurs gens avaient engagé le combat avec les Français qui étaient en grand nombre. Mais ceux-ci, voyant arriver la bannière de Namur, crurent que toute l’armée anglaise la suivait, et ils se replièrent prudemment.

Pendant le court séjour que les Anglais venaient de faire dans l’Artois, le sire de Spontin avait pu se refaire quelque peu la main à la lance et à l’épée, après avoir passé tant d’années dans les conseils du comte de Namur. De sorte que la bataille de Bastweiler, à laquelle il devait prendre part, ne le trouva pas au dépourvu. Nous ne rappellerons pas ici les causes qui amenèrent entre Guillaume, duc de Juliers, et Wenceslas, duc de Brabant, cette querelle par laquelle fut motivée l’invasion des terres du duché rhénan par l’armée brabançonne, en 1371. On sait que, le 22 août, cette armée se trouva en présence des forces réunies du duc de Juliers et du duc de Gueldre, dans la plaine de Bastweiler, à deux lieues et demie d’Aix-la-Chapelle. Wenceslas divisa ses troupes en deux corps de bataille. Il partagea le commandement de l’un avec le comte de Saint-Pol, et confia la direction de l’autre à Robert de Namur ; accompagné de son frère Louis et de son neveu Guillaume qui devait plus tard recueillir la succession du comté sous le nom de Guillaume III. Dans ce même corps se trouvait le sire de Spontin, ayant à ses côtés son fils aîné à qui il voulait faire gagner ses éperons dans une grande action militaire. L’affaire s’engagea et les Brabançons furent mis dans une déroute complète. Le duc Wenceslas fut pris avec une grande partie des siens. Robert de Namur, de même que son frère et son neveu, le sire de Spontin et son fils, se trouvèrent au nombre des prisonniers. Ils ne furent relâchés que l’année suivante.

Depuis ce temps, le nom de Guillaume III de Beaufort-Spontin ne figura plus que dans quelques actes publics.

Il mourut le 7 avril 1385, d’après l’inscription d’une dalle tumulaire conservée dans l’église de Spontin.

André Van Hasselt.