Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BOURGOGNE, Nic. DE

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BOURGOGNE (Nic. DE), BURGUNDUS, BURGUNDIUS ou VAN BOURGOIGNE, historien, poëte, jurisconsulte, conseiller au Conseil de Brabant, né à Enghien, le 29 septembre 1586, de Nicolas de Bourgogne, conseiller de Henri de Bourbon (depuis roi de France) et d’Anne Robyns; mort à Bruxelles le 4 janvier 1649. Il était issu de la maison princière de Bourgogne par un bâtard de Jean de Bourgogne. Ayant achevé ses cours d’humanités au collége d’Houdoin à Mons, il vint à Louvain étudier les belles-lettres et le droit. Ses rapides progrès lui concilièrent l’amitié de ses principaux professeurs, Gérard de Courselle et Erycius Puteanus (Henri Vandeputte). Il nous reste un de ses discours qu’il a prononcé dès 1611[1]. Pourvu du grade de licencié en droit, il s’établit à Gand comme avocat et y resta jusqu’en 1627. Dans cette ville il acquit l’estime et la confiance particulière des poëtes Pierssenaeus et Maximilien De Vriendt et prononça, en 1615, l’oraison funèbre de ce dernier. Ces liaisons lui inspirèrent, sans doute, le goût de la poésie dont ses Poëmata, pubiés en 1621, nous fournissent la preuve[2]. Favorisé par une forte clientèle, il devait rencontrer de nombreuses difficultés dans l’interprétation des différentes coutumes du comté de Flandre, notamment dans leur application avec les lois étrangères concernant l’état et la capacité des personnes et l’exécution des contrats. Pour éclaircir cette matière, il composa un ouvrage sous le titre Controversiæ et en soumit le manuscrit à son ancien maître, De Courselle; celui-ci lui reconnut le plus grand mérite et en conseilla l’impression qui eut lieu à Anvers en 1621. Ce que Burgundus dit dans le Prologium de ce livre de l’origine des lois municipales et de l’influence qu’il attribue aux climats est suranné, mais l’ouvrage se compose de quinze traités, et les sept premiers ont fait justement la réputation de l’auteur. Ils traitent de la nature et de la distinction des statuts personnel, réel et mixte, de la forme et de l’exécution des contrats, et de la valeur des jugements à l’étranger. Bartole, d’Argentrée, Dumoulin et Zoës n’avaient traité qu’accessoirement ces points. Burgundus réfute ces auteurs, les surpasse et systématise fort bien les cas où des motifs de convenance commune peuvent faire admettre l’application des lois étrangères. Il déclare lui-même vouloir écrire pour la pratique et non pour les disputes des écoles et des docteurs. Il comblait si bien la lacune existant alors dans la jurisprudence, qu’aujourd’hui encore son autorité est invoquée par tous ceux qui traitent du droit international. Aussi Rodenburg, Paul Voet, Abraham à Wesel et Boullenois qui l’ont suivi dans cette voie, reconnaissent son mérite, la supériorité de ses doctrines et le placent parmi les jurisconsultes du premier rang. L’ouvrage fut bientôt réimprimé et ne tarda pas à se répandre en France, où il était très-estimé.

En 1625, Bourgogne exerça encore sa verve poétique en faisant une élégie sur le mariage d’un de ses amis, Gaspard Gevaert, jurisconsulte et greffier à Anvers[3]. La réputation de profond jurisconsulte que l’ouvrage des Controversiæ et ses succès au barreau méritaient à Bourgogne, lui ouvrirent au mois de juin 1627 l’Université d’Ingolstadt; il y occupa la chaire ordinaire du Code que Viglius avait illustrée et à laquelle étaient attachés des émoluments considérables. La même année, il reçut le bonnet de docteur et bientôt après le duc de Bavière lui conféra les titres de conseiller d’État, de comte palatin et d’historiographe. C’est en 1621 que Bourgogne, par les conseils du chancelier Peckius, entreprit d’écrire l’histoire de la Belgique; ses occupations l’ayant empêché de continuer ce travail, il se borna à en publier, en 1629, à Ingolstadt, un fragment qui embrasse neuf années de la révolution du XVIe siècle[4]. Il dit avoir eu en mains les papiers des présidents Viglius et Tisnacq et toutes les lettres écrites par Philippe II à Marguerite de Parme et par celle-ci au roi. Mais peut-on ajouter foi au récit de Bourgogne dont toutes les sympathies étaient pour le parti espagnol, le parti ultra-catholique et qui n’avait pas à sa disposition les papiers et les renseignements du parti opposé, du parti national? Aujourd’hui qu’il existe tant de documents précieux sur cette grande époque, on peut répondre négativement. Suivant Bourgogne, le prince d’Orange était l’auteur principal de l’agitation qui dans les Pays-Bas devait amener un bouleversement. Il relève les belles qualités de Philippe II, en signalant pourtant quelques-uns de ses défauts. Il ne croit pas au projet qu’eurent ce monarque et ses agents d’établir l’inquisition en Belgique. Appelé par sa position à écrire l’histoire de la Bavière, il n’en acheva que deux fragments, qui comprennent une période de trente-quatre années. Il lui est échappé, dit Paquot, quelques traits libres contre la cour de Rome, et c’est apparemment ce qui a porté les protestants à réimprimer son livre[5]. Deux années auparavant, il avait traité un point historique de l’électorat qui constatait déjà de profondes connaissances en cette matière[6]. En 1636, il mit au jour à Ingolstadt un commentaire sur les Evictions, tiré de ses leçons, qui annonce une parfaite étude du droit romain et qui eut plusieurs éditions[7].

Après un séjour de douze ans en Bavière, Bourgogne revint aux Pays-Bas, pour entrer comme conseiller au Conseil de Brabant (31 juillet 1639), d’après les conseils de son savant ami Daniel Heinsius, et probablement aussi pour répondre à l’appel de Viglius et de Tisnacq. L’Université d’Ingolstadt, alors très-célèbre, reconnut la perte immense qu’elle venait de faire. A la cour provinciale de Brabant il se montra également à la hauteur de sa position, ce qu’atteste l’éloge qu’a laissé de lui son collègue Stockmans.

En 1646 parut à Louvain, sous les auspices de son fils, Galeaz de Bourgogne, seigneur de Roquemont et avocat au Conseil de Brabant, un petit commentaire sur la prestation des fautes; il est également tiré des leçons de Burgundus, et Stockmans lui reconnaît un double mérite : d’abord celui de traiter méthodiquement et dans son ensemble une matière qui était jusque-là disséminée dans les ouvrages de droit; ensuite celui de rendre leur clarté, leur simplicité primitives à des choses que les interprêtes avaient obscurcies. Cet opuscule fut également réimprimé plusieurs fois[8]. Son traité des obligations solidaires n’est pas moins recommandable que les autres[9]. Son autre traité de modo juris dicundi et iis qui jurisdictionem præsunt, n’est qu’un extrait de Jean Buselinus; il y expose le régime municipal de Lille, de Douai et quelques institutions judiciaires de la Flandre, telles que la chambre légale, la chambre des Reninghes et le conseil de Flandre[10].

Bourgogne fut un des premiers jurisconsultes de son siècle. Il avait des connaissances étendues, un grand talent oratoire, un caractère honorable et modeste. La France, la Hollande et l’Allemagne reconnaissent sa célébrité. Quoiqu’il ait tenu, avec son fils, des fiefs de l’abbaye de Saint- Pierre à Gand, il est mort sans fortune, en laissant, après lui, de sa femme, Laurence van Wesemaele, beaucoup d’enfants. Son frère, Gilles de Bourgogne, était licencié en droit et avocat fiscal au Conseil de Flandre. Il nous reste de ce dernier quelques poésies latines.

Britz.

Froland, Mémoires sur la nature et la qualité des statuts, ch. I, 10 et ch. II, 3. — D’Argentré, Observations sur la coutume de Bretagne, art. 218, plos. 6. — Rodenburg, De jure quod oritur a statut. divers., tit. I, ch. I. — P. Voet, De statutis eorumque concursu. — Boullenois, Traité de la personalité et de la réalité des lois, tit. IV, ch. II, obs 46. — Paquot, Mémoires, I, 79. — Sweertius. 573. — Valère André, Bibl.,681. — Annal. Ingoldstadt. Acad. de l’année 1782. — Stockmans, Decis. 102, 5. — Vandenhane, Ad consuctud., Gand, I, 1 et XII, 1. — Burmannus, De vita Heinsii, Harlem, 1742, p. 5. — Discours de M. de Bavay, prononcé le 16 octobre 1848. — Foppens, Mss. 9939. — Archives de l’abbaye de Saint-Pierre, à Gand, publiées par .M. Huyttens. — Noblesse de Flandre, t. II, p. 43.


  1. Oratio de gradibus ad eloquentiam dicta Lovanii, dans la Palœstra bonœ mentis d’Erycius Puteanus. Lovan., 1611, in-4o; id. Francof., 1615, in-12.
  2. Poëmata : Heroicorum, lib. I. Elegiarum, V. Silvarum, II. Antv. 1621, 16.
  3. Epithalamium in nuptias Gasparii Gevartii... accedit in easdem nuptias elegia per Nic. Burgundium. Antv., 1625, in-4o.
  4. Historia Belgica... ab anno 1558 (ad annum 1567 à l’arrivée du duc d’Albe). Ingolstadt, 1629, in-4o : ib., 1633, in-12; id., Halae et Magdeb., 1708, in-4o.
  5. Historia Bavarica... ab anno 1313 ad annum 1317. Ingolst., 1636, in-4o; id., Antv., 1645; Helmstad., 1705, in-4o.
  6. Apologia in electoratu Palatino, pro Christ. Gewoldo et contra marquardam Freherum. Ingolst., 1634, in-4o.
  7. Commentarius de evictionibus practicus et theoreticus. Ingolst., 1636, in-12; id., 1646,in-12; id., Lovan., 1647, in-l2; id. Colon., 1662, in-16; id., Brux., 1673, in-4o. Il est divisé en 106 chap.
  8. Commentarius de periculis et culpis præstandis in contractibus. Anvers, 1646, in-12; id., Lovan., 1658; id. Colon., 1662, in-16; id. Brux., 1673, in-4o.
  9. Commentarius de duobus reis, sive de obligatis in solidum. 1re éd. de 1643; id. Lovan., 1657; id. Brux., 1673, in-4o.
  10. Dans les Opera omnia de l’éd. de Brux. de 1673 et dans l’éd. des Controversiœ de 1634.