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Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Tharreau (le baron Jean-Victor)

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THARREAU (le baron Jean-Victor), général français, né vers 1770, dans un village de l’Anjou, près de Chollet, d’une famille considérée, fit d’assez bonnes études, et venait de les achever, lorsque la révolution commença. Plein d’enthousiasme pour la guerre, il s’enrôla en 1792, dans un bataillon de volontaires nationaux du département de Maine-et-Loire, dont il devint bientôt l’adjudant-major, puis le commandant. Dès le commencement de 1794 il était général de brigade et chef d’état-major de l’armée des Ardennes. C’était le temps de l’horrible terreur qui désola si cruellement la France. Tharreau n’en approuva pas les excès, et il le témoigna assez haut pour que les représentants du peuple en mission près de cette armée crussent devoir le priver de son emploi. Il ne le recouvra que par la chute de Robespierre, après le 9 thermidor. S’étant alors rendu dans la capitale, il y fit connaissance de Bonaparte qui, se trouvant dans une position semblable à la sienne, lui donna de fort bons conseils. Tous deux rentrèrent dans leur grade à la même époque ; et, lorsque Napoléon allait débuter en Italie dans sa brillante carrière, Tharreau se rendit à l’armée du Rhin sous les ordres de Moreau. Il s’y distingua surtout dans la fameuse retraite de 1796, où on lui donna le commandement d’une division, bien qu’il ne fût que général de brigade. Chargé de flanquer l’aile droite ; souvent privé de communications et forcé de combattre à la fois les corps autrichiens de Frœlich et de Wolf, qui furent encore renforcés par celui du comte de Saint-Julien, il prouva que les talents et la valeur peuvent quelquefois suppléer au nombre. Après s’être éminemment distingué à la prise et reprise de Kempten, et au combat de Ravensbourg, il ramena en France sa division, couverte de gloire et n’ayant fait que de légères pertes. Il fut un des généraux chargés de la défense de Kell. On sait ce que fut la longue résistance de cette place à des forces de beaucoup supérieures. Tharreau y eut une grande part. Cependant ce ne fut que deux ans plus tard, en 1799, qu’il obtint le grade de général de division, et qu’il se rendit en cette qualité à l’armée d’Helvétie, sous les ordres de Masséna qu’il seconda merveilleusement aux batailles de Zurich et de Winterthur, où il commandait quatre divisions. Après cette glorieuse campagne, Tharreau passa au commandement supérieur de Strasbourg qu’il conserva jusqu’en 1800, où Moreau lui donna un nouveau témoignage d’estime, en l’appelant au conseil qui fut chargé d’arrêter le plan de la belle campagne que termina la victoire de Hohenlindem, à laquelle il eut encore une très-grande part. Ce fut à cette époque que commencèrent les secrètes divisions qui devaient avoir, entre les armées du Rhin et d’Italie, des résultats si funestes. Tharreau, très réservé par caractère, y prit peu de part ; mais trop franc pour dissimuler, il laissa quelquefois pénétrer sa pensée. On l’envoya d’abord en Italie, où il commanda une division sous les ordres de Murat. Il ne revint en France que vers la fin de 1802, pour cause de santé. C’était le temps où Napoléon marchait ouvertement au pouvoir absolu ; Tharreau le comprit sans peine. Admirateur très sincère de son talent, il ne vit qu’avec peine le projet de changer la forme d’un gouvernement pour lequel il avait si longtemps combattu, et refusa sa signature, quand il fut question de voter pour le consulat. Quelques jours après, le ministre de la guerre le mit hors de service en lui écrivant toutefois dans un style poli : « Je vous préviens que, d’après le travail arrêté par le premier Consul, vous êtes en activité. Vous restez à la disposition du gouvernement, et jouirez, en attendant une destination, du traitement de 15,000 francs. Croyez au plaisir que j’ai à vous transmettre cette preuve de l’estime du gouvernement et de la considération qu’il attache à vos services. » Lorsqu’il fut question de l’élection à l’empire, Tharreau opposa d’abord la même résistance, mais quand l’Empereur fut définitivement proclamé, il n’hésita pas à lui prêter serment. Depuis cette époque, il fut laissé chez lui dans la même position, recevant très régulièrement le même traitement. A chaque époque où il vit recommencer la guerre, il écrivit pour offrir ses services, mais on n’y répondit pas. Cependant un peu avant le manifeste contre la Prusse, le prince Joseph étant venu à Strasbourg, Tharreau fit plusieurs reconnaissances militaires avec lui, et il en reçut quelques témoignages d’estime. Ce prince lui écrivit ensuite de Paris : « J’espère que vos vœux seront remplis, et je m’en féliciterai. » Cette lettre lui fit concevoir l’espérance d’être prochainement employé ; mais il lui fut impossible d’en faire la demande à l’empereur, qui, peu de temps après, passa par Strasbourg. Désespéré de ce contretemps, et voyant que la guerre avec la Russie allait commencer, il écrivit au ministre de la guerre, que n’étant point habitué à entendre tirer le canon d’aussi près, sans être de la partie, il allait se rendre à Poitiers pour affaires de famille. Il n’avait point reçu de réponse à cette lettre quand, à son grand étonnement, il fut nommé baron, et s’étant rendu à Paris pour remercier l’Empereur et lui réitérer ses offres de service, il fut très bien reçu et nommé commandant de la première division des grenadiers, aux ordres du maréchal Oudinot, ce que Napoléon lui annonga très gracieusement en disant : « A présent vous voila à même de réparer le temps perdu. » La guerre d’Autriche en 1809, commença bientôt, et dès le début, en entrant à Vienne, Tharreau fut blessé assez grièvement pour qu’on ne le regardât, comme hors de danger, que le quinzième jour. Ayant alors appris que sa division allait passer le Danube, il essaya ses forces en voiture, et trois jours après il la rejoignit sur la rive gauche du fleuve, au moment où le général Régnier venait le remplacer par ordre de l’empereur : « Mais vous n’êtes pas de fer, lui dit Napoléon, qui était présent ; la journée sera chaude ; vous ne pourrez pas la supporter. » — « Sire, j’aurai toujours assez de force pour combattre. » Et il se mit à la tète de sa division. Déjà un feu terrible avait commencé sur tous les points. Bientôt le maréchal Oudinot fut blessé et forcé de se retirer. Tharreau prit le commandement de tout le corps d’armée et avec son sang-froid et son courage ordinaires, il en dirigea tous les mouvements pendant le reste de cette sanglante journée. Il ne s’arrêta qu’à la nuit close, et lorsque tout combat eut cessé. Alors atteint d’un accès de fièvre il alla s’asseoir auprès d’un bivouac, et ne s’éloigna du champ de bataille que lorsqu’on l’emporta sur un hrancart. Pendant ce temps l’Empereur lui avait fait expédier un ordre de se rendre en Westphalie pour y rétablir sa santé ; mais il parvint à le faire révoquer, et resta avec sa division qu’il commandait encore à Wagram, où il eut un cheval tué sous lui, et perdit deux aides de camp et son chef d’état-major qui tombèrent à ses côtés. Après cette terrible et glorieuse campagne il ramena en France le corps d’Oudinot qu’il commanda par intérim, et reçut de l’Empereur l’autorisation de retourner dans sa famille, où il resta jusqu’au mois de mars 1812. A cette époque, mis à la tête de la première division du corps westphalien, commandé par Vandamme, sous les ordres immédiats du roi Jérôme, il partit pour cette guerre de Russie qui devait être si terrible et si funeste. Le roi ayant été forcé de retourner dans ses États, Tharreau s’était flatté de commander son corps d’armée ; mais le duc d’Abrantès s’étant alors trouvé sans commandement, il fallut lui donner celui que laissait vacant le départ du roi, et Tharreau se vit déçu d’un espoir très-fondé. Il ne continua pas moins de combattre avec le plus entier dévouement. Le corps westphalien avait alors passé le Borysthènes, et il était sur le flanc de l’armée russe dont il pouvait couper la retraite sur Moscow. Tharreau s’en aperçut, et ne voulant pas perdre un moment, il mit en marche sa division pour commencer une opération dont il attendait les plus heureux résultats. En même temps il fit prévenir le général en chef par son aide de camp Crozet. Mais contre son attente sa proposition fut mal accueillie. « Je ne le souffrirai pas, » dit Junot ; et sur de nouvelles instances, sur la déclaration formelle de Tharreau qu’il répondait du succès, le duc d’Abrantès ne répliqua que par ces dures paroles: « Je le ferai fusiller, s’il ne s’arrête pas. » Il fallut suspendre un mouvement déjà commencé, et renoncer à une opération dont le succès lui paraissait infaillible, ainsi que cela est très-exactement indiqué dans le quatorzième bulletin, daté de Smolensk le 23 août. « Les fuyards, y est-il dit, se retiraient sur les hauteurs de Valontina ; cette position fut enlevée par le 18e de ligne ; et sur les quatre heures après midi la fusillade s’engagea avec toute l’arrière-garde de l’ennemi, qui présentait environ quinze mille hommes. Le duc d’Abrantès avait passé le Borysthènes à deux lieues sur la droite de Smolensk ; il se trouvait déboucher sur les derrières de l’ennemi, et pouvait, en marchant avec décision, intercepter la grande route de Moscow, et rendre difficile la retraite de cette arrière-garde… » Le roi de Naples qui se trouvait près de là, et qui depuis longtemps connaissait Tharreau, accourut à lui, dans le moment décisif, et ayant reconnu à quel point son projet était bien conçu, lui en fit compliment, et se rendit auprès de Junot, pour l’y faire consentir ; mais ce fut en vain ; rien ne put convaincre ce général. On a reconnu plus tard que, dès lors, il commençait à être atteint du mal qui a terminé sa vie. Ainsi le malheureux Tharreau vit échapper une occasion du plus bel exploit qui eût illustré sa carrière. Il se résignea, reprit tristement le chemin de Moscow, et trois semaines après il était blessé à la jambe dans la sanglante journée de la Moscowa ; et n’ayant pas voulu se retirer il était frappé d’une seconde balle qui lui traversa la poitrine. Il mourut glorieusement sur le champ de bataille, comme tant de fois déjà il avait pensé mourir.M—dj.


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Jean Victor Tharreau est né le 15 janvier 1767 à Bégrolles-en-Mauges en Maine-et-Loire