Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BREDENIERS, Henri

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BREDENIERS (Henri), compositeur de musique, né dans la seconde moitié du quinzième siècle. La ville de Lierre avait été indiquée par deux biographes, MM. François Fétis et Alex. Pinchart, comme étant, vraisemblablement, le lieu de la naissance et du décès de Bredeniers ; mais un document, découvert dans les archives de la cathédrale d’Anvers, nous permet de rectifier cette supposition. Dans un compte de l’année 1500, Bredeniers est appelé Herri van Namen, c’est-à-dire, Henri de Namur : nous croyons pouvoir en conclure qu’il naquit dans cette ville, vers 1472. Attiré sans doute à Anvers par la réputation de la maîtrise de Notre-Dame, la plus importante des Pays-Bas, Bredeniers vint y recevoir l’instruction musicale, sous la direction du savant Jacques Barbireau. En 1488, il comptait encore au nombre des enfants de chœur qui concouraient chaque jour à l’exécution du Salut en musique, institué dans la chapelle de la Vierge, et les directeurs le gratifiaient d’un bonnet neuf, pour récompenser son zèle. S’étant, en même temps, adonné à l’étude de l’orgue, il fut trouvé capable, en 1492, de remplacer dans la même chapelle le vieux Maître Godefroid ou Govard De Neve, dit Nepotis, qui avait pris sa retraite. Lorsque Maître Nicolas de Hagha, organiste du grand chœur, décéda en 1501, le chapitre désigna Bredeniers pour remplir ses fonctions ; mais un honneur plus grand attendait l’artiste : la même année, l’archiduc Philippe le Beau, père de Charles-Quint, appela à sa cour « maistre Henry de Bredenierch » (ainsi le qualifie l’ordonnance de Mon Seigneur), et lui conféra la place d’organiste de sa chapelle particulière. L’habile musicien fut dès lors investi de la confiance et de la faveur du prince. Les gages dont avait joui son prédécesseur, l’organiste Florquin, lui furent continués ; il devint, en outre, instituteur ou maître des enfants (choraux) de la chapelle de l’archiduc ; en 1504, il est, grâce à celui-ci, mis en possession d’une prébende à l’église de Saint-Aubain, à Namur ; à plusieurs reprises il accompagne Philippe le Beau dans ses voyages en Espagne, avec Alexandre Agricola et d’autres musiciens belges. En 1508, Bredeniers est chargé de donner l’instruction musicale sur la manicorde au futur empereur Charles-Quint et à ses trois sœurs, les archiduchesses Eléonore, Isabelle et Marie, les futures reines de France, de Danemark et de Hongrie ; les leçons de chant qu’il donne à quatre enfants de chœur de la chapelle valent aussi à l’artiste des rémunérations spéciales. Il reçoit un subside extraordinaire, en 1513, pour avoir logé chez lui, pendant quinze mois, un tambourin des jeunes princesses, nommé Etienne Diedegem, et pour lui avoir appris à jouer des flûtes, du luth, du clavicorde, de l’orgue et d’autres instruments « pour jouer devant mes dictes dames pour leur plaisir et passe-temps toutes et quantes fois qu’il leur plairoit. » À cette époque, cependant, les fonctions musicales de Bredeniers ne l’occupent plus seules. En 1514, le prince le charge d’une mission de confiance en Hollande « pour les affaires » des archiducs Charles et Ferdinand. En considération des « bons et agréables services qu’il luy avoit par cy-devant faiz et faisoit lors chascun jour oudict estat d’organiste, » la munificence royale lui accorde, en 1516, une pension de cent livres. Pour le récompenser de son dévouement et l’aider à terminer une maison, que Bredeniers faisait construire dans la ville de Lierre et dans laquelle il devait faire placer une verrière aux armes du roi, celui-ci lui alloua, la même année, une somme de cinquante livres « don et gratuité » répétés encore en 1521[1].

En 1520, notre artiste accompagne Charles-Quint dans son voyage en Angleterre, et les registres de la chambre des comptes nous apprennent qu’il offrit aux chanteurs de la chapelle d’Henri YIII, à Cantorbery, un banquet dont les frais lui furent remboursés à son retour en Belgique. Enfin, par un décret daté de Worms, le 12 mai 1521, Henri Bredeniers est investi de la dignité de prévôt, la plus haute du chapitre de l’église de Saint-Aubain, à Namur. Ce témoignage suprême de la faveur impériale assurait à l’artiste une existence des plus honorées au milieu de ses concitoyens. Il n’en jouit pas longtemps, car le 27 avril 1522, Bredeniers ayant résigné cette dignité, maître Jean Haneton fut nommé prévôt de Saint-Aubin par l’empereur, en son remplacement. Aucune mention de l’artiste ne se rencontre plus dès lors dans les registres de la chambre des comptes.

Pendant les vingt années qu’il passa à la cour de Philippe le Beau et de Charles-Quint, Bredeniers eut l’occasion de faire quelques épargnes. A plusieurs reprises il acheta des rentes sur la ville d’Anvers, notamment, en 1517, une rente de 100 florins carolus qu’il donna en dot à sa fille Jossine, lors de son mariage avec un marchand nommé Rombout Borreman. Deux autres rentes, achetées primitivement par Bredeniers, appartenaient au chapitre de Lierre, en 1549. Enfin, les intérêts d’une rente viagère acquise et placée par lui sur la tête de sa fille précitée, en 1513, furent payés par la ville d’Anvers, jusqu’au 13 juin 1595, jour de la mort de celle-ci.

Sa réputation d’habileté sur l’orgue était si bien établie qu’on venait fréquemment solliciter ses conseils; c’est ainsi que les directeurs de la confrérie de la Sainte-Vierge à l’église Notre-Dame d’Anvers, ayant fait reconstruire sans succès, en 1505, les orgues de leur jubé par le facteur Daniel Vander Distelen, ils durent, en 1509, les donner à refaire à un facteur nommé maître Hans Suys, qu’ils firent venir de Nuremberg. Henri Bredeniers fut ensuite appelé à Anvers à deux reprises, en 1513, afin de les examiner avant leur réception. Lors de ces séjours, l’habile organiste fut fêté par ses anciens confrères, et reçut, en outre, un présent de huit aunes de velours noir, pour s’en faire un manteau.

Bredeniers eut, on le voit, une carrière des plus heureuses. Il fut à la fois estimé de ses égaux et honoré des princes. A des connaissances musicales étendues qui lui permettaient d’enseigner et le chant et presque tous les instruments en usage au seizième siècle, il joignit un talent distingué de compositeur. Malheureusement, un bien petit nombre de ses œuvres sont venues jusqu’à nous. M.Fétis ne cite que les suivantes : Un motet à cinq voix, Misit me Pater, inséré dans les Ecclesiasticæ cantiones, sex, quinque et quatuor vocum, publiées à Anvers, chez Plantin, petit in-quarto oblong, et une messe à quatre voix, Ave Regina Cælorum, dans un manuscrit de la Bibliothèque royale de Belgique. La date du décès d’Henri Bredeniers est inconnue.

Chev. L. de Burbure.

Archives à Anvers et archives de l’État à Namur. — Alex. Pinchart, Archives des arts, etc. — Fétis, Biogr. universelle des musiciens, 2e édit.


  1. Ces travaux, faits dans une maison située à Lierre, s’expliquent par la nécessité où était Bredeniers de s’y loger, fui et les enfants de chœur, chaque fois que le souverain, suivi de sa cour et conséquemment de sa chapelle musicale, établissait sa résidence dans le palais ducal de cette ville, où, de temps immémorial, les États du Brabant tenaient certaines de leurs assemblées. De là les subsides accordés par Charles-Quint et le placement dans cette habitation d’une verrière à ses armes.