Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 3, 1886.djvu/La Petite Oie

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VIII

la petite oie




Il y avait, une fois, une petite oie, qui se bâtit un beau château avec des crottettes et des bûchettes.

Le beau château fini, le Loup vint frapper à la porte.

— « Pan ! pan !

— Qui est là ?

— Ami. Ouvre, Petite Oie. »

Mais la Petite Oie avait reconnu le Loup à la voix.

— « Loup, je n’ouvre pas. Tu me mangerais.

— Petite Oie, je ne te mangerai pas. Ouvre, ou j’enfonce la porte.

— Loup, la porte est solide. Je ne l’ouvrirai que si tu m’enseignes où je ferai bonne chère.

— Petite Oie, suis-moi là-bas, là-bas, jusqu’à ce ruisseau. Je te montrerai un poirier, chargé de belles poires mûres. »

Mais la Petite Oie n’ouvrit pas la porte. Du toit de son beau château, elle s’envola sur le poirier, et se rassasia de belles poires mûres.

Tout en bas, le Loup faisait le câlin.

— « Descends, Petite Oie, descends.

— Tout à l’heure, Loup. Tout à l’heure. En attendant, régale-toi de ces belles poires mûres. »

En effet, la Petite Oie jeta quelques poires dans le ruisseau. Le Loup voulut aller les prendre ; mais il pensa se noyer.

La Petite Oie, rassasiée, s’envola dans son château.

Quelques jours après, le Loup revint frapper à la porte,

— « Pan ! pan !

— Qui est là ?

— Ami. Ouvre, Petite Oie. »

Mais la Petite Oie avait reconnu le Loup à la voix.

— « Loup, je n’ouvre pas. Tu me mangerais.

— Petite Oie, je ne te mangerai pas. Ouvre, ou j’enfonce la porte.

— Loup, la porte est solide. Je ne l’ouvrirai que si tu m’enseignes où je ferai bonne chère.

— Petite oie, suis-moi là-bas, là-bas, tout près de ce bois. Je te montrerai un pommier, chargé de belles pommes mûres. »

Mais la Petite Oie n’ouvrit pas la porte. Du toit de son beau château, elle s’envola sur le pommier, et se rassasia de belles pommes mûres.

Tout en bas, le Loup faisait le câlin.

— « Descends, Petite Oie, descends.

— Tout à l’heure, Loup. Tout à l’heure. En attendant, attrape cette belle pomme mûre. »

Le Loup leva la tête. Alors, la Petite Oie lui chia dans les yeux, dont il souffrit mort et passion toute une semaine.

Un mois plus tard, la Petite Oie partit, en volant, pour la foire, suivie d’un poulet de ses amis.

À la foire, la Petite Oie acheta un âne. Elle marchanda deux grands chaudrons, un pour elle, l’autre pour son ami le Poulet. Mais l’argent lui manqua pour payer.

Le soir même de la foire, tous deux soupaient à l’auberge, attablés avec un grand fantôme, qui avait trouvé une masse d’or rouge.

— « Poulet, dit le fantôme, ne pourrais-tu pas m’indiquer un chaudronnier, à qui je pourrai vendre cette masse de cuivre ?

— Fantôme, je sais l’homme qu’il te faut. Mais il est tard. Allons nous coucher. Compte sur moi pour te réveiller de bon matin, et pour te mener chez le chaudronnier. »

Tous trois allèrent se coucher. Mais, sur le conseil de la Petite Oie, le Poulet se garda bien de réveiller le fantôme. Tandis que celui-ci ronflait encore, la Petite Oie et son ami le Poulet, chargeaient la masse d’or rouge sur leur âne, et partaient pour la boutique du chaudronnier.

— « Bonjour, chaudronnier. Combien veux-tu nous donner de grands chaudrons, pour cette masse d’or rouge ?

— Mes amis, je vous en donne trois.

— Chaudronnier, nous n’en voulons que deux. »

La Petite Oie et son ami le Poulet chargèrent donc les deux chaudrons sur leur âne, l’un à droite, l’autre à gauche, et partirent au galop.

Le soir même, ils étaient rentrés au château.

— « Poulet, mon ami, étrennons nos deux grands chaudrons. Faisons des armotes[1]. »

Tandis que les armotes cuisaient, le Loup revint frapper à la porte.

— « Pan ! pan !

— Qui est là ?

— Ami. Ouvre, Petite Oie. »

Mais la Petite Oie avait reconnu le Loup à la voix. Pourtant, elle ouvrit la porte, sans peur ni crainte.

— Entre, Loup. Veux-tu manger des armotes ? En voici deux grands chaudrons. Mange. Elles sont refroidies à point. »

Sans se méfier de rien, le Loup sauta dans l’un des grands chaudrons pleins d’armotes bouillantes.

— « Aie ! aie ! aie ! »

Que firent alors la Petite Oie et son ami le Poulet ? Ils renversèrent l’autre grand chaudron sur celui où avait sauté le Loup, et partirent, laissant ainsi la male bête cuire à l’étouffée.

À minuit, il pleuvait à déluge. La Petite Oie et son ami le Poulet ne savaient où s’abriter. Ils frappèrent à la porte de Porc Pingou[2].

— « Pan ! pan !

— Qui est là ?

— Ami. Ouvre, Porc Pingou.

— Passez votre chemin. Je n’ouvre pas.

— Écoute, Porc Pingou, gare à ta porte.

Tant je tournerai[3],
Tant je tournoierai,
Je foutrai un coup de cul, et je te l’abattrai.

— Passez votre chemin. Je n’ouvre pas.

— Ouvre, Porc Pingou, ou gare à ta porte.

Tant je tournerai,
Tant je tournoierai,
Je foutrai un coup de cul, et je te l’abattrai.

— Passez votre chemin. Je n’ouvre pas. »

Alors, la Petite Oie donna un grand coup de cul contre la porte.

Mais la porte était solide, et garnie en dehors de longues pointes de fer. Aussi, la Petite Oie perdit-elle toute envie de recommencer.

— « Ami Poulet, retournons à mon château. Maintenant, le Loup doit être tout à fait cuit à l’étouffée[4]. »

  1. Bouillie de maïs, dont nos paysans gascons se nourrissent volontiers durant l’hiver.
  2. Je n’ai pu recueillir aucun renseignement sur ce Porc Pingou.
  3. Cela rime en gascon :

    Tant tournejerèi,
    Tant biroulerèi,
    Fouterèi un cop de cul, e te l’amourrerèi.

  4. Dicté par Anna Dumas, du Passage-d’Agen (Lot-et-Garonne).