Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Théaulon (Marie-Emmanuel-Guillaume-Marguerite de Lambert)

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THÉAULON (Marie-Emmanuel-Guillaume-Marguerite de Lambert), l’un des auteurs dramatique les plus féconds de notre époque, né à Aigues-Mortes le 14 août 1787, de la même famille que l’archichancelier Cambacérès, fut destiné au barreau, dès l’enfance, et envoyé à Montpellier pour entrer dans cette carrière. Après avoir fait ses premières études au lycée de cette ville, où il fut admis par le moyen d’une bourse que lui fit obtenir l’archichancelier, il fut placé chez un avocat de Nismes, pour y recevoir les premiers éléments de cette profession. Mais il s’en dégoûta bientôt, et, entraîné par son goût pour la poésie, il composa quelques pièces de vers assez remarquables, entre autres une ode sur la victoire d’Iéna, que venait de remporter Napoléon. Le succès qu’il obtint par ce début lui fit concevoir l’espérance d’en obtenir de plus considérables. Comprenant que cela serait difficile dans la province qu’il habitait, il se munit de bonnes lettres de recommandation pour son illustre cousin, et s’achemina vers la capitale, où il arriva vers la fin de 1808. C’était le temps où sa Majesté Impériale s’occupait de bien autre chose que de poésie. Théaulon ne fut pas aussi promptement accueilli que sa position l’exigeait ; et en attendant Cambacérès ne put faire mieux que de lui obtenir une commission d’inspecteur des domaines. Peu satisfait d’une aussi mince faveur, il ne se rendit pas au poste qui lui était assigné ; et s’étant dès lors lié avec plusieurs auteurs dramatiques, notamment M. Dartois, ils composèrent ensemble, pour le théâtre du Vaudeville quelques pièces qui réussirent assez bien, entre autres les Fiancés, les Femmes soldats, les Femmes volantes Ce succès ne suffisant pas à l’ambition ou peut-être aux besoins de l’auteur, il partit pour l’Allemagne, où une commission d’inspecteur des hôpitaux militaires lui fut donnée, toujours par la protection de Cambacérès. Cette fois il n’hésita pas à l’accepter, et, après quelques mois d’exercice, il passa en Italie en la même qualité. Pendant son séjour à Milan il fit représenter un vaudeville, à l’occasion du retour de l’armée, qui revenait triomphante de Wagram, ce qui lui valut, de la part du prince Eugène, une gratification de cinquante napoléons, dans une belle boîte ornée de son chiffre. Cet encouragement ne fut pas perdu ; Théaulon se hâta de revenir à Paris, et il y composa, sous le titre d’ode sur la naissance du roi de Rome, une des meilleures pièces qui aient été publiées sur ce grand sujet. Elle valut à l’auteur une gratification impériale qui surpassa celle du prince Eugène. Mais déjà le trône de Napoléon semblait fort ébranlé, et toute la France attendait dans l’anxiété l’issue de la crise dont il était menacé. Enfin le 31 mars 1814 vit entrer les armées coalisées dans Paris, et une grande partie des habitants arbora la cocarde blanche. Théaulon ne fut pas des derniers à se ranger du parti royaliste, et il composa la première chanson qui ait été faite en l’honneur des Bourbons. Louis XVIII était à peine entré dans la capitale, qu’il fit représenter avec M. Dartois les Clefs de Paris, ou le Dessert de Henri IV, trait historique en vaudeville. Il donna encore dans cette même année plusieurs pièces du même genre, et dans toutes il montra pour la cause royale un très-grand dévouement ; ce qui le plaça dans une position embarrassante quand Napoléon revint de l’île d’Elbe, en 1815 : toutefois il se fit inscrire sur la liste des volontaires royaux, et n’hésita pas à suivre le roi à Gand ; Il ne fit cependant aucun service militaire auprès de S. M., et se borna, pendant son séjour dans la Belgique, à concourir à la rédaction d’un journal intitulé le Nain rose, qui n’eut que quelques jours d’existence. Lors du retour du roi, Théaulon le précéda de quelques heures à Paris, et il y fit afficher en même temps que la déclaration de Cambrai, et sortant des mêmes presses (voy. Talleyrand LXXXIII, 157), une espèce de proclamation dont le titre était : Voici le Roi. Cette annonce de l’arrivée du monarque dans la capitale fut d’un très-bon effet, et ce fut, de la part de Théaulon, un acte de dévouement et de courage incontestable. Nous ignorons s’il en fut récompensé convenablement. Depuis ce second retour de Louis XVIII il donna encore, pour la même cause, un grand nombre de pièces de théâtre. Sa fécondité était telle qu’il eut part dans la même année à plus de cinquante productions dramatiques, dont il composa notoirement la plus grande partie. En 1820, à l’époque de la naissance du duc de Bordeaux, il fit un tour de force encore plus remarquable ; ce fut de donner le même jour aux trois principaux théâtres, une pièce différente, savoir à l’Opéra Blanche de Provence en trois actes avec M. de Rancé ; au théâtre-Français, Jeanne d’Albret ou le Berceau, en un acte avec MM. Carmouche et Rochefort ; à l’0péra-Comique, le Panorama de Paris, ou c’est Fête partout, avec M. Dartois. Cette fécondité ajouta beaucoup à sa réputation, et lui fit enfin accorder en 1823 la croix de la Légion-d’Honneur. Il obtint à la même époque un triomphe plus éclatant, et que l’on pourrait nommer exotique ; ce fut d’être appelé à Berlin pour y faire le poème d’un opéra, dont Spontini composa la musique, et qui fut représenté à l’occasion du mariage du prince Royal. Ce grand événement ayant été retardé, le séjour de Théaulon en Prusse se prolongea longtemps ; mais il en revint comblé de présents et d’honneurs. A son retour il fit un voyage en Provence et en Languedoc, où il alla pour la dernière fois visiter sa famille. C’est alors qu’il fit jouer à Toulon Owinska, ou la Guerrière polonaise. Revenu à Paris, il y reprit ses travaux dramatiques jusqu’à la révolution de 1830 qui vint en arrêter le cours. Dans aucun siècle ni dans aucun pays, on ne trouve un auteur qui ait autant produit en si peu de temps. Le nombre des pièces qu’il a composées en quelques années, seul ou en société, s’élève à 250. Nous en donnerons une liste abrégée, mais qu’il a fait imprimer lui-même dans les derniers temps de sa vie, sans l’annoncer comme complète. Au théâtre du Vaudeville dans l’intervalle de 1810 à 1827 : le Piége, Stanislas en voyage, l’Arbre de Vincennes, le Marin ou les deux ingénues, le Prince Chéri, Stanislas ou les rois, la Déesse à l’enchère ou le nouvel Opéra, les Portraits, le Dragon de vertu, la Somnambule mariée, la Mère au bal et la Fille à la maison, la Fiancée de Berlin, le bénéfice de Minette, parade, Héloise ou la nouvelle Somnambule, l’Homme à la Carriole ou Monsieur Quatre-Sous, en trois actes, le vieux Marin ou la Campagne imaginaire, imité de Mme  de Staël. Les principales pièces que Théaulon a données au Vaudeville, en collaboration avec MM. Dartois, Moreau, Ourry, Capelle, Dupin, Fulgence, Brazier, Désaugiers, Dumersan, Carmouche, Ramond, Vulpian, etc., sont : les Pages au sérail, les Anglais à Bagdad, la Jérusalem déshabillée, parodie de la Jérusalem délivrée, le Cimetière du Parnasse, parodie de Typo-Saïb, Numéro 15 ou la nuit avant la noce, les Bêtes savantes, Paris à Pékin ou la Clochette de l’Opéra Comique, les Folies du Jour, l’Ermite de Sainte-Axelle, le Parnasse Gelé, ou les Glisseurs littéraires, le Gueux parodie du Marin, les Paris anglais ou la Conversation criminelle, la Suite du Folliculaire ou l’article en suspens, la Solliciteuse, l’Homme d’affaires ou les Rosses et le Fiacre, le Courrier des Théâtres ou la Revue à franc étrier, la Girafe ou une journée au Jardin du Roi, etc. Au Théâtre des Variétés depuis 1815 jusqu’à 1830 : le Château d’If, le Mariage à la hussarde, le Diable d’argent, la Géorgienne à Londres ou les Réformateurs, l’Auberge du grand Frédéric, les Blouses, Stanislas, suite de Michel et Christine, Pique-Assiette, le Grenadier de Fauchon, le Bénéficiaire, le Commissaire du bal ou l’ancienne et la nouvelle mode, le Chiffonnier ou le Philosophe nocturne, les trous à la Lune ou Apollon en faillite, M. Bonaventure ou les inconvénients de la Diligence, M. François ou chacun sa manie, le Candidat ou l’Athénée de Beaune, le Médecin des Théâtres ou les consultations, les trois Faubourgs ou samedi, dimanche et lundi, parodie des trois quartiers, John Bull au Louvre, le Bal de l’avoué ou les Quadrilles historiques, les trois Couchers ou l’Amour en poste. A l’Opéra-Comique, de 1816 à 1821, avec MM. Dartois et de Rancé, le Roi et la Ligue, le Mari pour étrennes, Charles de France, la Bataille de Denain, le Sceptre et la Charrue, Jeanne d’Arc ou la délivrance d’Orléans, les fleurs du Château. (Seul) la Rosière, en trois actes, la Clochette, le petit Chaperon rouge, l’0iseau bleu. Au Théâtre-Français de 1816 à 1825, avec MM. de Rancé, Dartois, Rochefort, Carmouche, Gersin, etc, l’Anniversaire en un acte et en vers, Henri IV et Moyenne, en trois actes ; le Laboureur, le Château et la Ferme, à l’occasion du sacre de Charles X. A l’Opéra avec M. de Rancé, don Sanche ou le château d’amour en trois actes, 1825. A l’Odéon (seul) l’Artiste ambitieux ou l’Adoption, comédie en cinq actes et en vers, l’Indiscret, idem. Au Gymnase-Dramatique de 1822 à 1827, avec divers : le Zodiaque de Paris, à propos de celui de Denderah, les Femmes romantiques, le Magasin des lumières, l’Homme fossile, mes Derniers vingt sols, Perkins Warbeck ou le Commis marchand, l’Écrivain public, Sainte-Perine ou l’Asile des vieillards, le Combat des coqs, la Fête des Marins ou la Saint-Charles à Dieppe. (Seul) la Veuve du soldat, 1825 ; le Paysan perverti ou Quinze ans de Paris. 1827, drame en trois journées ; l’Héritage, comédie, le Lendemain d’un bal, vaudeville, et le Vol, drame. Au Théâtre des Nouveautés, de 1827 à 1830, avec divers, l’ami Bontemps ou la Maison de mon oncle, M. Jovial ou l’huissier chansonnier, Leda ou la jeune servante, le Barbier châtelain ou la Loterie de Francfort, M. du Croquis ou le peintre en voyage, une matinée de Stanislas, Jean ou le Pouvoir de l’éducation, pièce en quatre parties ; Angiolina ou l’épouse du Doge, drame en trois actes ; la Tyrolienne, pastorale imitée de Gœthe ; Jovial en prison ou le Buveur, le Bandit, drame en deux actes, le Bal champêtre au cinquième étage. (Seul ) Faust, drame en trois actes mêlé de chants, la Recette ou le sixième acte du Bénéficiaire, le Mari aux neuf femmes, Raphaël, drame en trois actes mêlé de chants. On conçoit comment tant de pièces que les circonstances avaient fait naître, ont cessé d’ètre jouées lorsque ces circonstances n’ont plus été les mêmes ; ce qui a causé un grand préjudice à l’auteur. Il en avait achevé trois du même genre, que la police de Louis-Philippe ne lui permit pas de faire représenter, et qui ne le seront probablement jamais. La première de ces pièces est tirée de l’Histoire du roi Clovis ; la seconde intitulée le traité d’Amiens, et la troisième Henri V ou l’an 1880. La révolution de 1830 plaça Théaulon dans une position fâcheuse, et après avoir eu au théâtre un des plus grands succès de cette époque, il mourut à Paris sans laisser à sa famille d’autre bien, qu’un nom honorable et sans reproche. M—dj.


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