Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BOUSSEN, François-René

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BOUSSEN (François-René), évêque de Bruges, né à Furnes, le 2 décembre 1774, mort dans son palais épiscopal, le 1er octobre 1848. Ce prélat distingué eut pour père Laurent-Joseph Boussen, et pour mère Jeanne-Thérèse Vandermeersch. Pourvus d’une certaine aisance, ses parents confièrent son éducation aux Pères de l’Oratoire, qui dirigeaient à Furnes un collége, d’où sortirent beaucoup d’élèves appelés à se distinguer dans les différentes carrières qu’ils embrassèrent. Dès le début de ses études, le jeune François-René montra du goût pour l’état ecclésiastique. Sa grande piété, jointe à son zèle pour l’étude, confirma sa vocation. Un obstacle l’arrêta dans sa carrière. Il venait de terminer sa seconde latine, quand l’invasion française supprima en Belgique tous les établissements religieux. Le collége de Furnes fut fermé et le jeune Boussen se retira chez ses parents. Tout en continuant ses études humanitaires sous la direction d’un maître expérimenté, il s’occupa dans les bureaux de son père, d’affaires ressortissant à l’administration civile et ce travail lui devint très-utile dès son entrée dans le sacerdoce.

Après la conclusion du concordat, en 1801, les séminaires furent réouverts; Boussen se présenta à celui de Gand et fut ordonné prêtre, en 1805, à l’âge de trente et un ans. Son évêque, Mgr Fallot de Beaumont, ayant apprécié ses belles qualités, le nomma son secrétaire et l’admit dans son intimité. Le diocèse de Gand, embrassant les départements de l’Escaut et de la Lys, comprenait une population très-nombreuse. Il fallait une activité extraordinaire pour suffire aux labeurs de cette vaste administration avec un personnel très-restreint; mais le jeune secrétaire se multipliait, suffisait à tout et sut s’attirer la confiance et l’estime de tout le clergé. La paix, rendue à l’Église par le Concordat, fut bientôt troublée dans le diocèse de Gand. Le premier consul, devenu empereur, ne s’entendait plus avec le chef de l’Église; Pie VII était captif à Savone; le concile de Paris, réuni en 1811, ayant rejeté les propositions de l’Empereur, plusieurs évêques encoururent son indignation et son courroux. De ce nombre, fut le prince Maurice de Broglie, successeur de Mgr Fallot de Beaumont à l’évêché de Gand, Incarcéré d’abord à Vincennes, puis déporté à Baume et ensuite à l’île Sainte-Marguerite, on le força à donner sa démission. Boussen, confirmé dans ses fonctions de secrétaire par Mgr de Broglie, fut associé dès lors aux revers et aux persécutions de ce prélat courageux. L’Empereur avait nommé à l’évêché de Gand M. De la Brue de Saint-Bauzile, sans consulter, le saint-siége. La démission de Mgr de Broglie étant considérée comme nulle et invalide, parce qu’elle était donnée durant la captivité du prélat, le clergé ne voulut pas reconnaître le nouvel évêque nommé. M. Boussen repoussa les offres faites par l’intrus de continuer auprès de sa personne les fonctions de secrétaire. Cette fidélité lui valut le courroux de M. De la Brue et il fut obligé de se cacher pour se soustraire à des actes de violence. Les vicaires généraux Goethals et Martens, fondés de pouvoirs de Mgr de Broglie, s’adjoignirent comme secrétaire M. Boussen; ils se tenaient cachés et, du fond de leur retraite, ils continuèrent à administrer le diocèse jusqu’au retour de l’évêque légitime, après la chute de Napoléon Ier, en 1814.

La tranquillité ne régna pas longtemps dans le diocèse. Le nouveau souverain du royaume des Pays-Bas avait fait insérer dans la Loi fondamentale des clauses contraires aux droits et aux libertés de l’Église. L’évêque de Gand, après avoir tenté inutilement, par des moyens de persuasion, d’empêcher les empiétements du pouvoir, dénonça les vices de la Loi fondamentale à l’opinion publique et s’opposa au serment prescrit. Le roi, irrité, voulut se venger de la résistance de Mgr de Broglie, qui s’enfuit en France. Cependant le gouvernement condamna l’évêque par contumace, fit afficher la sentence à un poteau et déclara l’évêque mort civilement et son siége vacant. L’évêque administra son diocèse par ses vicaires généraux, assistés du secrétaire Boussen. Ceux-ci furent arrêtés, incarcérés et traduits devant le tribunal de Bruxelles, qui les acquitta par sentence du 13 mai 1821. Le retour des inculpés à Gand leur valut une ovation publique, ils furent conduits en triomphe à leur demeure. L’évêque étant décédé la même année, M. Boussen fut confirmé dans ses fonctions de secrétaire par les vicaires capitulaires. On peut dire sans exagération qu’il fut l’âme de l’administration diocésaine durant les huit années que dura la vacance du siége. Mgr Vandevelde, sacré évêque de Gand le 8 novembre 1829, reconnut les longs et fidèles services de M. Boussen en le nommant chanoine titulaire de son chapitre et en lui conférant la dignité d’official et d’examinateur prosynodal. Il le conserva cependant comme secrétaire, jusqu’à ce que, accablé du poids qui pesait sur lui par l’administration d’un trop vaste diocèse, il demanda au souverain pontife d’accorder à la Flandre occidentale une administration ecclésiastique séparée. Cette demande fut accordée et M. Boussen fut nommé évêque de Ptolémaide in paribus infidelium et administrateur du futur évêché de Bruges. Il y fut sacré, dans l’église de Saint-Sauveur, le 27 janvier 1833, par Mgr Engelbert Sterckx, assisté des évêques de Tournai et de Gand. Le nouveau diocèse fut érigé canoniquement l’année suivante et Mgr Boussen fit son entrée solennelle dans sa ville épiscopale le 23 juillet 1834. La ville ayant cédé à la province les bâtiments de l’ancienne abbaye des Dunes, pour y établir le séminaire épiscopal, l’évêque nomma le personnel de cette naissante institution et les cours de philosophie et de théologie s’y ouvrirent simultanément.

L’organisation du nouveau diocèse exigeait beaucoup de soins; il fallait nommer le personnel du chapitre, ériger un séminaire diocésain, pourvoir à des nécessités sans nombre. Le nouvel évéque, habitué au travail, se multiplia en quelque sorte. Il publia ses Statuta diœcesis brugensis, et afin d’introduire l’uniformité des cérémonies dans l’administration des sacrements et dans les rits de l’office divin, il abrogea les anciens rituels de Bruges, de Tournai, d’Ypres, qui étaient encore en usage dans les paroisses ayant fait autrefois partie de ces diocèses. Il publia à cet effet le Pastorale diœcesis brugensis, édité par Van Ryckeghem-Hovaere, à Gand.

Durant l’épiscopat de Mgr Boussen, les Flandres furent éprouvées par la famine et les épidémies. Beaucoup de prêtres du diocèse de Bruges succombèrent au fléau; l’évêque manifesta une intarissable charité, et le gouvernement, voulant récompenser tant de dévouement, pria l’évêque de vouloir signaler les prêtres qui avaient le mieux mérité de la patrie et de l’humanité en secourant les malades. La réponse de l’évêque au gouverneur de la province fut : « Comme tous les membres du clergé ont couru le même danger et ont donné les mêmes preuves de dévouement dans les localités où la contagion s’est déclarée, je ne puis citer aucun nom propre. Je me borne donc, Monsieur le Gouverneur, à vous dire que j’ai éprouvé la plus sensible consolation en voyant la charitable émulationqui animait tous les membres de mon clergé, pour venir en aide aux malheureux confiés à leurs soins. » Belles paroles, qui auraient dû, sans doute, valoir une récompense, sinon au clergé du diocèse, au moins au digne prélat.

D’un caractère égal, toujours affable et doux, Mgr Boussen vivait avec une simplicité et une frugalité exemplaires, aussi la maladie ne l’a-t-elle guère éprouvé; atteint d’une indisposition pendant la procession du Saint-Sang, le 4 mai 1846, il vit depuis lors ses forces languir; il conservait néanmoins son énergie au point de négliger son mal en s’adonnant à ses travaux habituels. Jamais il ne se plaignit ni ne voulut qu’on lui parlât de ses souffrances. Il s’éteignit doucement le premier dimanche d’octobre, et fut inhumé dans sa cathédrale le jour de sa fête patronale, le 4 du même mois.

Mgr Boussen a publié : Collectio epistolarum, instructionum et statutorum Ill Domini Francisci-Renati Boussen, XVIII Brugensium episcopi, cinq volumes in-8o, chez Félix de Pachtere et Vanhee-Wante, à Bruges.

F. Vande Putte.