Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BOONEN, Jacques

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BOONEN (Jacques), évêque de Gand et archevêque de Malines, né à Anvers, le 11 octobre 1573, mort à Bruxelles, le 30 juin 1655. Son père, Corneille Boonen, se trouvait à Anvers au moment de la naissance de son fils, chargé, depuis environ un an, par le duc d’Albe, gouverneur des Pays-Bas, de la mission délicate et difficile de ramener les rebelles à la foi et à l’obéissance du roi. Le zèle qu’il déploya dans ces circonstances lui attira la haine de ses adversaires, et il mourut empoisonné, victime d’une ignoble vengeance. Privé de cet appui dès l’âge de six ans, Jacques Boonen fut élevé par sa mère, Gertrude Vanden Eetvelde, issue d’une famille noble de Louvain. Celle-ci prit la résolution de quitter la Belgique, tourmentée par les troubles religieux, pour aller se fixer à Cologne. Plus tard, le jeune Jacques vint demeurer à Maestricht, chez son oncle, Engelbert Boonen, prévôt du chapitre de Saint-Servais, qui, après avoir enseigné à son neveu les premiers éléments des langues anciennes, l’envoya à Pont-à-Mousson, afin de terminer ses humanités et d’acquérir l’usage de la langue française. De là, Boonen vint à Louvain, pour suivre, à la pédagogie du Porc, les leçons de la Faculté des Arts. Il s’adonna ensuite à l’étude de la jurisprudence, prit le grade de licencié dans l’un et l’autre droit, et alla s’établir à Malines pour se livrer à la pratique du droit. Mais, éprouvant bientôt une forte répugnance pour le barreau, il accompagna, comme conseiller d’ambassade, le prince d’Aremberg dans une mission diplomatique auprès des états généraux de Hollande. Revenu en Belgique, le jeune Boonen devint principal intendant de la maison d’Aremberg, et il se fit admettre, vers la même époque, parmi les familles patriciennes à Louvain dont il descendait par sa mère; il occupa, de 1603 à 1604, un banc échevinal dans la même ville.

Ayant résolu d’embrasser l’état ecclésiastique, il fut, dès le 17 novembre, élu chanoine gradué par le chapitre métropolitain de Malines, mais ne prit cependant possession de sa prébende qu’en 1607, après avoir reçu les ordres sacrés. La même année, il fut nommé juge synodal par le concile provincial de Malines; et, l’année suivante, official et juge de la cour spirituelle de l’archevêque Mathias Hovius. Le synode de Malines, en 1609, lui conféra aussi la charge d’examinateur synodal. Par décret du 24 septembre 1611, les archiducs Albert et Isabelle le nommèrent conseiller ecclésiastique du Grand Conseil de Malines. Le 22 juin de l’année suivante, il fut élu à l’unanimité doyen du chapitre métropolitain en remplacement de François Vander Burch, promu à l’évêché de Gand; et lorsque, quatre ans plus tard, ce prélat passa à l’archevêché de Cambrai, il lui succéda également sur le siége épiscopal de Gand. Nommé par les archiducs en 1616, il reçut du Souverain Pontife ses lettres de confirmatiou au commencement de l’année suivante, prit possession du siége dès le 13 janvier, et fut sacré à Malines, le 5 février, par l’archevêque Hovius assisté des évêques d’Anvers et de Bois-le-Duc. Il n’administra le diocèse de Gand que quatre ans environ; en effet, sur la proposition unanime des évêques de Belgique, les archiducs le désignèrent au Souverain Pontife, par lettres du 24 décembre 1620, comme candidat au siége archiépiscopal de Malines, devenu vacant par la mort de Hovius. Boonen obtint ses bulles de translation le 21 octobre 1621, prit possession du siége par procuration, le 26 novembre de la même année, et fit son entrée solennelle à Malines le 24 décembre, après avoir reçu le pallium des mains du nonce apostolique le 15 du même mois.

Dès le premier moment de son administration, le nouvel archevêque s’occupa de la réforme des mœurs et du rétablissement de la discipline ecclésiastique parmi le clergé et les fidèles. Convaincu que l’ignorance est une des sources principales des dérèglements moraux, il mit tous ses soins à la combattre en procurant à ses ouailles les bienfaits de l’instruction. Ce fut pour inculquer au peuple la connaissance des premières vérités de la religion, que l’archevêque et ses suffragants résolurent de faire paraître un nouveau catéchisme plus complet et plus à la portée des fidèles que l’ancien, publié en 1607. Le nouveau catéchisme, imprimé à Anvers, et revêtu de l’approbation archiépiscopale en date du 22 août 1623, se répandit non-seulement dans la province ecclésiastique de Malines, où son usage était obligatoire, mais aussi dans les diocèses voisins. Ce fut encore dans l’intérêt de l’enseignement qu’en 1630 l’archevêque appela à Malines, et plus tard aussi à Bruxelles et à Laeken, les Pères de la Congrégation de l’Oratoire, fondée en France par le cardinal Bérulle, et qu’il montra toute sa vie une prédilection marquée pour ces religieux dont la mission principale était l’éducation de la jeunesse.

Lorsqu’on jette un coup d’œil sur les lettres pastorales et les ordonnances de Boonen, on s’aperçoit sans peine que, tout en favorisant le développement de l’instruction, il ne négligeait aucun des autres moyens en son pouvoir pour moraliser le peuple. Il octroya des statuts aux corporations d’ouvriers, ou métiers, comme on les appelait alors, et, de cette manière, réprima plusieurs abus. Il fonda aussi à Bruxelles une maison de filles repenties. Les nombreuses réunions des évêques et les synodes des doyens ou archiprêtres qui eurent lieu sous son épiscopat fournissent la preuve évidente de sa grande sollicitude pour la réforme de la discipline parmi le clergé. Il s’attacha avant tout à mettre en vigueur tous les décrets disciplinaires portés par le concile de Trente, et publia des règlements touchant la célébration des fêtes, l’observation du dimanche, la prédication, et l’administration des sacrements. On trouve l’analyse sommaire et l’indication de tous ces documents dans le Synopsis Monumentorum du docteur Vande Velde ( t. II, pp. 643-650). Grâce aux efforts de Boonen, les religieux d’Afïlighem, dont il était abbé commendataire en sa qualité d’archevêque de Malines, retournèrent à l’observance stricte et rigide de la règle de Saint-Benoît. Leur exemple fut bientôt suivi par les abbayes de Saint-Denis et de Saint-Ghislain près de Mons, et par celle de Saint-Adrien, à Grammont.

Le zèle et le dévouement que Boonen ne cessa de déployer depuis les premières années de son épiscopat lui concilièrent l’estime et l’affection de tous; ils lui firent gagner la confiance de la cour, au point que l’archiduchesse Isabelle le plaça, dès l’année 1626, au nombre de ses conseillers d’État. Peu de temps après, elle le fit nommer, par le Souverain Pontife Urbain VIII, délégat apostolique auprès des armées royales en Belgique. Elle l’honora aussi, en 1633, d’une mission diplomatique de la plus haute importance à la cour de Hollande; et, au moment de sa mort, le chargea de l’exécution de ses dernières volontés.

Boonen était d’un naturel doux, agréable, et l’on peut dire, sans exagération aucune, que la devise Vince in bono qu’il avait adoptée se vérifiait littéralement en lui. À cette aménité de caractère il joignait une grande fermeté qui ne se laissait ébranler par aucune considération lorsqu’il s’agissait de l’administration diocésaine ou de la défense des prérogatives archiépiscopales. Témoin la contestation qui surgit entre les archevêques de Malines et de Cambrai pour savoir à qui reviendrait l’honneur de faire les funérailles de l’archiduc Albert. L’archevêque de Malines sut maintenir les droits du primat de la Belgique, et célébra le service fuuèbre avec la plus grande pompe, les 11 et 12 mars 1622, en l’église des SS. Michel et Gudule, à Bruxelles. Sa générosité ne connaissait pas de bornes. Il était le père des pauvres, et, lorsque la patrie était en danger, il ne reculait devant aucun sacrifice. C’est ainsi, par exemple, qu’en 1629 il fit don aux armées qui défendaient la Belgique, d’une somme de huit mille francs, et, deux ans plus tard, d’une nouvelle somme de dix mille francs.

Malgré toutes ces belles qualités de l’esprit et du cœur, Boonen se laissa entraîner par le parti janséniste; il donna, pendant quelque temps, l’exemple de la résistance aux décrets de la cour de Rome, en facilitant d’abord l’impression et la distribution du fameux Augustinus, de Jansenius; et en empêchant ensuite par tous les moyens possibles la promulgation de la condamnation de ce livre. Les instances d’Urbain VIII et d’Innocent X pour obtenir de l’archevêque la publication des bulles condamnant la doctrine de l’Augustinus restèrent sans résultat. Boonen et son ami Antoine Triest, évêque de Gand, refusèrent avec opiniâtreté de se soumettre aux injonctions du Souverain Pontife. Poussé à bout par la désobéissance des deux prélats, Innocent X les somma, par bref du 18 novembre 1651, de se rendre à Rome afin de s’expliquer sur la conduite qu’ils avaient tenue, et les menaça de l’interdit et de la suspense, s’ils tardaient à obtempérer à son ordre. Alarmés par ce décret, ils s’excusèrent sur leur grand âge (Boonen avait près de quatre-vingts ans), leurs infirmités et sur les lois du pays qui ne leur permettaient pas de comparaître en justice hors de la Belgique. A la suite de ces observations ils furent autorisés, le 27 juillet 1652, à se faire représenter par des procureurs; mais ils imaginèrent alors un autre expédient pour ne pas avoir à répondre au tribunal du Souverain Pontife; ils se firent défendre, par un arrêt du Conseil de Brabant du 29 décembre suivant, de plaider leur cause à Rome sous peine de voir saisir tous leurs biens temporels. Lorsque Innocent X apprit ces tergiversations, il lança contre les deux évêques réfractaires une bulle par laquelle il les suspendait de toute juridiction et de toute fonction ecclésiastique. Elle arriva à Bruxelles le 6 mai 1653; elle fut affichée, le 11 du même mois, aux portes de l’église des SS. Michel et Gudule, et fut communiquée officiellement au chapitre métropolitain le 28 juin suivant, avec l’ordre d’interdire au prélat l’entrée de l’église cathédrale. L’archevêque se réfugia à Hingene, chez le comte d’Ursel, où son ami l’évêque de Gand vint bientôt le rejoindre. La soumission des deux prélats ne se fit pas attendre longtemps; le 5 août 1653, l’archevêque écrivit de Bruxelles au Souverain Pontife Innocent X, une lettre pour lui annoncer qu’il se soumettait aux décisions de la cour romaine, et qu’il les acceptait sans restriction; il lui demandait ensuite de se réconcilier avec le saint siége et d’obtenir l’absolution des censures encourues. La réconciliation solennelle eut lieu dans la chapelle de la nonciature, à Bruxelles, le 21 octobre suivant. Boonen persista fidèlement dans ces sentiments de soumission envers l’Église, jusqu’au moment de sa mort, arrivée à Bruxelles le 30 juin 1655. Son corps fut enterré au caveau des archevêques. Par son testament il avait légué sa précieuse collection de livres à la bibliothèque de l’archevêché.

Outre le nouveau catéchisme, à la rédaction duquel il prit une large part, et les nombreux mandements qu’il publia pendant un épiscopat de quarante années, l’archevêque Boonen a laissé les ouvrages suivants : 1° Rationes ob qvas illvstrissimvs dominvs archiepisc. Mechlin. Belgii primas etc. à promulgatione Bullæ, qua proscribitur Liber cui titulus, Cornelii Jansenii, Episcopi Iprensis, Augustinus, abstinuit : ex mandato Regio allegatæ, ac Catholicæ Maiestati exhibitæ. E Gallico in Latinum translatæ. MDCXLIX; vol. in-4o de 27 pages. — 2° Epistola.... illvstrissimi ac reverendissimi domini D. Jacobi Boonen, archiepiscopi Mechliniensis et Belgii primatis, catholicæ svæ Maiestati a Consiliis Statvs etc. ad Sacram Congregationem eminentissimi cardinalivm S. Concilii Tridentini Interpretvm, quâ rationem reddit cur nonnullis Religiosis Societatis Jesu negaverit facultatem excipiendi Confessiones; vol. in-4o de 12 pages. Cette lettre, en date du 17 juillet 1654, est suivie de quelques documents relatifs aux difficultés que l’archevêque eut avec les Pères de la Compagnie de Jésus. — 3° Il donna aussi une nouvelle édition, revue et augmentée, du Pastorale Mechliniense.

E.-H.-J. Reusens.

Foppens, Belgica christiana (Ms. des Archives de l’archevêché de Malines), t. I. — Van de Velde, Synopsis monumentorum, t. II, p. 642 — Goethals, Lectures, etc., t. I, p. 119.