Biographie nationale de Belgique/Tome 3/CARDON, Antoine-Alexandre-Joseph

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CARDON, Antoine-Alexandre-Joseph



CARDON (Antoine-Alexandre-Joseph), dit le vieux, peintre, graveur à l’eau forte et au burin, né à Bruxelles le 7 décembre 1739, mort dans cette ville le 10 septembre 1822. Dès son jeune âge, il étudia les éléments de l’art plastique, et eut ensuite pour premier maître Hyacinthe de la Pegna, peintre de l’impératrice Marie-Thérèse, à Bruxelles. Il fit avec lui le voyage de Vienne, où ils séjournèrent tout un an. Quelques ouvrages, qui annonçaient un talent véritable, attirèrent sur Cardon l’attention du comte de Cobentzl, ministre d’Autriche dans les Pays-Bas, et, grâce à ce protecteur des arts, il obtint le titre de pensionnaire impérial; il put ainsi visiter l’Italie, avec fruit et bien-être. Il demeura pendant trois années à Rome, se perfectionnant dans la pratique picturale et s’essayant à graver, tant à l’eau-forte qu’au burin. Il se rendit alors à Naples, s’y livra à la gravure avec une prédilection passionnée, et finit par abandonner entièrement la peinture, qu’il avait cependant cultivée avec succès. Il exécuta dans cette ville, en 1764, par conséquent à l’âge de vingt-cinq ans, de remarquables eaux-fortes : Vues de Naples et de ses environs, d’après les dessins de J. Aracci. Elles furent publiées en un recueil in-folio en largeur, d’une trentaine de planches. Chaque gravure était dédiée à un personnage éminent. Parmi ces planches on distingue : Viduta di Napoli, Viduta di Chiaia, Grotte di Nero, — la Muse de l’histoire traçant sur un bouclier les noms de la famille impériale d’Autriche, frontispice. A la même époque, il produisit le portrait en pied du prince Georges d’Angleterre, moyenne pièce en hauteur. En 1765, il fut chargé de l’exécution des planches du magnifique ouvrage, en quatre volumes grand in-folio, édité par d’Hancarville (Naples, 1766-1767), avec texte français et anglais, sous le titre de : Antiquités étrusques, grecques et romaines, tirées du cabinet de sir William Hamilton, ambassadeur d’Angleterre à la cour du roi des Deux-Siciles. A peine les deux premiers volumes étaient-ils terminés, que Cardon fut rappelé à Bruxelles par le comte de Cobentzl, qui avait projeté de lui confier la gravure des planches d’une Histoire de l’ordre de la Toison d’or, à publier par le conseiller De Borst. La mort de l’auteur mit obstacle à la réalisation de l’œuvre.

Cardon ne s’éloigna plus de sa patrie; il s’établit à Bruxelles et, peu de temps après son retour, il y fut nommé professeur à l’Académie de dessin et peinture. De ce moment il consacra ses talents à son pays; il grava un grand nombre de frontispices, titres et vignettes pour les livres illustrés et des estampes très-estimées, d’après les peintres flamands et français. On cite, de la collection du duc d’Arenberg, en 1769 : le Bain rustique, d’après Ant. Watteau, et la Signature du contrat de mariage au village, d’après le même peintre, superbe estampe de grand format, en largeur, où se voient plus de cent figures, et qui est considérée comme la planche capitale du graveur; — la Jeune pèlerine, d’après Ph. Wouwermans, et le Paysage avec bestiaux, d’aprèè Nic. Berchem; — la Vue d’une campagne de Flandre, d’après P.-P. Rubens, et la Veduta di Ponte nuovo (Naples), d’après le dessin de Gabriel Ricciardielli, belle eau-forte en deux feuilles. Cette dernière estampe fut dédiée au comte de Cobentzl, dont on présume qu’il grava aussi le portrait anonyme, portant les vers suivants pour inscription :

Eclairé, ferme, actif et digne de son maître,
Sa gloire est d’être juste, et non de le paraitre.

A. Aristide.

D’autres portraits, exécutés par Cardon le vieux, montrent que son talent se pliait avec non moins d’habileté à chaque genre de gravure. On peut mentionner avec éloge, outre ceux du prince Georges d’Angleterre (1764) et de l’empereur Joseph II (1787), d’après Herreyns, in-folio, le chevalier Verhulst, in-4o, P.-P. Rubens, le général Jean-André Vander Meersch, l’archiduc Charles d’Autriche, le prince De Ligne, d’après C. Leclercq, le musicien J. Vitzhumb, le chirurgien P.-J. van Baveghem, d’après De Lantsheer, in-8o. Il grava même des cartes topographiques, entre autres : Icon sinus baiarum, en deux feuilles, dessinée à Naples par J. Aracci, et que Cardon orna d’un élégant cartouche, avec dédicace au prince Michel de Francoville; la Carte de la forêt de Soignes et de ses environs; cinq Cartes du parc et du château de Marimont, avec les alentours. En coopération de Martenasie et d’autres graveurs belges, il travailla aux planches du Recueil des figures de neige élevées en janvier 1772 dans les rues d’Anvers par les jeunes artistes de l’Académie des beaux-arts. Ce recueil in-folio fut édité par le comte de Robiano et dédié au prince Charles de Lorraine.

En 1815, il fut nommé membre de l’institut des Pays-Bas, créé par le roi Guillaume Ier, à Amsterdam. Mais, dit Arthur Dinaux, l’artiste septuagénaire n’était plus utile alors que par le conseil; sa main tremblante ne maniait plus le burin.

Antoine Cardon le vieux eut des fils qui entrèrent dans la carrière artistique : Philippe Cardon, dont on ignore le lieu et la date de naissance, mourut à Bruxelles en 1817 ; c’était un excellent dessinateur, qui employa avec une rare habileté les ressources de l’encre de Chine. Ses productions sont estimées, et le méritent. Plusieurs cabinets possèdent de cet artiste de vrais chefs-d’œuvre dans ce genre de dessin au lavis. Son frère, Antoine Cardon, dit le jeune, s’adonna à la gravure et s’acquit une grande réputation.

Edm. De Busscher.

De Bast et Cornelissen, Annales du Salon de Gand et de l’école moderne des Pays-Bas. — Arthur Dinaux, Archives du Nord de la France et du Midi de la Belgique. nouv. série, 1842, t. III. — Goethals, Lectures sur les sciences et les arts, t. II et III. — Immerseel et Kramm, Levens der Holl. en Vlaams. schilders, graveurs. etc. — Charles Le Blanc, Manuel de l’amateur d’estampes. — Van der Stralen, Jaerboeken van Sint-Lucas gilde t’Antwerpen.