Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Théodose (dom)

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THÉODOSE (dom), infant de Portugal, fils aîné de Jean IV, naquit en 1632. Ce prince, orné des qualités les plus brillantes, et qui vécut trop peu, pour le bonheur de sa patrie et de sa famille, est digne des regards de la postérité. Il était âgé de huit ans, lorsqu’il vint à Lisbonne, après l’exécution du complot qui porta son père sur le trône de Portugal en 1640. A la vue de ce jeune prince, le peuple ne put contenir les transports de sa joie, et l’accueillit par de touchantes et vives acelamations. Les états du royaume, le reconnurent pour le successeur légitime de Jean IV ; après quoi ils lui prêtèrent serment de fidélité, sur la croix et le livre des Évangiles.

Au commencement de 1649, le roi forma une maison à l’infant Théodose, et lui permit d’assister à tous les conseils. Le jeune infant reçut cette permission comme une faveur singulière. Jaloux de s’instruire dans le grand art de régner, il se rendit assidûment aux conseils, et n’y parla jamais, sans donner des marques de la pénétration, de la justesse et de l’étendue de son esprit. Ses discours inspiraient de l’admiration à tous les ministres et au roi lui-même, qui, dit-on, en témoignait quelque jalousie. Nul prince ne méritait, en effet, plus d’estime que dom Théodose. Aux grâces, à la majesté qui brillaient dans ses traits, il joignait une dextérité rare dans toutes les sortes d’exercices. Il parlait plusieurs langues, était instruit dans la religion, l’histoire, les mathématiques, les belles-lettres et la politique. Outre ces qualités brillantes, il avait des mœurs pures, une âme généreuse, sincère, capable d’amitié. Enfin, il n’était possible à personne de l’approeher, sans éprouver du respect et un profond attachement. Théodose fit éclater d’une manière touchante la magnanimité de son caractère, dans une circonstance où l’on délibéra en présence du roi, si l’on prendrait la défense de deux princes palatins, neveux de l’infortuné Charles Ier, poursuivis jusque dans le port de Lisbonne, par le général anglais Black. Quelques-uns des membres du conseil ayant cherché à faire sentir qu’il était de l’intérêt du Portugal d’abandonner les deux fugitifs, le jeune prince indigné se leva de son siége avec vivacité. « Nous ne pouvons, s’écria-t-il, violer les droits sacrés de l’hospitalité envers les princes palatins, qu’en nous couvrant d’opprobre. Une action si honteuse livre nos noms au mépris de la postérité. Le devoir du roi est d’éviter le déshonneur que cette action attirerait sur lui et sur toute la nation. Cependant, si les Anglais sont capables de raison, il est de la prudence de négocier avec eux pour écarter l’orage ; mais, s’ils persistent dans leur injustice, nous ne pouvous éviter d’en venir aux dernières extrémités. La justice sera de notre côté, et le ciel daignera favoriser notre cause. D’ailleurs, espérons que notre fermeté produira un bon effet. Les Anglais, par une violence mal entendue, ne voudront point s’exposer à perdre tous les avantages qu’ils tirent de notre alliance. Il est de leur intérêt, par rapport à leur commerce, de nous ménager. Ainsi, avant d’en venir à une infraction ouverte, on doit espérer qu’ils réfléchiront sur des conséquences si contraires à leurs intérêts. » Cet avis, exprimé avec feu, entraîna le roi et la majorité du conseil. Des députés furent immédiatement envoyés auprès des Anglais, pour essayer ce que pourrait sur eux le langage de l’humanité. Ils ne voulurent rien entendre. Alors on se mit en devoir de les combattre ; mais ils disparurent promptement. Ainsi furent sauvés les deux princes par la générosité de l’infant Théodose. Vers la fin de l’année 1651, la guerre entre le Portugal et la Castille était suspendue, et ne se poursuivait qu’avec une extrême lenteur. Théodose, qui touchait à sa dix-huitième année, voyant cette inaction avec un vil regret, conçut le projet d’aller, à l’insu même de son père, se mettre à la tête de l’armée, pour combattre les Castillans. Déjà l’amour de la gloire commençait à fermenter dans son jeune cœur. Plein du souvenir de ses ancêtres, il lui tardait de les imiter sur le champ de bataille ; et d’ailleurs, les gentilshommes qui l’entouraient se plaisaient à l’entretenir dans ces dispositions. Enfin, ne pouvant supporter l’oisiveté il partit de Lisbonne, emmenant deux seigneurs de sa maison, et se dirigea vers l’Alentejo, d’où il s’empressa d’appeler auprès de lui les principaux chefs de l’armée. Bientot il parut dans Elvas, à la tête d’un détachement d’infanterie et de cavalerie, et déjà il se disposait à se jeter sur la Castille, lorsque son père, informé d’une démarche qu’il avait vue avec déplaisir, lui envoya l’ordre de revenir à Lisbonne. Il obéit, avec douleur. Revenu auprès du roi, il en reçut un froid accueil. Pour le consoler, son père le créa généralissime de ses armées. Mais que lui importait ce vain titre, puisqu’il ne lui était pas permis de s’en montrer digne dans les combats ? Quelque temps après, craignant l’ambition de son fils, le roi, l’écarta des affaires. L’infant, doué d’une ardente sensibilité, fut attéré par ce nouveau coup ; il murmura, il se plaignit. Alors il devint mélancolique et sombre. Sa santé s’altèra et bientôt en proie à une fièvre lente, à des vomissements de sang contre lesquels tous les secours de l’art furent impuissants ; il mourut le 15 mai 1653. La nation entière pleura le trépas d’un prince aussi brave, aussi vertueux. F—a.


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