Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BOL, Jean

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BOL (Jean), peintre de paysages, de vues de ville, d’animaux, à la gouache, à la détrempe, à l’huile et en miniature, né à Malines,le 16 décembre 1534. Bol appartenait à une famille très-honorable et l’art était chez lui une vocation innée, car dès l’âge de quatorze ans, il décida qu’il s’y consacrerait. Malheureusement il n’y avait plus alors à Malines aucun artiste de mérite. Marguerite d’Autriche était morte depuis quelques années, et avec elle avaient disparu ces astres brillants qu’attirait l’esprit d’élite de la princesse. Un goût nouveau avait succédé à celui des tableaux précieux, tout comme deux siècles après, et l’on vit se répandre la mode de grandes toiles peintes, converties plus tard en tapisseries. Bien qu’il fallut un certain talent pour brosser ces vastes compositions, on comprend aisément qu’il y avait loin de là aux chefs-d’œuvre des vieux maîtres. Malines comptait au moins cent cinquante de ces boutiques de peintres, nous dit Van Mander, et c’est chez un de ces décorateurs que le jeune Jean ou Hans Bol, comme on le nomme souvent, dut apprendre son art. Il vit bientôt, sans doute, que ces leçons ne lui profiteraient guère, car il quitta Malines et se mit à voyager en Allemagne. On sait qu’il s’arrêta à Heidelberg et qu’il y séjourna deux ans, toujours occupé de ses études. Il est probable qu’il fut séduit par la beauté des sites, qui plus tard devaient inspirer son pinceau. En effet, l’ouvrage cité par l’auteur du Schilderboek comme le chef-d’œuvre du maître, Dédale et Icare, représente un paysage accidenté, souvenir probable du Rhin et des vieux châteaux allemands. Ce tableau appartenait au pensionnaire Jean Vander Mander (sic), à Gand, cousin de Charles Van Mander, le peintre-biographe. Celui-ci en fait une longue description et un grand éloge. Il mentionne surtout un rocher baignant dans l’eau et surmonté d’un vieux château qui semblait sortir de la roche moussue comme la plante sort de la terre. Les lointains, le reflet des objets dans l’eau où l’on voyait surnager les plumes d’Icare, détachées par les rayons solaires qui avaient fondu la cire, les figurines, les avant-plans, tout obtient l’approbation de ce juge compétent et toujours estimé. Cette composition a été gravée par Sadeler.

La patrie avait de nouveau attiré Jean Bol : il était revenu à Malines en 1560, car cette année il fut inscrit sur le registre de la corporation de Saint-Luc. Sa réputation était faite; ses paysages étaient alors exécutés à la détrempe, on y admirait une pureté remarquable, une manière ferme et large, une invention et un aspect des plus agréables, un coloris plein d’harmonie. Les amateurs et les marchands recherchaient également ses tableaux et les payaient largement. Tout marchait donc à souhait pour l’artiste, lorsqu’en 1572, Maliues fut surprise et ravagée par les gens de guerre. Jean Bol fut dépouillé de tout ce qu’il possédait et s’enfuit à Anvers où il arriva pauvre et presque sans vêtements. Un homme généreux, un amateur d’art dont, grâce à Van Mander, le nom est venu jusqu’à nous, Antoine Couvreur, de Bailleul, accueillit l’artiste, dont sans doute il connaissait les œuvres, l’hébergea généreusement et remonta sa garderobe. Jean Bol trouva bientôt à s’occuper à Anvers. Il y fut reçu bourgeois de la ville en 1575. Le vieil auteur auquel nous devons tant de renseignements précieux, nous parle d’un ouvrage d’enluminure qu’il exécuta à cette époque et qui consistait en un livre représentant toutes espèces d’animaux, oiseaux, poissons et objets curieux dignes d’être reproduits, le tout d’après nature.

Au xvie, tout aussi bien qu’au XIXe siècle, on connaissait la contrefaçon; déjà, à cette époque, les artistes étaient victimes des brocanteurs, doublés de faussaires, qui achetaient les tableaux, les copiaient à s’y méprendre et les vendaient comme provenant du maître; cela arriva si souvent à Jean Bol qu’il résolut d’abandonner la peinture à l’huile. Il fit alors beaucoup de gouaches, d’enluminures et de miniatures; ce sont probablement des œuvres de cette époque que possèdent les bibliothèques de Paris, de Berlin et de Vienne. En ce temps, malheureusement, les jours de calme et de prospérité n’étaient pas de longue durée; la guerre et ses tristes conséquences décourageaient les acquéreurs et ruinaient les artistes. Alors que notre pauvre Hans avait à peu près oublié ses pertes de Malines, il dut fuir de nouveau devant les troubles qui désolaient Anvers, et, en 1584, il se dirigea vers la Hollande. Il s’arrêta d’abord à Berg-op-Zoom, de là il se rendit à Dort, où il habita environ deux années, et, après un séjour à Delft, il s’établit enfin à Amsterdam. Sans doute il y fut bien apprécié, car il y exécuta un grand nombre de compositions, choisissant de préférence des vues d’Amsterdam, tantôt du côté de l’eau, tantôt du côté des terres; puis il peignit les villages environnants et Van Mander nous raconte que ces divers travaux lui rapportèrent beaucoup d’argent. Entre autres l’auteur du Schilderboek mentionne un ouvrage exécuté pour un sieur Jacques Razet, amateur qui en possédait plusieurs du même maître. — C’était un Calvaire assez grand, avec beaucoup de figures, où l’artiste avait déployé tout son talent, aussi bien pour les figures que pour les nus, le paysage, les chevaux, etc. C’était, dit Van Mander, ordonné avec art et bien exécuté. Jean Bol avait épousé une veuve dont il n’eut point d’enfants, mais qui avait eu, de son premier mari, un fils nommé François Boels. Celui-ci devint élève de son beau-père et annonçait un talent distingué, qu’il ne put développer, étant mort jeune, peu de temps après son maître. Le meilleur élève de Bol fut Jacques Savery, le jeune, de Courtrai , qui apprit son art à Amsterdam, car ou sait qu’il y séjourna et y mourut.

Jean Bol décéda à Amsterdam, le 20 novembre 1593. Son portrait existe, très-bien gravé par Henri Goltzius, en buste, dans un cartouche ovale, au-dessus duquel deux génies sont occupés à écrire ces mots : Joannes Bollius, etc., cælatum vitrici effigiem, etc., M.C.XC.III. Il fut non-seulement un bon peintre, mais aussi un graveur de talent; ses eaux-fortes sont estimées. On cite : La rencontre de Jacob et d’Esaü. — Le serviteur d’Abraham chez Rebecca. — Rebecca faisant abreuver les chameaux d’Éliézer. — Jean prêchant dans le désert. Paysages : Suite de douze petites pièces rondes. On a beaucoup gravé d’après ses riches compositions; parmi ces gravures, on cite l’Histoire du prophète Jonas, exécution de Jérôme Cock; éditeur Hans van Luyck.

Ad. Siret.